Des experts politiques pour "Al Ain News": L'étape de la charte n'est pas suffisante pour freiner l'islam politique en France
Le site d’actualités «Al-Ain News» a consulté des experts aux relations internationales, particulièrement sur l’islam politique pour analyse l’impact de cette démarche pour freiner l’islam politique en France,et les pays qui le financent comme la Turquie
Après plusieurs semaines de négociations, le Conseil français du culte musulman (CFCM), organisme chargé de représenter l’islam auprès des pouvoirs publics, a formellement approuvé, dimanche, une "charte des principes" de l’islam de France.
Deux jours plus tard, trois fédérations du Conseil français du culte musulman (CFCM) ont fait savoir, mercredi, qu’elles refusaient de signer en l’état la « charte des principes » de l’islam de France.
« Certains passages et formulations du texte soumis sont de nature à fragiliser les liens de confiance entre les musulmans de France et la nation », déplorent le Comité de coordination des musulmans turcs de France (CCMTF), Millî Görüs (CIMG) et le mouvement Foi et Pratique, proche des prédicateurs du Tabligh prônant une pratique religieuse rigoriste.
Ce texte dénonce notamment « l’instrumentalisation » politique de l’islam, proscrit « l’ingérence » d’Etats étrangers dans le culte en France et réaffirme la « compatibilité » de la foi musulmane avec la République, selon « le Monde ».
Le site d’actualités « Al-Ain News » a consulté des experts aux relations internationales, particulièrement sur la région du Maghreb et du Moyen-Orient, ainsi que des problématiques de géopolitique, de sécurité et de défense et l’islam politique pour analyse l’impact de cette démarche pour freiner l’islam politique en France, et les pays qui le financent comme la Turquie .
De sa part, le professeur assistant à l'École de diplomatie et de relations internationales de Genève Gilles-Emmanuel Jacquet, a indiqué à « Al-Ain News », que les efforts d'Emmanuel Macron pour freiner l'islam politique sont dans la continuité de la politique initiée par Nicolas Sarkozy lorsqu'il était Ministre de l'Intérieur puis Président de la République.
Selon Emmanuel Jacquet, cette politique est constituée d'une partie répressive (fermeture de mosquées radicales, arrestation d'imams radicaux ou de djihadistes) et d'une partie politique visant à fournir un cadre légal aux organisations en charge du culte musulman en France et à leurs relations avec l'État français.
D’après le professeur assistant à l'École de diplomatie et de relations internationales de Genève, la signature de la Charte de l'Islam de France est une étape significative et intervient dans un contexte difficile : divers attentats au cours des dernières années, débats intenses sur la question de la laïcité et sa définition.
« Le gouvernement souhaiterait que la Charte de l'Islam de France contribue à apaiser ce contexte. La majorité des représentants des principales organisations musulmanes en France ont signé la Charte de l'Islam de France mais ils considèrent qu'ils n'ont pas eu assez de temps pour en discuter et que sa signature a été un peu trop rapide », a ajouté Gilles-Emmanuel Jacquet.
Le politicologue franco- suisse, a précisé que « six fédérations musulmanes membres du Conseil Français du Culte Musulman ont signé cette Charte mais 3 autres (dont l'Association Foi et Pratique – Tabligh et le Comité de Coordination des Musulmans Turcs de France lié à la Turquie) ne l'ont pas encore signée et émettent des réserves ».
La Charte rappelle l'importance de la législation et des valeurs républicaines françaises, l'égalité entre les hommes et les femmes, condamne les dérives extrémistes comme le salafisme et souhaite mettre fin à l'influence des pays étrangers. Ce point est positif mais il est en même temps problématique pour certaines organisations musulmanes comme l'Union des Mosquées de France qui contrôle la Grande Mosquée de Paris et dépend du Royaume du Maroc, ou encore le Comité de Coordination des Musulmans Turcs de France qui est lié à la Turquie, a indiqué Gilles-Emmanuel Jacquet.
En ce qui concerne de l'impact de cette étape, Gilles Emmanuel Jacquet a dit qu’ « Il est tôt pour le moment de juger de l'impact de la Charte de l'Islam de France. Il est très probable que les organisations musulmanes membres du CFCM et qui ont émis des réserves sur la Charte demandent bientôt des modifications de ce document ».
Les organisations radicales ou extrémistes qui n'ont pas participé aux discussions et qui rejettent cette Charte ne la signeront pas. Le problème va persister et le débat sur la laïcité, l'Islam, l'islamophobie, l'extrémisme et la Charte va se poursuivre, a-t-il ajouté.
Selon le professeur assistant à l'École de diplomatie et de relations internationales de Genève, la laïcité française est souvent difficile à définir mais elle n'est pas une menace contre la liberté de religion et elle n'est pas une ingérence dans les affaires des communautés religieuses. C'est plutôt une reconnaissance légale d'une communauté religieuse, ainsi que de ses droits et ses devoirs vis-à-vis de l'État, des autres communautés religieuses ou des autres citoyens.
Gilles Emmanuel Jacquet a souligné que « Par rapport à l'Islam la difficulté réside dans la variété de courants religieux musulmans et la diversité des traditions et pratiques de l'Islam. Le but n'est pas d'uniformiser l'Islam mais plutôt de garantir la conformité avec la loi française de la formation donnée aux futurs imams et d'éviter les dérives extrémistes ».
De sa part, la présidente du Centre français de recherche et d'analyse des politiques internationales, Debichi Akila a déclaré à « Al-Ain News » que « Ces mesures peuvent contribuer au potentiel des groupes politiques islamiques, mais elles ne sont pas suffisantes ».
Debichi a ajouté que « L’islam doit être complètement séparé de la politique, et la définition de l’islam politique doit généralement être considérée, car le vrai problème réside dans l’emploi de la politique par les islamistes: et ce point doit être envisagé différemment, pour qu’il y ait un parti qui représente l’islam politique ».
Selon Debichi, l'Islam, dans son sens pacifique, est une religion de culte, et il ne devrait être utilisé ou employé politiquement par aucun groupe.
Le groupe est libre dans leur culte selon la loi. Cependant, ils n’ont pas le droit d’employer les textes coraniques dans leur légitimité politique.
Comment les islamistes peuvent-ils concilier l'école de la raison et l'école de la transmission en islam? C'est une bataille historique ancienne, mais l'école de la transmission a prévalu tout au long de l'histoire, non pas à cause du pouvoir qu'elle contenait dans les preuves, mais clairement parce que les sultans y trouvaient un outil approprié pour l'obéissance des peuples.
La présidente du Centre français de recherche et d'analyse des politiques internationales a indiqué que « Si cette démarche réussit en France en définissant l'islam politique, comment se passe le transfert de l'expérience vers les pays islamiques, et les inciter à redéfinir l'islam politique de leur point de vue, alors qu'ils l'utilisent pour voler les peuples de leur volonté ».
De même, l’égalité entre les sexes ne doit pas être considérée d’un point de vue religieux. L’égalité est garantie dans l’islam et aucun groupe n’est tenu d’exprimer son opinion et d’employer la religion islamique comme culte dans les libertés ou leurs formes, selon Debichi.
Par ailleurs, l’historien français Roland Lombardi a déclaré à « Al-Ain News », que « C'est un pas, mais le problème c'est que les organisions proches des Frères musulmans dans le CFCM sont encore trop influentes ».
Selon Roland Lombardi, « le président français Emmanuel Macron et le gouvernement auraient dû au préalable écarter voire interdire ces organisations », ajoutant que « les Frères musulmans savent reculer quand il le faut. Ils font le dos rond pour l'instant mais, opportunistes, un jour ou l'autre ils chercheront à imposer leurs vues ».
Le politicologue spécialiste au Moyen-Orient a indiqué que « la démarche est louable mais tant que les organisations que j'ai évoquées plus haut auront encore pignon sur rue dans le CFCM, il y aura à terme encore des problèmes venant de cette mouvance des frères musulmans, d'une manière ou d'une autre. Le problème c'est que Macron et son gouvernement font preuve d'angélisme ».
Les conseillers de Macron croient que les Frères musulmans français ont évolué, qu'ils se sont adaptés à la République française et qu'ils sont les meilleurs interlocuteurs musulmans. Mais c'est faux et naïf de le croire. C'est surtout méconnaître la nature dangereuse de cette idéologie. Car c'est toujours la stratégie des Frères : montrer patte blanche en attendant le moment opportun pour placer leurs pièces et leurs idées, selon Roland Lombardi.
De plus, le pays étrangers qui financent ces organisations est encore trop influent dans le monde politique français et le commerce international de la France, et c'est la raison pour laquelle le pouvoir français ne s'attaquera jamais frontalement à ce problème, c'est dommage et à terme cela posera des problèmes inévitables pour la constitution d'un vrai islam de France indépendant des influences extérieures, a indiqué Roland Lombardi .