France/Présidentielle 2022 : La candidature d’Emmanuel Macron toujours en retard
Les tensions en Ukraine bousculent le calendrier électoral du chef de l’Etat.
Emmanuel Macron devait, enfin, se déclarer candidat à l’élection présidentielle cette semaine. L’occasion pour lui d’arriver à l’ouverture du Salon de l’agriculture, samedi, dans la peau d’un candidat officiel. Seulement voilà : la guerre entre la Russie et l'Ukraine semble se rapprocher d'heure en heure. Pas un petit sujet à traiter pour le chef de l’Etat d’une des principales puissances du continent. Résultat, il faudra probablement attendre la semaine prochaine. Emmanuel Macron n’aura de toute façon plus le choix car c’est vendredi 4 mars que le Conseil constitutionnel arrête de recueillir les parrainages d’élus. Certes, le président sortant a déjà largement le compte, mais il doit quand même faire formellement acte de candidature auprès de l’instance.
On ne peut certes pas plaider la surprise. « Les entrées en campagnes tardives des présidents sortants sont classiques sous la Ve République », reconnaît Agnès Evren, porte-parole de Valérie Pécresse. Et, comme tous ses prédécesseurs, Emmanuel Macron a promis qu’il serait président « jusqu’au dernier quart d’heure ». Mais cela ne convainc pas ses adversaires : « On nous avait promis le nouveau monde, or cette entrée en campagne tardive ressemble beaucoup à ce qu’on avait déjà vu », ironise Benjamin Lucas, porte-parole de Yannick Jadot, qui ajoute : « De toute façon, ça fait cinq ans qu’il est candidat, ça ne change rien à notre campagne. »
Un débat escamoté
Les oppositions voient néanmoins un problème dans le fait qu’une fois le président sortant entré en campagne, il restera seulement une quarantaine de jours avant le premier tour. Très court pour une campagne électorale qui a, décidément, bien du mal à démarrer vraiment. Les oppositions dénoncent depuis déjà des semaines ce qu’elles considèrent comme un escamotage du débat. « Je trouve que cela nuit au libre jeu des institutions démocratiques, dénonce Agnès Evren. Emmanuel Macron voudrait presque une reconduction tacite de son mandat. » Même son de cloche chez les écolos : « Il y a eu beaucoup de violences et de tensions dans ce mandat. Cette campagne devrait être un moment de respiration démocratique », pense Benjamin Lucas.
Côté majorité, on considère que les oppositions ne peuvent s’en prendre qu’à elle-même si la campagne ne décolle pas. « Les candidats ne devraient pas avoir besoin d’un président en campagne pour exister, cingle Maud Bregeon, porte-parole de La République en marche. C’est une critique un peu facile qui cache les difficultés de certains candidats à incarner leur propre vision. » La marcheuse met aussi en avant la situation internationale pour justifier le délai : « Ce qui se passe en Ukraine est grave. Il est normal que la paix en Europe soit ce qui prime pour le président actuellement. » Les opposants interrogés en conviennent, mais n’en estiment pas moins qu’il s’agit d’une esquive supplémentaire. « Les dossiers du Mali ou de l’Ukraine ne peuvent être exclus du débat électoral ! », s’indigne Agnès Evren.
Partir en campagne tard et avoir moins de temps de parole
Dans les faits, la majorité présidentielle quadrille déjà le terrain. Les ministres donnent déjà de nombreuses réunions publiques. La plateforme Web « Avec vous » a été lancée il y a déjà plusieurs semaines. Et de nombreux tracts ont déjà été distribués, dont le dernier avec Emmanuel Macron… de dos, face aux Françaises et aux Français. « D’un point de vue logistique, chez nous, tout est prêt », rassure Maud Bregeon, avant de prévenir les adversaires du chef de l'Etat : « Notre base militante est très motivée pour faire campagne. » Pour l’instant très concentrée sur le bilan du quinquennat, la communication de la majorité contient « quand même des éléments de long terme. Comme le plan d’investissement France 2030, les annonces sur le nucléaire et celles issues du Beauvau de la sécurité… », détaille la marcheuse. Reconnaissant ainsi en creux que le président fait bien campagne depuis des mois à coups de promesses impossibles à lancer avant mai 2022.
C’est cette évidence de la candidature d’Emmanuel Macron, voire cette hypocrisie, qui fait dire à Benjamin Lucas que la situation peut alimenter le cynisme des citoyennes et citoyens. Pour l’instant, cela ne se voit pas dans les sondages : le président sortant est toujours très stable, autour de 24 ou 25 % d'intentions de vote au premier tour. Et le consensus politique tend à considérer que retarder sa candidature est plutôt une bonne stratégie.
Gare aux regrets, néanmoins : moins de temps de campagne, c’est moins de temps de parole, à partager avec plus de monde. En 2012, pour sa campagne de réélection, Nicolas Sarkozy avait finalement regretté d’être parti en campagne en « deux semaines trop tard ». Selon 20Minute.