CICR à "Al Ain News" : L’aide humanitaire actuelle à Gaza n’est qu’une goutte dans un océan de besoins
Mme. Imene Trabelsi, porte-parole du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) au Moyen-Orient, a accordé une interview exclusive à "Al Ain News" depuis Beyrouth.
Elle a fait ainsi le point sur la situation humanitaire actuelle dans la bande de Gaza à la lumière de l’escalade de violence récente entre le Hamas et Tsahal.
Elle a fait état d’une chute complète du système sanitaire à Gaza, ajoutant que l’aide humanitaire actuelle n’est qu’une goutte dans un océan de besoins et le règlement politique de cette crise est la seule issue de secours.
En voici les détails:
« La situation humanitaire à Gaza est très compliquée. La population manque de tout et quand on dit de tout c’est réellement de tout.
Aujoud’hui, des milliers de familles ont du mal à accéder à un abri approprié, à la nourriture, aux soins médicaux, aussi à l’eau potable qui continue d’être problématique, elle est très limitée pour une grande partie de la population », a déclaré Mme. Trabelsi .
«Les Gazaouis sont obligés d’improviser leur situation d’abri : Ils dorment dans la rue, voire dans les hôpitaux, ce qui créera une pression encore plus forte sur les hôpitaux qui fonctionnent.
Donc on peut voir un cas de chao à l’intérieur des hôpitaux dans la bande de Gaza, vu qu’ils hébergent également des personnes déplacées », a-t-elle poursuivi.
« Jusqu’ici en fait, il y a plus de 540 camions d’aide humanitaire dépêchés par plusieurs organisations - et pas seulement par le CICR- lesquels ont fait leur chemin vers Gaza, depuis à peu près 2 semaines maintenant », a indiqué Mme. Trabelsi ajoutant qu’il est important de noter que 8 personnes sur 10 à Gaza, dépendent d’aide humanitaire et cela même avant cette escalade de violence.
« Même en dehors des périodes du conflit et de violence, la population dépend principalement de l’aide humanitaire, pour pouvoir subvenir à ses besoins et cela due à la situation économique très détériorée à Gaza depuis 16 ans, vu les restrictions imposées au déplacement des Gazaouis et des marchandises, ce qui a créé une situation économique assez fragile et du coup l’aide humanitaire est cruciale à Gaza », a-t-elle noté.
Dans ce contexte, la porte-parole du CICR au Moyen-Orient a fait savoir que le terminal de Rafah avait connu – lors de cette période là - le passage de 500 camions/jour transportant les aides humanitaires vers Gaza, or la population avait actuellement besoin de davantage d’aide, c’est-à-dire plus que ces 500 camions, qui ne sont qu’une goutte dans un océan de besoins.
Le CICR -a-t-elle expliqué- a introduit jusqu’ici 26 camions d’aide de première nécessité, contenant des médicaments, des équipements médicaux pour les hôpitaux surtout des équipements chirurgicaux, qui sont extrêmement cruciaux en ce moment décisif, sans compter des équipements d'assainissement de l'eau, dont la quantité reste toujours limitée par rapport aux besoins d’une population dont le recensement est environ 2 millions de personnes.
« 26 camions d’aide aujourd’hui à Gaza, ce n’est rien du tout, ce n’est pas suffisante pour subvenir aux besoins des Gazaouis et lutter contre cette chute complète du système sanitaire là-bas », a-t-elle dit.
Depuis vendredi 27 octobre, le CICR a aussi fait entrer à la bande de Gaza une équipe médicale comprenant des chirurgiens de guerre, en vue de répondre aux besoins chirurgicaux d’urgence dans les hôpitaux.
« Notre collègue qui fait partie de cette équipe là au sein de l’hôpital européen à Gaza , il y a quelques jours, nous décrit les conditions du travail.
Il nous dit que toute l’équipe de l’hôpital européen travaille avec un nombre très limité de dispositifs, par exemple les pansements n’existent plus, et ils sont indispensables pour la plupart des victimes dont des enfants qui souffrent de brûlures sévères », a-t-elle raconté, soulignant que les chirurgiens du CICR ont mentionné qu’ils risquaient d’avoir une pénurie de produits anesthésiants, ce qui veut dire que les victimes seront opérées sans anesthésie, chose qui est plus qu’horrible, selon Mme.Trabelsi.
“Le secteur sanitaire à Gaza est sur le point de s’écouler complément, faute d’équipements, de personnel et de fuel nécessaire pour assurer un accès stable à l’électricité. Les hôpitaux qui restent fonctionnels aujourd’hui, fonctionnent avec des stocks très limités de fuel et donc ils risquent à tout moment de perdre tout accès à l’électricité, et si on dit pas d’électricité donc automatiquement il n’y a pas de services sanitaires”, a-t-elle confirmé.
« Aujourd’hui l’appel du CICR est clair, les parties du conflit doivent respecter leurs obligations légales par rapport à la provision d’aide de base à la population de Gaza. Ceci ne devra pas être un choix, c’est une obligation légale. Donc, nous appelons les parties du conflit publiquement à œuvrer à protéger les civils ainsi que leurs infrastructures vitales et acheminer davantage d’aide humanitaire d’une manière soutenue, durable, qui répond réellement aux besoins massifs qu’on est en train de voir sur place ».
« Le secteur sanitaire n’est pas le seul qui est infonctionnel aujourd’hui, mais aussi le secteur de l’eau potable et d’assainissement des eaux usées est dans un état très critique, vu que l’infrastructure du traitement de l’eau est impactée par ce conflit, donc du coup les familles doivent improviser leurs moyens pour répondre à leurs besoins en eau et cela leur poussent à faire appel aux eaux contaminées, ce qui constitue un risque catastrophique», a ajouté Mme. Imene Trabelsi, faisant savoir que l’accès à la nourriture reste très problématique : les boulangeries ne fonctionnent pas, même l’accès au pain reste très limité pour les familles à Gaza.
Sur le plan politique, le CICR assume un rôle bien remarquable dans le maintien des discussions avec toutes les parties du conflit que ce soit Israël ou le Hamas, afin de les rappeler de leurs obligations légales à la lumière du droit international humanitaire, et de l’importance de respecter de façon impérative le personnel du secteur sanitaire et de sauvetage, qui bénéficie déjà d’une protection spéciale, mentionnée par ledit droit.
« Toutes les mesures destinées à mettre fin à cette escalade de violence sont plus que bienvenues, on a besoin d’un règlement politique de cette crise, lequel constitue la seule issue de secours et met fin à ce cercle de violence », a confirmé Mme Trabelsi.
Par ailleurs, la porte-parole du CICR a passé en revue le dossier des otages disant : « Nous avons été clairs depuis le 7 octobre, le droit international humanitaire interdit la prise d’otage, nous appelons donc à une libération immédiate de toutes les personnes prises en otage, on tient alors des discussions directes avec le Hamas et les autres parties pertinentes afin de pouvoir éventuellement visiter toutes les personnes retenues en otage et nous nous tenons prêts, en tant qu’intermédiaire humanitaire neutre, à intervenir pour faciliter leur libération».
Le CICR était déjà présent lors de la libération récente par le Hamas de quatre personnes. Il a aidé à faire sortir les otages du Gaza.
« Nous nous tenons prêts à continuer ce rôle humanitaire neutre, et nous discutons avec le Hamas et les autres parties afin de pourvoir accomplir nos tâches, mais nous rappelons que ce cercle de violence nécessite de la volonté politique et pas seulement des actions de la part du CICR », a conclu Mme. Imene Trabelsi, porte-parole du CICR.