Biden en Afrique : Un tournant historique ou un effort tardif ?
Alors que le président américain Joe Biden prépare son départ de la Maison-Blanche en janvier prochain, il a décidé de se rendre en Afrique.
Cette visite imminente sera la première de Biden sur le continent et probablement la dernière durant son mandat, malgré l'importance géopolitique de la région pour les États-Unis. En effet, la Chine et la Russie cherchent à étendre leur influence dans ce qui est traditionnellement considéré comme l'arrière-cour de Washington et de ses alliés, notamment la France.
Biden avait déjà participé à la Conférence des parties COP27, qui s'est tenue à Sharm el-Sheikh, en Égypte, en 2022, ce qui le place symboliquement dans la région.
Détails de la visite
La visite de Biden est prévue après l'Assemblée générale des Nations Unies et avant les élections présidentielles américaines du 5 novembre. Initialement, il avait prévu de se rendre en Angola à la fin de l'année dernière, mais ce voyage avait été reporté en raison de la guerre entre Israël et le Hamas. Il a exprimé son intention de renforcer les partenariats entre les États-Unis et les démocraties africaines, en réponse aux investissements massifs que la Chine consacre à la région.
Critiques à l'encontre des États-Unis
Cette visite survient après des critiques à l'encontre de Biden, qui, depuis son entrée en fonction en 2021, n'avait pas encore visité le continent africain. Ce retard est particulièrement flagrant après la tenue d'un sommet des dirigeants américains et africains à Washington en décembre 2022, tandis que l'influence russe et chinoise s'est intensifiée dans plusieurs pays africains, traditionnellement sous l'influence occidentale. La question demeure : les États-Unis parviendront-ils à retrouver leur pouvoir d'influence en Afrique, ou le sentiment populaire sur le continent dépasse-t-il leurs aspirations ?
Une nouvelle page ?
Le Dr. Mohamed Sharif Jako, expert tchadien en affaires africaines, estime que Biden, en fin de mandat, souhaite marquer le coup avec cette visite afin de préparer le terrain pour sa vice-présidente, Kamala Harris, qu'il envisage comme candidate à la Maison-Blanche. Jako souligne que cette démarche, après une longue période de négligence américaine, pourrait ouvrir une nouvelle ère de relations avec l'Afrique.
Il note également un déséquilibre face à d'autres puissances internationales, en particulier la Chine et la Russie. Il constate un intérêt croissant des jeunes Africains pour la Russie, tandis que la Chine s'illustre dans le développement durable et l'infrastructure sur le continent. Le rôle américain semble se limiter à certaines régions, comme l'Ouganda et le Kenya, alors qu'en Afrique de l'Ouest, on assiste à un retrait sous la pression croissante.
Concurrence accrue
Le spécialiste tchadien rappelle qu'il y a un an, le Tchad avait demandé aux États-Unis de retirer ses troupes, ce qui avait été effectué. Bien qu'une déclaration récente évoque un retour possible des forces américaines au Tchad, le ministre tchadien des Affaires étrangères, Mahamat Zene Cherif, a indiqué qu'aucun accord n'avait encore été conclu à cet égard.
L'allié essentiel
Pour sa part, le Dr. Rami Zahdi, chercheur égyptien en affaires africaines, soutient que les États-Unis ne peuvent pas, volontairement ou sous pression, abandonner leur présence stratégique en Afrique. Selon lui, de nombreux pays africains ne pourraient pas se passer de leur principal allié politique, économique et militaire, même si certains d'entre eux cherchent à diversifier leurs relations avec d'autres partenaires.
Zahdi souligne qu'il y a un changement de stratégie américain en Afrique qui a débuté fin 2022, bien que ce changement n'ait pas encore produit des résultats tangibles. Il affirme que les États-Unis, après une série de coups d'État en Afrique de l'Ouest, ont dû retirer leurs forces de zones stratégiques dans la lutte contre le terrorisme.
La visite de Biden en Angola et dans d'autres pays africains dans les semaines à venir vise à honorer un engagement antérieur, faisant de lui le premier président américain à se rendre en Afrique subsaharienne depuis la visite de Barack Obama en 2015. Cette visite s'accompagne d'un grand projet de développement mené par les États-Unis dans la région, le « Corridor Lobito », reliant l'Angola à la Zambie en passant par la République Démocratique du Congo, pour maximiser l'exploitation des ressources et favoriser les échanges commerciaux.
Le timing de la visite
Le moment choisi pour cette visite témoigne de l'intention de Biden d'intégrer l'Afrique dans les priorités de son parti et de la doctrine de la politique étrangère des États-Unis. Cela souligne aussi la volonté américaine de maintenir une influence significative sur le continent. Cependant, plusieurs pays africains critiquent le manque d'attention de Biden envers l'Afrique depuis son entrée en fonction, le qualifiant de président le moins attentif au continent depuis des décennies.
Bien que Biden n'ait pas évoqué l'Afrique lors de son débat avec Trump, ce qui a été perçu comme un message négatif, il lui reste l'opportunité de redresser la situation grâce à cette visite. Cependant, les investissements chinois massifs et l'influence militaire russe dans la région sont des défis auxquels Washington doit faire face, alors qu'un certain nombre de promesses antérieures à l'Afrique n'ont pas été tenues.
Scepticisme africain
Les dirigeants africains, en particulier ceux de l'Afrique subsaharienne et du Sahel, reconnaissent l'importance de maintenir des relations solides avec les États-Unis, tout en espérant que Washington reconsidère la nature de sa présence sur le continent et respecte les pays hôtes.
Un résultat inévitable ?
Cependant, le Dr. Mohamed Turchin, chercheur soudanais en affaires africaines, considère cette visite comme un « résultat inévitable ». Il souligne que les partenariats qui seront établis ne seront pas forcément contraignants pour l'administration qui succédera à Biden, surtout si Donald Trump, le candidat républicain, est élu.
Turchin estime que si Kamala Harris remporte les élections, ces accords pourraient être plus probables et marquer une réelle volonté d'action. La visite de Biden intervient également dans un contexte où la concurrence internationale en Afrique se renforce.
Il prévoit que Biden annoncera plusieurs partenariats économiques et militaires, notamment avec des pays stables, et qu'il pourrait également révéler des informations concernant le siège du commandement américain en Afrique (AFRICOM) lors de ses visites.
Il conclut en affirmant que le taux de menaces en Afrique a considérablement augmenté en raison de la présence d'acteurs régionaux et internationaux hostiles aux États-Unis. Cette visite a donc pour but de traiter de nombreuses problématiques et échecs. Le véritable défi réside dans les résultats et les applications concrètes qui suivront cette visite, surtout dans le contexte d'une concurrence de plus en plus vive entre les États-Unis et d'autres puissances.