France : Un Premier ministre qui viendrait de la gauche, quels avantages pour Emmanuel Macron ?
Les rumeurs sont toujours nombreuses avant un changement de gouvernement, mais elles vont toutes dans la direction d’une nomination d’une personnalité de centre gauche Matignon
Cette fois c’est la bonne. Enfin, normalement… Emmanuel Macron a remercié « avec solennité » le gouvernement Castex, mercredi, à l’issue du Conseil des ministres. Le dernier donc, avant la nomination d’un nouveau Premier ministre et du gouvernement qui va avec. Comme toujours en cette période prénomination, les rumeurs vont bon train mais ces derniers jours elles vont toutes dans une direction : vers une femme, de centre gauche. Deux ont publiquement affirmé avoir décliné : Véronique Bédague, ancienne directrice de cabinet de Manuel Valls à Matignon, et Valérie Rabault, actuelle présidente du groupe socialiste à l’Assemblée nationale.
A un mois tout pile du premier tour des législatives, le vent souffle fort dans les voiles de Marisol Touraine, ancienne ministre des Affaires sociales de François Hollande et d’Audrey Azoulay, actuelle secrétaire générale de l’Unesco, elle aussi ministre lors du dernier quinquennat socialiste.
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Après deux Premiers ministres issus de la droite dans son premier mandat, ce changement d’épaule d’Emmanuel Macron est en fait nécessaire après la campagne qu’il vient de mener. « Ça lui permet de bien incarner la promesse faite aux Français entre les deux tours : celles d’une nouvelle méthode, d’un mandat qui n’est pas juste la continuation du premier », juge Bruno Cautrès, chercheur au CNRS et au Cevipof. « Si Emmanuel Macron prenait encore un Premier ministre issu de LR, vu qu’il vient d’en avaler l’électorat, tout le monde dirait que c’est lui le nouveau chef de la droite. » Ce serait prendre le risque de faire renaître un clivage gauche-droite, pas favorable au président. Qui plus est face à un bloc de gauche uni, probablement pas majoritaire en juin mais qui peut sortir renforcé des législatives.
Rendre visible les politiques de gauche macroniennes
Comme d’habitude, du côté de la majorité sortante, de droite ou de gauche, cela n’a pas d’importance. Ce qu’il faut, c’est que le prochain ou la prochaine première ministre soit « cohérente », explique le député des Landes, Lionel Causse, estampillé à gauche de la majorité présidentielle. Comprendre : qu’il ou elle soit un pont entre les différentes composantes de la macronie. « C’est comme ça qu’on a toujours fonctionné. J’ai apprécié Edouard Philippe pour ça, même si j’avais des divergences avec lui. Et c’était pareil avec Castex », note l’ancien socialiste. « Il s’agit d’avoir quelqu’un qui peut porter le projet présidentiel », pense un proche d’Edouard Philippe, pas affolé pour un sou par la perspective d’une telle nomination.
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Pour appliquer la retraite à 64 ou 65 ans et la conditionnalité du RSA, deux promesses fortes du candidat Macron et clairement marquées à droite, ce membre de l’aile droite de la majorité voit d’un bon œil l’arrivée d’une personnalité du centre gauche. Gage pour lui d’une « personne qui a le sens du dialogue, notamment avec les partenaires sociaux et les collectivités locales, pour moi, ça serait même un plus ». Ce serait aussi une bonne occasion si non de faire vivre en tout cas de montrer la fameuse jambe gauche de la macronie dont le bilan est au minimum peu visible : « Si j’ai une frustration pendant ce premier mandat c’est qu’on n’ait pas réussi à imposer une lecture politique de nos mesures sociales… On ne parle que des 5 euros en moins sur les APL ou de la retraite à 65 ans, jamais du quoi qu’il en coûte », déplore la députée du Nord, elle aussi ancienne socialiste, Catherine Osson.
Sans risque
Electoralement, n’y a-t-il pas un risque de faire peur à l’électorat de droite, largement siphonnés par Emmanuel Macron le 10 avril ? La députée du Nord croit que la confiance de son électorat envers son président est suffisamment forte et « à partir de là, peu importe qui il nommera, ça suivra ». Azoulay, Touraine, Rabault ou Bédague sont toutes liées au quinquennat Hollande, ce pourrait aussi être un signal aux électeurs et électrices de gauches pas convaincues par la Nupes… Sauf qu’a priori, cet électorat-là est globalement déjà chez lui. Pas de risque de se raccrocher au quinquennat Hollande, qui n’a pas laissé que des bons souvenirs ? Là encore, pas un obstacle insurmontable : « Il ne faut pas quelqu’un qui a été marqué au fer rouge par le quinquennat Hollande, mais ce n’est pas le cas, à part peut-être pour Marisol Touraine, mais je ne crois pas à sa nomination », avance le député Horizon cité plus haut. L’ancienne ministre des Affaires sociales a néanmoins été saluée de manière très appuyée par Emmanuel Macron lors de son investiture, samedi.
Chacun navigue de toute façon à vue tant qu’on ne connaît pas le nom de l’heureux ou de l’heureuse élue. Et il faudra probablement attendre le début de la semaine. D’ici là, rien n’empêche Emmanuel Macron de finalement changer d’avis. Si on en croit Catherine Osson, il a de toute façon peut de chance de se tromper à partir du moment où il respecte le « postulat de débat de La République en marche : le meilleur de la gauche, le meilleur de la droite et le meilleur de la société civile ».