Alain Delon : L'Homme derrière le Masque
Alain Delon est un concept à lui tout seul. Il nous a quittés le 18 août dernier et déjà tant de choses positives et négatives ont été dites sur 'Le Guépard' : sur son fils présumé, ses liens avec la mafia, sa bisexualité… Que peut-on encore apprendre ?
Dans sa récente biographie très documentée Alain Delon. Un destin français, le journaliste et historien de cinéma Philippe Durant nous livre des informations, sans vouloir donner des vérités, pour mieux cerner l’individu et le 'Monsieur Alain Delon'. Philippe Durant était l’invité de Matin Première.
Sans être forcément fan de Delon, l’auteur avait plutôt choisi, dans sa jeunesse, Jean-Paul Belmondo (sur lequel il a également écrit une biographie). Plus tard, il se rend compte qu’il y avait quand même face à Belmondo, un acteur qui avait un charisme et un talent extraordinaire : Alain Delon.
Si le journaliste n’a pu lui poser les questions personnelles qu’il souhaitait - à cause de l’AVC de ce dernier – Philippe Durant l’avait assez vu en amont, via Jean-Paul Belmondo, et il a pu interroger environ 140 témoins.
Pour l’auteur, Alain Delon, reste "un monsieur qui a été invité à entrer dans le cinéma français et est finalement sorti par la grande porte du cinéma mondial", tant sa filmographie a été acclamée en dehors du vieux continent.
Il ne s’agit pas seulement d’une carrière de cinéma, mais aussi d’une carrière d’homme, d’homme d’affaires, d’homme généreux, dangereux quelques fois. Enfin, un homme multiple.
Alain Delon fait quelque chose quand ça l’intéresse. "Je peux sur un coup de tête ou un coup de caractère, décider peut-être un jour, du jour au lendemain de cesser telle ou telle activité. Ça n’est pas impossible. […] Je m’ennuie très vite, très facilement et je deviens à ce moment-là insupportable avec moi-même et encore beaucoup plus insupportable pour ceux qui m’entourent" disait-il. C’est ce trait de personnalité qui a étonné Philippe Durant : un acteur qui se démultiplie autant est unique dans l’histoire du cinéma. L’auteur cite en exemple une marque de cigarettes à son nom, commercialisées pendant plus de 25 ans.
La part d’ombre : politiquement à droite et ses liens avec les voyous
La part sombre d’Alain Delon est connue et reconnue par l’acteur lui-même. Pour son orientation politique à droite, il a toujours été très gaulliste, sans doute marqué "par son service militaire en Indochine".
Quant à la pègre, le journaliste et historien estime qu’il faut analyser ces fréquentations douteuses dans son ensemble : "Il faut aussi remonter aux racines : quand il est jeune homme, c’est grâce à des bandits, on va dire des voyous, qu’il peut progresser et surtout qu’il est un peu protégé parce qu’il se sentait un peu isolé". Pour Philippe Durant, l’amitié avec ces voyous, "ça vient très tôt avec François Marcantoni, ça vient avec Mémé Guérini à Marseille qui ont compris que ce jeune homme avait un avenir". Ils ont alors décidé de l’aider.
Une amitié maintenue jusqu’à la fin de sa vie, et qui a pu parfois lui coûter cher, notamment dans l’affaire Markovic. Même si l’acteur n’a rien à se reprocher légalement. Toutefois, on pourrait lui reprocher d’avoir eu une fausse image des voyous, comme le raconte l’historien de cinéma : "Pour lui, les gangsters, ce sont des hommes d’honneur avec le code d’honneur et toute cette mythique du cinéma. Mais dans la réalité, c’est entièrement faux. N’importe quel policier vous dira qu’il n’y a jamais eu de code d’honneur chez les voyous".
La beauté d’Alain Delon est indéniable, un élément constitutif de son histoire, mais elle l’a fait souffrir aussi. À force d’entendre "vous êtes beau", Alain Delon avait envie de répondre : "Je suis beau, mais j’ai quand même un vécu derrière moi. J’ai quand même des envies, J’espère ne pas être trop idiot".
Mais l’homme était certainement intelligent, car l’acteur a compris qu’outre la beauté, il fallait travailler dur dans tous les domaines dans lesquels il s’est engagé.
En effet, comme le précise Philippe Durant, dans le monde du cinéma, des beaux mecs, il y en a eu des centaines, mais peu sont ceux qui sont restés, et presque inexistants ceux qui ont survécu à Alain Delon.
Un homme blessé avec une carapace
Il est également faux de s’imaginer un homme confiant et parlant de lui à la troisième personne. C’était vraiment un homme blessé, en provenance de son enfance, qui s’est construit une carapace. Pour le biographe, Alain Delon s’est construit de l’ombre :
C’est le jeune Alain qui a construit Monsieur Delon. Mais le Monsieur Delon n’était pas le véritable Alain Delon. Au fond de lui-même, il y avait une tristesse et beaucoup d’émotions.
Enfin, selon Philippe Durant, "pour vraiment bien comprendre Alain Delon, il faut se remettre avec son amour pour les chiens. Peut-être un peu trop parce que quand il en avait 18, ça faisait un peu meute […] mais c’est là où il se retrouvait. Et quand il allait se promener avec ses chiens, là, je crois qu’on avait le véritable Alain Delon. Un solitaire qui réfléchit et qui a besoin d’être entouré par ses amis et, en l’occurrence ses amis, c’étaient les chiens.