Cyclone Chido à Mayotte : pourquoi l'acheminement des secours est-il si complexe ?
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Déjà isolé géographiquement, l'archipel de Mayotte, dans l'océan Indien, se retrouve aujourd'hui quasiment coupé du monde après le passage dévastateur du cyclone Chido. Les secours, limités pour l'instant aux avions militaires, arrivent au compte-gouttes.
"C'est comme une bombe atomique qui nous est tombée dessus". C'est en ces mots que Mathieu, installé à Mamoudzou depuis trois ans, a décrit la situation dans un message envoyé à sa famille à Nantes : "Je suis vivant, en sécurité. Mais c'est horrible. On se reparle dès que je peux." Depuis ce bref échange, plus aucune nouvelle. Le réseau téléphonique reste pratiquement hors service, et les appels basculent sur répondeur.
Un territoire paralysé : aéroport fermé, routes endommagées, ports inaccessibles
À l’aéroport de Mayotte-Dzaoudzi, les dégâts sont considérables. Des photos consultées par franceinfo montrent des écrans recouverts de bâches et une salle de commandement inondée. Martin Meyrier, président de l’aéroport, décrit une situation critique : "La tour de contrôle est particulièrement endommagée. L’aéroport fonctionne en mode dégradé." Les vols commerciaux sont annulés, sans date de reprise annoncée.
Seuls les avions militaires peuvent se poser, mais avec de nombreuses restrictions. Le colonel Guillaume Vernet, porte-parole des armées, précise : "Les gros porteurs ne peuvent pas atterrir. Seuls des petits avions comme les Casa, avec une capacité réduite d’une trentaine de places, sont autorisés." L’acheminement des secours est donc extrêmement lent, d’autant plus que l’aéroport manque de moyens pour décharger et distribuer le matériel.
La Réunion, seul "hub" logistique à 1 400 km
L’archipel des Comores, situé à seulement 200 km au nord, dispose certes d’un aéroport, mais celui-ci est également incapable d’accueillir de gros appareils militaires. "Les Comores ne sont pas une solution viable pour l’instant. Les contraintes sont les mêmes qu’à Mayotte", tranche le colonel Vernet.
La seule option reste donc La Réunion, distante de plus de 1 400 kilomètres. Comme l’explique le préfet Patrice Latron, cette île devient un "hub logistique" pour organiser les renforts en personnel, matériel et vivres.
Dans cette course contre la montre, l’éloignement et l’ampleur des dégâts transforment l’aide humanitaire en un véritable casse-tête logistique.
C'est donc sur la base aérienne 181, qui jouxte l'aéroport de Saint-Denis, qu'un premier A400M de l'armée française s'est posé dimanche en fin de journée. A son bord, "du matériel pour faire de la génération électrique, ce genre de choses de première nécessité, explique le colonel Guillaume Vernet. Aujourd'hui, un A400M décolle chaque jour de métropole en direction de la Réunion". Mais les deux territoires français se trouvent à plus de 1 400 km l'un de l'autre, et sont séparés par Madagascar. Pour les relier, il faut compter 3h15 de vol.
Le pont maritime est lent et fragile
Il existe une autre option : la mer. Mayotte dispose de trois ports, Dzaoudzi, Longoni et Mamoudzou. Mais leur accès, là aussi, reste extrêmement compliqué. De nombreux bateaux ont chaviré sous l'effet du vent. Samedi soir, l'armée française faisait état d'une mer déchaînée, avec des creux de 7 mètres et des rafales de vent mesurées à plus de 220 km/h, ce qui rend la navigation périlleuse. La circulation des barges entre Petite-Terre et Grande-Terre, les deux principales îles de Mayotte, est d'ailleurs interrompue. Seules circulent celles acheminant les moyens de secours.
Il fallait par exemple attendre que les creux soient ramenés à "2 ou 3 mètres" pour que la frégate Floréal puisse s'approcher des côtes de Mayotte, avec à son bord un hélicoptère, analyse le porte-parole de l'état-major des armées. Elle sera rejointe jeudi matin par le Champlain, un bâtiment de soutien et d'assistance outre-mer parti dimanche de La Réunion. A son bord, 180 tonnes de fret, dont du matériel fourni par l'armée et par EDF, mais surtout des rations de survie et de l'eau. Il sera suivi par des gros-porteurs de compagnies maritimes, qui achemineront également des vivres, en fin de semaine. Depuis La Réunion, "il faut compter entre deux et trois jours de navigation", calcule le porte-parole des armées Guillaume Vernet.
Les principaux axes routiers sont endommagés
A Mayotte même, la circulation des biens et des personnes est extrêmement compliquée. Partout sur les 347 km2 de l'archipel, le dégagement des routes est en cours. Mais certains axes restent bloqués. Et il faut compter avec les risques d'éboulements, de chutes de blocs ou de mouvements de terrain, rappelle la préfecture de Mayotte dans ses points de situation.
Des arbres bloquent un axe routier à Mayotte, le 16 décembre 2024, après le passage du cyclone Chido. (GENDARMERIE NATIONALE / AFP)