Cinéma français : "Tirailleurs" d'Omar Sy suscite la controverse
Dans ce drame familial, l’acteur évoque l’histoire des soldats sénégalais lors de la guerre de 14-18, mais le film de Mathieu Vadepied se perd en chemin.
Douze films en salle demain ! Soit autant de victimes potentielles du rouleau compresseur Avatar,qui monopolise les écrans et les esprits.
Comment sortir du lot et attirer les projecteurs ? Par la petite phrase qui fait le buzz, déclenche la polémique. Omar Sy l'a bien compris avec le film de Mathieu Vadepied (réalisateur de quatre épisodes de la série En thérapie ) Tirailleurs, dont il est à la fois la tête d'affiche et le coproducteur.
Propulsé aujourd'hui sur le terrain politique, ce sujet historique, qui rappelle l'engagement des tirailleurs sénégalais enrôlés – parfois de force – dans la Grande Guerre, lui tient naturellement à cœur.
À tel point que la troisième personnalité préférée des Français les a interpellés dans une interview au Parisien, pointant du doigt le fait que les guerres n'ont pas commencé avec celle en Ukraine, mais que les guerres plus lointaines, notamment en Afrique, ne les intéressent pas.
La petite phrase a fait son effet et lui revient aujourd'hui en boomerang. « C'est complètement mon histoire. C'est complètement mon identité », insiste-t-il. On le croit.
Présenté au Festival de Cannes (en ouverture d'Un certain regard), qui aurait dû lui servir de caisse de résonance, Tirailleurs n'a pas déchaîné les passions, même s'il a mobilisé quelques critiques de gauche et les contempteurs de l'héritage colonial.
Mais pas de buzz ou d'onde de choc comme avec Indigènes de Rachid Bouchareb, couronné d'un prix d'interprétation collectif à Cannes il y a 16 ans, suivi de plusieurs césars.
Du déjà-vu
Tirailleurs se laisse alors enfermer dans une histoire qui perd sa puissance dramatique et tombe dans le film de guerre déjà vu.
Question de mise en scène et de qualité narrative que l'on retrouve au contraire dans Les Harkis (sorti en octobre dernier), drame sobre et implacable de Philippe Faucon (présent aussi à Cannes) sur les supplétifs algériens dans l'armée française pendant la guerre d'indépendance, abandonnés par la France après la signature des accords de paix d'Évian, en 1962.
Sur le même sujet que Tiraillleurs, on imagine alors un autre film, plus ambitieux, qui aurait pu être réalisé avec le livre poignant de David Diop, Frère d'âme (Booker Prize et Prix Goncourt des lycéens 2018), sur l'histoire des tirailleurs sénégalais qui, du Chemin des Dames aux Balkans, ont payé un lourd tribut à la Grande Guerre.
Drame familial
Alors, que raconte Tirailleurs au fil d'une intrigue toute simple mais prévisible, de dialogues basiques et d'une réalisation en pilote automatique ?
L'histoire du jeune Thierno (Alassane Diong), recruté de force dans un petit village sénégalais par l'armée française en 1917, et de son père, Bakary (Omar Sy), qui s'enrôle volontairement pour veiller sur lui et le ramener sain et sauf au pays. Il s'agit de tout faire pour échapper à ce combat qui lui est étranger.
Au-delà des premières images un peu « clichés » d'une Afrique paisible face à la réalité de la guerre – un renard pris dans des fers barbelés – , de l'absurdité des combats vus du côté des Africains, de l'horreur des tranchées à Verdun, des tensions, vols et crimes entre les communautés africaines et françaises, des espoirs d'intégration souvent déçus, Tirailleurs se concentre surtout sur les rapports d'un père avec son fils et l'émancipation de ce dernier au contact de l'armée, qui le galvanise et le fait monter en grade. Problème : le père va se retrouver sous les ordres de son fils, avec lequel il parle peul et wolof. Pas bon pour l'autorité paternelle.
C'est à ce moment-là que le film bascule dans un sentimentalisme qui l'éloigne de son sujet principal et le transforme en banal drame familial.
On n'y croit plus. Mathieu Vadepied n'évite pas les pièges d'un certain conformisme et d'une symbolique pesante, démonstrative. « Cette histoire entre la France et le Sénégal, et les autres pays d'Afrique, c'est une histoire lointaine et commune maintenant.
On est ensemble », avoue-t-il, mais les bons sentiments ne font pas toujours les bons films et le jeu uniforme d'Omar Sy n'arrange rien. Selon LePointFr.