Le "colonialisme économique" devenu pillage généralisé en RD Congo
Haro sur le “colonialisme économique”.
Le pape François, lors du premier voyage d’un souverain pontife en République démocratique du Congo depuis les années 1980, a dénoncé le pillage des ressources nationales qu’il a comparé, mardi 31 janvier, a un “asservissement similaire au colonialisme politique” d’avant l’indépendance du pays en 1960.
“Retirez vos mains de la République démocratique du Congo. Cessez d’étouffer l’Afrique ! Elle n’est pas une mine à exploiter ou une terre à dévaliser”, a affirmé le pape François dans un pays où environ 40 % de la population se revendique catholique.
Le chef de l'Église catholique n’a pas choisi par hasard la République démocratique du Congo pour évoquer le “colonialisme économique”. La population locale n’a jamais réellement pu jouir des fruits d’un sous-sol très riche en minéraux et près de 100 millions d’habitants vivent encore actuellement avec moins de 2,07 dollars par jour. Pourtant la RD Congo, et notamment la région du Katanga, dans le sud du pays, dispose des plus importantes réserves de cuivre d’Afrique et de cobalt au monde. Elle abrite aussi de nombreuses mines d’or et d’autres métaux rares nécessaires à la fabrication des smartphones ou batteries pour les voitures électriques.
Pour le pape et des ONG comme la coalition “Le Congo n’est pas à vendre”, c’est la conséquence d’un pillage des ressources qui a tout à voir avec du “colonialisme économique”. Un concept à manier cependant avec une certaine prudence.
“C’est un excellent exemple de la manière dont le colonialisme économique s’est imposé historiquement et comment il fonctionne encore aujourd’hui”, assure Ben Ridley, spécialiste de politique économique à l’université de Bath, qui a beaucoup travaillé sur le secteur minier en Afrique centrale.
Jusqu’à l’indépendance en 1960, ce pays servait économiquement de puits à ressources pour gonfler les “super-profits des groupes miniers belges”, rappelle Ben Ridley. Colonialisme politique et économique avançaient alors main dans la main.
Après l’ère Mobutu (1965 - 1998), marquée en partie par la captation des profits de la Société générale des carrières et des mines (Gécamines) par le maréchal-président, il y a eu ce que le journaliste belge Erik Bruyland a appelé le “far west congolais”. Durant les premières années d’exercice du pouvoir de Laurent-Désiré Kabila, des “petites compagnies, que j’appelle des vautours, ont pris le contrôle des mines les plus importantes du pays”, a détaillé l'auteur de “Cobalt Blues” dans un entretien accordé au Monde.
Cette nouvelle répartition des rôles “reprend la même dynamique d’exploitation des ressources qu’à l’époque où le pays était une colonie belge”, assure Ben Ridley. La population ne bénéficie qu’à la marge de l’argent des mines, tandis que les groupes étrangers exfiltrent les bénéfices. La RD Congo prévoit bien de taxer les profits de ces groupes, mais “les succursales locales de ces entreprises sont structurées de manière à perdre de l’argent et ainsi à échapper à cette imposition”, ajoute Ben Ridley.
Cependant, même si “l’utilisation de la métaphore du colonialisme économique par le pape permet d’attirer l’attention sur un vrai problème, la situation est plus complexe”, assure Peer Schouten, un spécialiste de l’économie des conflits et de la RD Congo au Danish Institute for International Studies (Institut danois des études internationales), rapporte France 24.