CAN 2024 : Mali-Côte d’Ivoire, une affiche aussi politique sportive
Les deux voisins d’Afrique de l’ouest s’affrontent samedi en quart de finale de la Coupe d’Afrique des nations.
Si une forte diaspora malienne est installée en Côte d’Ivoire, les relations politiques entre Abidjan et Bamako sont fraîches.
Deux peuples, une seule cité et la même joie intense de vivre « entre frères » un quart de finale de Coupe d’Afrique des nations (CAN), comme le martèlent des supporters des deux nations. Samedi 3 février, le Mali défie la Côte d’Ivoire sur au stade de la Paix à Bouaké.
Dans cette CAN renversante, il fallait bien que ce classique de la sous-région, ce « Barça-Real », comme l’ont surnommé des reporters locaux, se tienne dans cette ville si spéciale - la deuxième du pays (plus de 800 000 habitants) - où vit une importante diaspora malienne.
Dans les rues submergées par les taxis motos, certains chauffeurs portent en bombant le torse le maillot des Aigles. « Bouaké, c’est le Mali, clame Sanogo Touma, 43 ans, un commerçant dont la boutique est située non loin de la gare routière. Je suis né à Bouaké, mais je suis obligé de supporter le pays de mon papa.
Ça ne sera pas un petit match. » Il promet que les tribunes seront « du nord au sud et de l’est à l’ouest » aux couleurs des Aigles, selon le Monde.
« En 2016, il y a eu un match à Bouaké entre les deux pays, le Mali avait ouvert le score, et le stade s’était levé, je m’étais dit “on est envahis”. Après, on les avait calmés, se rappelle en rigolant Jean-Claude Kouakou, un Ivoirien de 47 ans. Les Eléphants l’avaient emporté 3-1. L’ambiance va être chaude lors de ce quart, mais dans le bon sens du terme. Il y a aura un match sur la pelouse et un autre dans les gradins avec une dominance ivoirienne. On est chez nous quand même ! »
« Palabres »
Duel sportif, ce Mali-Côte d’Ivoire est également une affiche politique. Les liens entre ces deux pays se sont distendus jusqu’à devenir hostile depuis l’arrivée de militaires au pouvoir à Bamako lors de deux coups d’Etat en 2020 et 2021. Des sanctions économiques et politiques, dont le président ivoirien Alassane Ouattara était un fervent partisan, ont été décidées contre le pays par la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao).
Signe de la tension, 49 soldats ivoiriens accusés d’être des mercenaires chargés de déstabiliser Bamako ont été détenus par le Mali entre juillet 2022 et janvier 2023. La rupture officielle a été prononcée dimanche 28 janvier, quand le Mali, accompagné du Burkina Faso et du Niger ont annoncé leur départ de l’organisation régionale, ce qui pourrait avoir des conséquences sur la libre circulation des biens et des personnes jusqu’alors en vigueur. « Politiquement, c’est tendu, mais pas entre la population, assure Cissé Fosseny, un commerçant de chaussures originaire du Mali. Ce match est l’occasion de montrer au monde que les deux peuples sont unis. Un Malien en Côte d’Ivoire ou un Ivoirien au Mali, il est chez lui. Nous sommes tous de la même famille. »
A Bouaké, on ne veut pas se laisser embarquer dans des « palabres » sans fin. « Il y a des gens qui cherchent à faire du mal sur les réseaux sociaux, ce n’est pas bien, s’emporte Badjé Gnagadou du Haut conseil des Maliens en Côte d’Ivoire. Il n’y a rien de politique dans ce match de foot, le ballon, c’est un amusement. »