Allemagne/virus : la justice demande à l'Etat de protéger l'accès des personnes handicapées aux soins intensifs
L'Etat allemand doit prendre des dispositions législatives pour protéger l'accès aux soins intensifs des personnes handicapées, en cas de "triage" médical imposé par la pandémie de coronavirus, a indiqué la Cour constitutionnelle dans un arrêt.
"Le législateur n'a pas pris de mesures garantissant le fait que personne ne puisse être désavantagé en raison de son handicap dans l'attribution d'un traitement en cas de pénurie de ressources en soins intensifs", a-t-elle affirmé dans sa décision.
La Cour de Karlsruhe, dernière instance judiciaire en Allemagne, était saisie par plusieurs plaignants souffrant de handicap, qui estimaient que le pays n'avait pas pris de dispositions suffisantes pour leur garantir un accès aux soins dans le contexte pandémique.
Depuis près de deux ans, l'épidémie de coronavirus a conduit, dans de nombreux pays, à une surcharge plus ou moins durable des services de soins intensifs ayant parfois imposé aux médecins un "tri" des patients à soigner en priorité.
En Allemagne, "jusqu'à présent, aucun cadre contraignant n'a été mis en place pour régir l'allocation des ressources en soins intensifs en cas de pénurie effective", a fait remarquer la Cour de Karlsruhe dans sa décision.
Pour le moment, les médecins disposent seulement de directives provenant de leurs instances professionnelles, mais celles-ci ne sont pas "contraignantes légalement".
Or, il existe "suffisamment d'indications selon lesquelles les plaignants risquent d'être désavantagés en raison de leur handicap", dans une telle situation, a-t-elle détaillé.
En cas de pénuries de places en soins intensifs, les décisions "subjectives" des médecins pourraient en effet comporter des "éléments de discriminations" envers ces personnes, selon les juges.
Dans l'état actuel de la législation, la protection de l'accès au soin des handicapés "n'est donc pas assurée", explique la Cour, alors même que "la pandémie de Covid-19 entraîne des risques spécifiques pour les personnes handicapées".
L'absence de disposition protégeant ces personnes les plus à risque en cas de "triage" viole, selon la Cour, "l'interdiction de discriminer sur la base d'un handicap", inscrite dans la Convention des Nations Unies relatives aux droits des personnes handicapées, signée par l'Allemagne.