Attaque du 7 octobre : la France et le risque d’embrasement du Moyen-Orient
Il y a une menace particulière en Cisjordanie, où les tensions entre colons israéliens et Palestiniens sont extrêmement élevées. D'un côté, les colons se montrent de plus en plus hostiles et organisent des représailles dans les villages palestiniens voisi
De plus en plus armés grâce à des assouplissements des règles sur le port d'armes approuvés par les autorités, ils bénéficient de la tolérance de l'armée israélienne.
En réponse, la France a décidé de prendre des mesures contre 28 colons extrémistes. De l'autre côté, les Palestiniens ne peuvent ignorer ce qui se déroule à Gaza, surtout avec la forte présence du Hamas en Cisjordanie et son soutien populaire.
Malgré cela, le déploiement militaire israélien dans les enclaves palestiniennes de Cisjordanie, les restrictions de circulation sur la route 60 - l'artère principale nord-sud de la région - et le nombre élevé d'arrestations ont jusqu'à présent contenu toute éruption majeure.
La situation sur le front nord-est plus préoccupante. De part et d’autre de la frontière, les habitants ont été évacués et des échanges de tirs interviennent au quotidien entre le Hezbollah et Tsahal.
Certes, il semble bien que le premier, à la fois en raison de la situation intérieure libanaise et parce que son parrain iranien l’incite à la réserve, n’entend pas s’engager actuellement dans un véritable conflit avec Israël et se contente du « service minimum » pour manifester sa solidarité avec le Hamas en guerre.
On peut penser qu’Israël, menant une guerre dans la bande de Gaza et soumis aux pressions américaines, ne souhaite pas à ce stade enflammer ce front. Mais il est clair que Tsahal entend bien régler son compte à ce mouvement qui, après la guerre des 33 jours en 2006, avait proclamé une « victoire divine » et qui représente une véritable menace pour sa sécurité.
Plusieurs attaques sur le fief de Beyrouth sud – assassinats ciblés de Saleh al-Arouri, responsable du Hamas en Cisjordanie, et de Wissam al-Tawil, chef de la force d’élite Radwan du Hezbollah peuvent être interprétées comme des actes provocateurs qui pourraient amener le mouvement chiite à réagir plus qu’avec les échanges de tirs calibrés actuels, ce qui n’a pas été le cas jusqu’à maintenant. Mais un dérapage suivi d’un engrenage n’est pas à exclure.
La France qui intervient dans le même sens que les États-Unis, maintient le contact avec le Hezbollah, et s’emploie à le convaincre d’éviter toute surréaction à ce qui peut apparaître comme des provocations israéliennes.
Cependant, le développement d’un front sud, inattendu, est d’autant plus préoccupant que le mouvement Houthi a une autonomie stratégique réelle, même s’il a le soutien de l’Iran.
À l’évidence, son action vise à se faire reconnaître comme un acteur qui compte au Moyen-Orient, à un moment où il négocie une paix avec l’Arabie saoudite.
Ses tirs de missiles à longue portée visant Israël mais surtout les attaques par drones en mer Rouge ciblant tout navire ayant des liens avec Israël ou ses alliés ont d’ores et déjà des effets économiques majeurs tant sur la région que pour les pays européens.
La décision de plusieurs armateurs de renoncer à faire passer leurs navires par le canal de Suez et de les faire contourner l’Afrique, a d’ores et déjà un effet sur les coûts des transports et nourrit l’inflation qui touche autant les pays européens que méditerranéens ; elle prive l’Égypte de ses recettes liées au canal de Suez alors qu’elle connaît déjà de graves difficultés financières.
La France comme d’autres pays réagit à cette situation : cependant, contrairement aux États-Unis et à la Grande-Bretagne, elle entend éviter toute attaque sur des sites à l’intérieur du Yémen et met en œuvre des actions défensives à partir de ses bâtiments de guerre qui croisent en mer Rouge.
Des risques d’extension existent au-delà de ce premier cercle. Il est peu probable qu’elle puisse venir des pays arabes, qui continuent à manifester embarras et prudence face à la guerre qui se prolonge à Gaza.
L’Arabie saoudite, en organisant le 7 novembre 2023 un sommet conjoint à Riyad entre la Ligue arabe et l’Organisation de la Coopération islamique qui réunit 57 pays musulmans, s’est efforcée avec succès d’écarter toute décision qui puisse compromettre ses relations avec les États-Unis ou Israël.
Ainsi toute idée d’embargo pétrolier, comme ce fut le cas lors de la guerre de Kippour en 1973, ou toute dénonciation des accords d’Abraham, voire leur simple suspension n’ont pas été retenues.
De même, si le massacre commis par le Hamas le 7 octobre n’est pas condamné, aucun soutien n’est explicitement apporté à son action. Face aux demandes radicales notamment de l’Iran, elle a reçu l’appui de la plupart des pays du Golfe de même que de l’Égypte.
Ainsi, par-delà un langage parfois très violent vis-à-vis d’Israël, aucune action concrète significative n’a été prise à son égard. La France estime que l’Arabie saoudite peut soutenir une solution politique « le jour d’après » et prendre sa part à l’aide humanitaire et à la reconstruction de la bande de Gaza.
Elle est cependant consciente du peu d’intérêt de Mohamed ben Salman pour la question palestinienne. Si la France n’a plus la place qu’elle a eue dans le passé en Arabie saoudite notamment en matière d’armement, elle contribue activement au développement touristique du pays et considère que le Royaume qui affirme de plus en plus son autonomie stratégique, est un acteur influent, voire incontournable.
La France est également préoccupée par l’impact économique et politique que la Guerre de Gaza peut avoir sur la situation intérieure de l’Égypte comme de la Jordanie et du Liban.
L’Égypte comme le Liban connaissaient déjà de sérieuses difficultés financières avant le 7 octobre et la guerre de Gaza et ses conséquences aggravent fortement une situation déjà préoccupante.
Quant à la Jordanie, on rappellera que les deux tiers de la population sont d’origine palestinienne soumise à une forte influence de la branche locale des Frères musulmans regroupés dans le Front d’Action islamique.
Un transfert de population serait un risque de déstabilisation du régime hachémite. La Jordanie ne peut que condamner toute tentative d’expulsion de la population palestinienne vivant en Cisjordanie ou dans la bande de Gaza.
De même, la France, qui s’emploie activement au sein du Groupe des Cinq – États-Unis, France, Égypte, Arabie saoudite, Qatar — à résoudre la crise de politique intérieure au Liban où l’élection d’un président est toujours en suspens, veut éviter que les échanges de tirs quotidiens à la frontière sud ne dégénèrent en guerre ouverte.
Elle essaie de calmer le jeu aussi bien auprès du Hezbollah que des autorités israéliennes et a présenté le 6 février dernier un plan de désescalade en trois étapes.