Gaza : Les médias français sont-ils partiaux en faveur d'Israël ?
Dix mois après le début du conflit à Gaza, les médias français sont critiqués pour leur manque d'impartialité. Est-il possible qu'il y ait une demande de parti-pris pro-israélien dans les rédactions ? Pourquoi ?
Mohamed Kaci de TV5 Monde a été critiqué par sa direction pour avoir interviewé un porte-parole de l'armée israélienne. L’Arcom a défendu le journaliste et salué son professionnalisme.
Les mots “massacre” et “pogrom” ont été utilisés par les journalistes français lors des attaques du 7 octobre en Israël qui ont fait 1 200 morts. Les voix qui ont tenté de replacer les faits dans le contexte de l'occupation des territoires palestiniens ont été accusées d’anti-sémitisme. Le débat sur la question palestinienne a été étouffé, les médias reprenant le narratif israélien sans poser de questions.
Guillaume Jobin, président de l'École supérieure de journalisme de Paris (ESJ), critique sévèrement ce manque d'objectivité. Selon lui, 98% ou 99% des médias français sont pro-israéliens, soit par parti pris idéologique, soit par manque d'informations ou de recul.
Médias privés et publics, même partialité
Les milliardaires propriétaires de médias affichent leurs positions pro-israéliennes. Vincent Bolloré avec CNews, Patrick Drahi et Robert Dreyfuss avec BFM TV en sont des exemples. La cession de BFM TV à Rodolphe Saadé ne devrait pas changer la ligne éditoriale.
Les médias publics répètent les positions israéliennes et invitent des personnalités pro-israéliennes. Ils continuent de relater des informations démenties, comme les viols en réunion ou les bébés décapités, sans vérification.
Nili Kupfer-Naouri, avocate franco-israélienne, a affirmé sur plusieurs chaînes que tous les Gazaouis étaient membres du Hamas, y compris les enfants, sans contestation des journalistes.
Accès limité à Gaza pour les journalistes
L'impossible accès à Gaza est souvent cité comme justification. Israël empêche la presse internationale d'entrer à Gaza et les rédactions hésitent à envoyer des reporters face aux risques. Selon l'agence Anadolu, 159 journalistes ont été tués depuis le 7 octobre, ce qui en fait le conflit le plus meurtrier pour les journalistes depuis 1992.
Guillaume Jobin réfute cet argument. Il affirme qu'il est possible de trouver des journalistes palestiniens à Gaza et que l'information est disproportionnée dès le départ.
L’idéologie coloniale et la droitisation politique
Khaled Sid Mohand, journaliste indépendant, souligne que la couverture médiatique du conflit était déjà mauvaise avant le 7 octobre. Il critique la désinformation, où la violence des actes israéliens est minimisée par rapport à celle des Palestiniens.
Selon lui, deux explications à cette dérive existent : la culpabilité liée à la Shoah et le passé colonial de la France. La France s'identifie plus à Israël qu'à la Palestine, évitant ainsi une relecture de son propre passé colonial. La droitisation de la vie politique française et l'adhésion aux thèses du sionisme jouent également un rôle.
Boycott des voix dissidentes
Les voix dissonantes sont boycottées si elles ne sont pas extrêmes. Guillaume Jobin a été attaqué par Le Point pour ses positions pro-palestiniennes. Des chercheurs comme François Burgat et Pascal Boniface sont ignorés ou vilipendés pour leurs discours factuels sur le conflit, selon trtfrancais.
Le journaliste franco-algérien Mohamed Kaci a vécu une expérience amère en interrogeant un porte-parole de l'armée israélienne. Sa rédaction l’a désavoué face aux récriminations de plusieurs organisations juives.