INFOGRAPHIE/L'Algérie commémore le 78e anniversaire des massacres du 8 mai 1945
Il y a 78 ans, le 8 mai 1945, jour de la capitulation de l’Allemagne, et tandis que la France et ses alliés célébraient avec soulagement leur liberté marquant la fin du nazisme, d’autres en étaient privés.
De l’autre côté de la Méditerranée, dans une Algérie française, un rassemblement pacifiste, organisé à Sétif, une ville du Constantinois, à 300km à l’est d’Alger, tournait à la tragédie.
La manifestation est autorisée sous certaines conditions : les slogans politiques sont proscrits et le drapeau algérien y est interdit ! Aux « Vive la victoire alliée » scandés par la foule, succèdent les « Vive l’Algérie indépendante », « Nous voulons être vos égaux », « Libérez Messali ». Les manifestants, de 8 000 à 10 000 personnes, réclament la fin du colonialisme et la libération de Messali Hadj, un leader nationaliste, arrêté quelques semaines plus tôt.
Après un ordre du sous-préfet de retirer pancartes et banderoles, un scout musulman de 22 ans, Bouzid Saâl, refuse de baisser le drapeau algérien. Il est alors assassiné par un commissaire de police. C’est le début des affrontements avec le pouvoir français. Le mouvement de protestation de la rue algérienne s’étend alors dans les villages des alentours, notamment à Guelma et Kherrata. Il va durer jusqu’en septembre 1945.
Pendant plusieurs mois, toutes les forces françaises sont alors déployées : la police, la gendarmerie, l’armée de terre, l’armée de l’air, la marine mais aussi de nombreuses milices composées de civils d’origine européenne. Tous ont pour but de rétablir l’ordre colonial et défendre l’Algérie française.
A l’époque, le gouvernement français tente de minimiser le nombre de victimes : à peine 1 000 morts, selon l’ancienne puissance coloniale. Les massacres de Sétif, Guelma et Kherrata, marquent les prémices de la guerre d’Algérie, qui démarrent neuf ans plus tard, le 1er novembre 1954. Des massacres passés sous silence par la France.
Jusqu’en 2005 où une première reconnaissance est formulée par l’ambassadeur de France à Alger, Hubert Colin de Verdière qui évoque alors une « tragédie inexcusable ». Son successeur, Bernard Bajolet condamne à son tour en 2008 ces massacres, évoquant la « très lourde responsabilité des autorités françaises de l’époque dans ce déchaînement de folie meurtrière », ajoutant que « le temps de la dénégation est terminé ».
En avril 2015, le secrétaire d’Etat aux anciens combattants et à la mémoire Jean-Marc Todeschini se déplace à Sétif pour, soixante-dix ans après, commémorer les faits. Une première pour un responsable français. Le déplacement de M. Todeschini à Sétif entre dans le cadre de la politique mémorielle annoncée par François Hollande.
Devant le Parlement algérien, en décembre 2012, le chef de l’Etat français dénonce la colonisation, « un système profondément injuste et brutal » et reconnait « les souffrances (…) infligées au peuple algérien », dont les massacres de Sétif, Guelma et Kheratta. « Le jour même où le monde triomphait de la barbarie, la France manquait à ses valeurs universelles », concluait alors le président.
Mais, 78 ans plus tard, la France n’a toujours pas reconnu solennellement la responsabilité de l’Etat dans les massacres de Sétif et de Guelma. Le collectif unitaire pour la reconnaissance des crimes coloniaux appelle à un rassemblement, ce lundi 8 mai, à midi, face à la préfecture de Nanterre (92).