Coup d’Etat au Niger : Scénario post-Ultimatum
L'Afrique vers la guerre, ou la montagne accouche d'une souris ?
L’instance a enjoint les militaires à rétablir le président renversé sous peine d’usage de « la force » mais il est peu probable qu’elle mette ses menaces à exécution
Que peut-il se passer après la fin de l’ultimatum de la Cédéao ?
L’instance a enjoint les militaires à rétablir le président renversé sous peine d’usage de « la force » mais il est peu probable qu’elle mette ses menaces à exécution
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L’Afrique de l’Ouest subit une succession de coups d’Etats. Ces deux dernières années, quatre pays de la région ont basculé aux mains de l’armée. Après le Burkina Faso, la Guinée et le Mali, c’est au tour du Niger de voir son pouvoir démocratique renversé. Inquiète par ce terrible jeu de dominos, la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) a haussé le ton et menacé les putschistes d’une intervention militaire, dimanche 30 juillet. L’instance enjoignait alors les militaires à rétablir le président renversé, Mohamed Bazoum, sous peine d’usage de « la force ».
« La Cédéao n’avait jamais fait une telle menace à l’encontre de gens qui avaient pris le pouvoir par les armes », souligne Christian Bouquet, chercheur associé au laboratoire Les Afriques dans le monde (LAM) à Sciences po Bordeaux. Inédit, cet ultimatum a agité observateurs et médias internationaux. Toutefois, il a expiré dans la nuit de dimanche à lundi sans que le bruit des armes ne se fasse entendre. « C’est une première, c’est vrai. Mais ce n’est pas la première fois que la Cédéao fait des déclarations qu’elle ne tient pas », rappelle Thierry Vircoulon. « Ceux qui ont brandi cette menace parlent plus vite qu’ils ne pensent », tance le coordinateur de l’Observatoire sur l’Afrique centrale et australe à l’Ifri. Rapporte 20 Minutes
La montagne accouchera-t-elle d’une souris ?
Pour intervenir militairement, l’organisation ouest-africaine doit en effet compter sur ses pays membres. L’instance espérait notamment que le Nigeria, qui partage près de 1.500 kilomètres de frontière avec le Niger, serait le fer de lance de cette intervention. « Le Nigeria est géographiquement très bien placé et dispose d’une armée assez puissante mais son Sénat s’est prononcé contre une intervention », explique Christian Bouquet. Privé de ce poids lourd tactique, la Cédéao ne semble pas vraiment en capacité de mettre ses menaces à exécution.
De plus, d’autres pays se sont opposés à une intervention, comme le Tchad et l’Algérie - qui ne fait certes pas partie de l’organisation mais partage une frontière avec le Niger et s’inquiète des conséquences sur sa sécurité. De leur côté, le Mali et le Burkina Faso, respectivement renversés par des groupes militaires en 2021 et 2022, ont prévenu qu’ils considéreraient cette intervention comme une « déclaration de guerre à leur encontre ». « Ces grandes déclarations risquent très fortement d’accoucher sur rien », résume Thierry Vircoulon.
Des discussions qui pourraient ne pas « mener à grand-chose »
Rattrapée par la réalité, la Cédéao « préfère probablement privilégier la voie du dialogue », note Christian Bouquet. Ses dirigeants se réuniront ce jeudi à Abuja, au Nigeria, pour un « sommet extraordinaire » sur la situation. Mais la délégation envoyée à Niamey n’est pas parvenue à rencontrer les putschistes, jeudi dernier. « La Cédéao comme le patron de l’Union africaine sont persona non grata à Niamey aujourd’hui. Il faut espérer que des échanges et des négociations se produisent en coulisses », note le chercheur associé au laboratoire Les Afriques dans le monde. « Il peut toujours y avoir des discussions officieuses, abonde Thierry Vircoulon. Mais les dialogues ne mènent, en général, pas à grand-chose. C’est ce que l’on a constaté lors des trois précédents putschs [au Burkina Faso, en Guinée et au Mali. »
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À l’intérieur du pays, peu de voix dissidentes se font entendre. « On voit des manifestations en soutien au putsch à Niamey mais il n’est pas représentatif de la population générale du Niger. C’est une petite partie du peuple urbain qui donne le pouvoir à l’armée », décrypte Christian Bouquet. En 2021, lors du second tour de l’élection présidentielle, le président élu a obtenu de biens meilleurs scores à l’est du pays. Mais si une majorité silencieuse appuie probablement Mohamed Bazoum, le pouvoir des armes couplé à la distance géographique pourrait bien réduire ce soutien à néant. D’autant que « s’il a été élu, Bazoum n’a pas su, ensuite, se construire une véritable popularité », analyse Thierry Vircoulon. Difficile donc, à ce stade, d’imaginer une guerre civile au Niger.
Le pouvoir des sanctions
Reste alors un outil particulièrement brandi sur la scène internationale ces derniers temps : les sanctions. En parallèle de son ultimatum, la Cédéao a décidé d’infliger des sanctions drastiques au Niger. L’instance a décidé de fermer tous les axes routiers avec le pays. Or, « le Niger est un pays enclavé qui dépend beaucoup de la bande côtière », rappelle Christian Bouquet, qui ajoute que « le Nigeria a décidé de couper le courant qu’il fournit au Niger alors que le pays en est tributaire à 70 %. C’est une mesure qui paralyse les administrations et l’économie et ne vise pas vraiment le peuple car il est très peu électrifié au Niger. »
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Toutes les transactions de services sont suspendues et les « subventions qui permettaient de payer les fonctionnaires sont gelées. Donc la situation ne peut pas durer très longtemps », note le chercheur. Les militaires qui ont pris le pouvoir n’ont, en effet, pas accès à l’argent de l’Etat, stocké à la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest. Difficile dans ces conditions de payer les fonctionnaires, et notamment les soldats. « Au Burkina et au Mali, il y a eu des putschs dans le putsch. Il est possible qu’ils en vivent aussi », souligne Thierry Vircoulon. Une sombre perspective pour la stabilité du Niger qui, après deux coups d’Etat avortés en 2021 et 2022, pourrait voir se succéder une ribambelle de généraux. Car une éventuelle chute du général Abdourahamane Tiani ne sera pas forcément synonyme d’un retour à la démocratie. Rapporte 20 Minutes