«Sommet extraordinaire» des BRICS sur Gaza: les représentants du «Global South» veulent «s’affirmer face à l’Occident»
Unis dans leur condamnation d'un ordre mondial qu'ils estiment être sous la domination de l'Occident, les cinq pays des Brics se réunissent virtuellement pour aborder le conflit en cours.
Cette guerre crée une fracture entre les pays du Sud et les nations occidentales, ces dernières étant critiquées pour leur soutien jugé excessif à Israël. La Chine et la Russie semblent chercher à tirer profit des critiques visant leur grand rival américain et ses alliés.
«C’est logique. Les Brics, éminents représentants du ‘Global south’, sont en train d’émerger donc ils veulent s’affirmer face à l’Occident. C’est dans la logique du système international actuel. Face à l’Occident qui a sa propre cohérence, il faut que les pays du sud global aient la leur aussi», explique Philippe Moreau Defarges ex-enseignant à l'Unversité Paris II Panthéon Assas et à Sciences-Po, Paris. Il est diplômé de l’École nationale d’administration (ENA)
Et d’ajouter, «quand vous regardez, les rapports de forces sont clairs. La richesse mondiale de l’Occident et la richesse mondiale du Sud global, il y a un déclin relatif de l’Occident. Cela créé un rapport de force nouveau qui oblige à un certain nombre de compromis. Aujourd’hui, la Chine et l’Inde, pour ne citer qu’eux, sont en pleine émergence.»
La rencontre en ligne, présidée par l'Afrique du Sud, inclut également les six pays qui rejoindront le groupe le 1er janvier prochain, à savoir l’Argentine, l’Arabie Saoudite, l’Égypte, l’Éthiopie, l’Iran et les Émirats arabes unis, ainsi que le secrétaire général de l’ONU, António Guterres. Malgré leurs divergences, ce groupe hétéroclite aspire à trouver une position commune.
Gaza : réunion mardi des dirigeants des BRICS
Quand bien même, il leur sera difficile de trouver une solution estime notre interlocuteur. «Cette impossibilité d’arriver à une solution est liée à la particularité du conflit entre Israël et le Hamas. Ni d’un côté, ni de l’autre on ne veut la paix. Israël est face à un dilemme: soit elle occupe Gaza et elle est face à une guérilla urbaine, soit elle n’occupe pas Gaza, et elle est quand même confrontée à une guérilla urbaine. Il est clair qu’Israël ne voudra pas la paix tant qu’elle n’aura pas obtenu un règlement profond de la situation. Et je ne vois pas comment elle peut y arriver, quand bien même elle détruirait le Hamas, un autre groupe apparaîtra», présage-t-il.
Ainsi, pour le chercheur, face à cet imbroglio, l’initiative des Brics peut être complémentaire des efforts occidentaux dans un premier temps. Il n’est pas impossible que les deux parties collaborent. «La situation actuelle me rappelle la situation à la conférence de Munich en 1938 : les pays occidentaux et leurs ennemis allemands et italiens se sont mis d’accord pour le partage de la Tchécoslovaquie. Donc les deux camps opposés se sont entendus, et un an plus tard ils se faisaient la guerre», rappelle-t-il.
Il est donc possible selon lui qu’il y ait un rapprochement temporaire sur cette question du Proche-Orient où les intérêts peuvent converger, avant de reprendre les affrontements et la confrontation sur d’autres théâtres, comme Taïwan ou l’Ukraine.
« Les Brics sont certainement des acteurs plus neutres», nuance-t-il. «L’Occident est contraint de soutenir Israël pour deux raisons : d’abord le souvenir de la shoah, mais aussi le poids des communautés juives au sein des sociétés occidentales. De ce point de vue, les pays des Brics partagent plus la vision des Palestiniens. Ainsi, leur positionnement permet un rééquilibrage des points de vue, en faisant plus valoir les intérêts palestiniens. »
Les différences entre les membres des Brics sont toutefois notables : la Chine se présente comme une éventuelle médiatrice, tandis que la Russie utilise le conflit pour remettre en question la suprématie américaine. L'Inde, avec ses liens étroits avec Israël, adopte une position nuancée, tout comme l'Éthiopie. En revanche, l'Afrique du Sud critique ouvertement Israël, demandant notamment une enquête de la Cour pénale internationale. Les tensions sont telles que Pretoria a rappelé son personnel diplomatique de Tel Aviv, et Israël a fait de même.
La déclaration commune issue de cette réunion des Brics suscite une grande curiosité, les pays du Sud global cherchant à s'affirmer face à l'Occident. Les Brics se retrouveront également au sommet virtuel du G20 dès le lendemain.