La fédération du Golfe déjà dans l’ère de l’après-pétrole
Economie du savoir, technologies de pointe, décarbonation… Alors qu’ils rentreront dans les Brics le 1er janvier prochain,
les Emirats arabes unis s’engagent dans une nouvelle phase de leur diversification économique.
C’est au terme de 186 jours au sein de la Sta-tion spatiale internationale (ISS) que Sultan al-Neyadi a pose le pied sur terre le 4septembre dernier.
Si l’ingenieur de 42 ans, originaire d’Abu Dhabi, est le premier astronaute d’un pays arabe a «avoir marche dans l’espace», en avril, afn d’installer des panneaux solaires, et le second a efectuer un sejour dans l’ISS, le «Sultan de l’espace» porte surtout le drapeau des fortes ambitions spatiales emiraties.
Depuis 2014 et la création de leur agence spatiale, ce sont plus de 6 milliards de dollars qui ont été investis par les Emirats arabes unis (EAU) pour devenir un acteur spatial de premier plan.
En 2021, la Fédération de sept émirats a ainsi mis sur orbite une sonde d’exploration martienne Hope, qui a pris les clichés les plus précis jamais réalisés de la planète rouge.
Elle a lancé un satellite de reconnaissance Falcon Eye en 2020.
Et l’écrasement de son rover Rashid I, il y a un an, sur la Lune est loin d’atteindre à leurs ambitions.
Disposant de cinq centres de recherche et ayant noué de nombreux partenariats internationaux, les Emirats travaillent toujours avec la société Blue Origin de Jeff Bezos sur un projet de tourisme spatial, à partir d’un spatioport qui verrait le jour à Al-Aïn, à 150 kilomètres d’Abu Dhabi.
« Les EAU ne se fixent aucune limite. Ils veulent faire du spatial un vecteur de puissance et d’affirmation, mais aussi de transferts de technologies. ».
C’est ce que souligne une note de l’Institut Choiseul, parue fin novembre, intitulée « Les Emirats arabes unis : du soft power à l’influence globale » et consacrée à la stratégie de diversification économique de cet Etat qui fera son entrée au sein des Brics le 1er janvier prochain.
« Grâce aux traitements innovants des données et à l’intelligence artificielle, les Emirats démontrent leur capacité à investir et à repousser les frontières technologiques. Le spatial a de nombreuses applications sur le développement urbain, l’agriculture, le trafic maritime, les services financiers, l’assurance, qui s’alignent parfaitement avec leur stratégie post-ressources naturelles. Et, diplomatiquement, il leur permet de dialoguer avec les plus grandes puissances comme l’Inde ou la France », confirme l’expert du secteur Mathieu Luinaud.
Monde d’après. Car l’ancienne Côte des Pirates, qui a prospéré depuis la fin des années 1950 grâce à l’extraction et l’exportation d’hydrocarbures (septièmes réserves mondiales), a anticipé depuis longtemps l’épuisement de ses réserves de brut. Tandis qu’Abu Dhabi peut toujours capitaliser sur une très généreuse manne pétrolière, Dubaï (qui n’en a jamais eu beaucoup) ne produit plus d’or noir.
Les hydrocarbures ne représentaient plus que 29,7% des exportations des Emirats en 2019 et plus que 5% du PIB de Dubaï, rappelle l’Institut Choiseul.
Misant sur son emplacement géographique stratégique au carrefour de l’Europe, de l’Asie et de l’Afrique, la cité qui accueille actuellement la Cop 28, s’est, depuis plusieurs décennies, transformée en hub logistique, commercial et financier grâce à son port, ses zones franches, son aéroport, ses hôtels, centres commerciaux et parcs de loisirs luxueux, en même temps que comme donnant le ton de la diversification, du futurisme et de l’ouverture vers le monde à toutes les pétromonarchies de la région.
Plus prudent, Abu Dhabi, s’est quant à lui tourné, outre l’immobilier, le « retail » et les zones industrielles, avec un tissu dense de PME, vers la culture, avec les filiales du Louvre et de la Sorbonne.
L’économie des EAU pèse aujourd’hui 500 milliards de dollars, soit cinq fois plus qu’il y a vingt ans. Et leurs cinq principaux fonds souverains représentent plus de 1 700 milliards dollars d’actifs. Portés par un cours élevé des prix du brut, une bonne reprise du tourisme et l’augmentation des investissements, en particulier russes, dans l’immobilier, les Emirats affichaient 7,6% de croissance économique en 2022, son taux le plus important depuisonze ans.
Mais, désormais imités par leurs voisins saoudien, qatari et koweïtien, en matière de diversification dans ces secteurs plus traditionnels de l’économie, et souhaitant garder leur longueur d’avance et leur attractivité, les Emirats entament une nouvelle phase de leur révolution. Et ce « dans des secteurs de pointe où il n’y a pas de concurrence avec les autres pays du Golfe et où ils peuvent faire valoir leur avantage compétitif », souligne Geoffroy Bunetel, président de la Chambre de Commerce et d’Industrie France-EAU.
« Les dirigeants émiratis n’ont pas oublié d’où ils viennent et ont conscience que la richesse peut être éphémère. Ils veulent transformer leur économie pour créer les conditions de leur prospérité future », témoigne le cadre d’un fonds.
Remplaçant les ressources naturelles par la matière grise, c’est dans le monde d’après, celui de l’économie du savoir, des technologies et de la décarbonation, que se projettent, depuis la sortie du Covid, les Emirats, notamment avec leur « stratégie 2071 » (année du centenaire).
C’est ainsi que les Emirats entendent devenir le nouvel eldorado dans l’industrie 4.0, la blockchain, les biotechnologies, le digital, l’intelligence artificielle, en s’appuyant sur l’entreprenariat et un écosystème favorable aux start-up, en attirant en particulier. Selon L'Opinion.