François Bayrou : ce qu’il faut retenir de son interview sur Valls, RN, immigration et retraites
Ce lundi, la liste du gouvernement Bayrou a enfin été dévoilée. 35 ministres ont été nommés dont beaucoup issus des rangs macronistes. 14 d’entre eux occupaient le même poste dans le gouvernement Barnier, cinq changent de portefeuille.
Le gouvernement Bayrou compte également de nombreux revenants, dont l’ancien ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin et deux anciens Premiers ministres, Elisabeth Borne ou encore – c’est la surprise du chef - Manuel Valls, de retour aux affaires à la tête du ministère des Outre-Mer.
- France: Élisabeth Borne, Manuel Valls, Gérald Darmanin... le gouvernement de François Bayrou dévoilé
Ce lundi soir, François Bayrou est donc allé faire le service-après-vente sur BFMTV lors d’un long entretien avec les deux journalistes vedettes de la chaîne, Apolline de Malherbe et Benjamin Duhamel. Libération vous résume l’entretien.
Aucune «influence du RN» sur la composition du gouvernement
François Bayrou tient à raconter sa version des faits au sujet de l’absence de Xavier Bertrand dans son équipe ministérielle. Un peu plus tôt dans la journée, le patron LR de la région Hauts-de-France avait affirmé avoir été évincé du ministère de la Justice sous la pression de Marine Le Pen.
«D’abord, il n’est pas vrai que quelque influence que ce soit se soit exercée sur moi, commence François Bayrou. J’ai proposé à Xavier Bertrand d’entrer au gouvernement dans un ministère très important et il m’a dit qu’il ne voulait que la Justice. Il m’a exposé ses vues sur le ministère de la Justice et je ne m’y suis pas reconnu. J’ai dit “on va essayer” et en réfléchissant je me suis rendu compte où étaient les points de divergence.
Il proposait une démarche que j’ai trouvé violente, […] que les amendes soient directement facturées et payées par une retenue de salaire. Je trouve qu’on ne peut pas s’attaquer comme ça à la question du civisme et donc j’ai trouvé que son approche n’était pas la mienne. Ça n’a rien à voir avec une défiance avec Marine Le Pen, ça a à voir avec moi. Il est déçu de ne pas être entré au gouvernement.» Conclusion : François Bayrou réfute toute «influence» du RN sur la composition de son gouvernement.
Manuel Valls, «une personnalité un peu kamikaze»
Manuel Valls, ancien Premier ministre de François Hollande et nommé aux Outre-Mer, est «une personnalité un peu kamikaze», a démarré fissa François Bayrou. «J’aime bien les personnalités audacieuses ou qui acceptent de prendre des risques, a affirmé le Premier ministre.
C’est une personnalité pour qui j’ai de l’estime mais surtout je considère que l’une des questions les plus lourdes pour le pays ce sont les Outre-Mer.» Un peu plus tard, François Bayrou se reprend, conscient du sens de l’ambivalence du mot «kamikaze» : «Manuel Valls est une personnalité qui ne craint pas le risque, j’aurais dû le dire comme ça.»
Pas d’affrontement avec Emmanuel Macron
François Bayrou refuse d’entrer dans «le petit jeu de l’affrontement» avec Emmanuel Macron. Au sujet des conditions de sa nomination à Matignon, le Premier ministre a tenu à donner quelques précisions. «Je sais que j’ai un phrasé lent, mais ceux qui nous écoutent comme ça entendent bien [ce que je vais dire] : Emmanuel pensait que je n’étais pas le mieux adapté à la fonction. J’ai toujours pensé qu’on me demanderait d’occuper cette fonction que quand ça irait très mal. Je pense que je l’ai convaincu.» Au sujet de leur relation à la tête de l’exécutif, le Premier ministre refuse d’entrer «dans le petit jeu de l’affrontement» qui serait «stérile» avec Emmanuel Macron. «Je parle avec le président de la République à peu près trois fois par semaine depuis le premier jour de notre alliance. C’est une personnalité courageuse, qui affronte les problèmes. Peu de présidents de la République ont eu à affronter autant de cascades et de drames.»
Motion de censure et 49.3
François Bayrou «persuadé» que son gouvernement ne sera pas censuré. «Je suis persuadé que l’action que je définis devant vous et l’équipe gouvernementale feront que nous ne serons pas censurés», a-t-il déclaré. François Bayrou a indiqué qu’il ne solliciterait pas la confiance de l’Assemblée à l’issue de sa déclaration de politique générale, programmée le 14 janvier. Le Premier ministre a renvoyé à une probable motion de censure déposée par l’opposition (La France insoumise a d’ores et déjà annoncé son intention de déposer une motion de censure). Par ailleurs, le Premier ministre promet de n’utiliser le 49.3 qu’en «dernière extrémité» et seulement en cas de «blocage». Il indique qu’il n’aura recours à cet article de la Constitution que «sur le budget» et pas pour «d’autres textes». Lui a l’intention «d’aller au bout des débats. Je suis de ce grand courant qui aime la démocratie au Parlement. Les conflits qui s’exposent au Parlement sont des conflits qui n’éclatent pas dans la rue».
Pas de suspension ni de gel de la réforme des retraites de 2023
Le Premier ministre a dit lundi refuser de suspendre ou de geler la réforme des retraites de 2023, comme le demande la gauche, après avoir proposé jeudi aux forces politiques de rouvrir une discussion sur cette réforme pendant neuf mois. «Non, je ne ferai pas ça. Dans quel monde vivent-ils ? Est-ce qu’ils savent que la France est observée, scrutée par ce qu’on appelle les agences» de notation, «et si [leurs] notes ne sont pas bonnes, alors les taux d’intérêts explosent ?» a justifié le Premier ministre. «Il y a tous les compromis possibles. S’il existe, je suis prêt», a ajouté François Bayrou, qui s’est aussi dit «prêt» à ramener le délai de discussion de neuf «à six mois».
Pas de grande loi immigration
François Bayrou a expliqué ne pas vouloir «de grande loi» sur l’immigration qu’il juge «destinée à faire, en fait, de la communication». «Priorité à l’exécution et à l’application des mesures qui ont été votées», a déclaré le Premier ministre.
«Et ensuite, j’ai discuté de ça avec Bruno Retailleau : pas de grande loi destinée à faire, en fait, de la communication. Prenons les problèmes un par un, y compris par des propositions de loi des assemblées», a-t-il ajouté. François Bayrou a dit déplorer que «quasiment aucune» obligation de quitter le territoire français (OQTF) n’est exécutée et vouloir procéder à «une mise en tension avec les pays qui refusent» de réadmettre leurs ressortissants frappés d’une OQTF.