Immigration, RN, fin de vie, Israël... Ce qu’il faut retenir de l’interview d’Emmanuel Macron
Le président de la République a abordé pendant près de deux heures sur France 5 de nombreux sujets de l’actualité nationale et internationale.
Reprendre le contrôle et sortir de l’ornière. Emmanuel Macron a pris la parole longuement mercredi soir dans l’émission C à vous au lendemain du vote controversé de la loi immigration défendue depuis 18 mois par son gouvernement.
Après une motion de rejet votée à l’Assemblée nationale, Élisabeth Borne et Gérald Darmanin ont été contraints de négocier avec Les Républicains pour que leur texte aboutisse à l’issue d’une commission mixte paritaire.
Un accord a finalement été trouvé sur un texte durci par la droite, permettant dans la foulée une adoption au Sénat puis à l’Assemblée.
Le Rassemblement national s’est mêlé au vote et a revendiqué une «victoire idéologique», tandis que la majorité s’est fracturée, au point de voir le ministre de la Santé démissionner dans la nuit.
Le Président «respecte» les démissions dans la majorité
Le président de la République a déclaré «respecter la décision» de son ministre de la Santé démissionnaire, Aurélien Rousseau.
Ce «respect» s’applique également à «tous les députés de la majorité qui ont voté une loi dont ils ont considéré qu'elle était utile pour le pays», a-t-il ajouté immédiatement.
Le remplacement immédiat du ministre de la Santé par Agnès Firmin-Le Bodo relève de «la continuité de l’État», a défendu Emmanuel Macron. «On doit avancer parce que les sujets de santé sont essentiels.
On ne pouvait pas laisser ce poste vacant», a-t-il affirmé. Interrogé sur d’autres départs potentiels au sein du gouvernement, le président a préféré éluder. «On doit tous être à la hauteur», a-t-il répondu.
Sur l'immigration, Emmanuel Macron défend le «bouclier qui nous manquait»
Le chef de l'État est monté au créneau pour défendre le texte voté mardi soir par les deux chambres. «C'est le fruit d'un compromis.
C'est le bouclier qui nous manquait», a-t-il assuré. Avant d'énoncer les deux objectifs du projet de loi : «On doit se battre contre les flux, c'est-à-dire les arrivées clandestines (...) et que nous n'arrivons pas à renvoyer. Le deuxième est de mieux intégrer par l'apprentissage de la langue et du travail.»
Un texte de «compromis» sans préférence nationale
Le président de la République a défendu un texte de «compromis». «Je ne suis pas en train de vous dire que je saute au plafond», a-t-il reconnu, avant d’estimer que la caution demandée aux étudiants étrangers «n’est pas une bonne idée».
Emmanuel Macron a toutefois exprimé que «les dispositions, si elles ne plaisent pas, ne nécessitaient pas de tout bloquer», s’en prenant en creux à la motion de rejet votée à l’Assemblée nationale.
Le président s’est par ailleurs défendu d’avoir fait rentrer «insidieusement» de «la préférence nationale», comme l’en accuse son prédécesseur à l’Élysée, François Hollande. «Comment ça se passe aujourd'hui le RSA ?
Il faut être depuis 5 ans en France pour le toucher», a-t-il défendu, mobilisant également l’argument de la prime d’activité, elle aussi conditionnée à une présence de plusieurs mois sur le territoire national.
Pas de «rupture de régime», selon le président
Emmanuel Macron s’est également félicité qu’une suppression de l’AME ne figure pas dans le texte définitif adopté mardi soir.
«Quand vous arrivez dans notre pays, vous êtes soignés et hébergés, ce contre quoi se bat le Rassemblement national», a-t-il argué, estimant que le texte issu du Sénat «a été considérablement adouci».
Le président estime que le texte ne provoque pas de «rupture ontologique, de régime», à rebours du discours de la gauche.
Il a reconnu toutefois «qu'il y a des dispositions qui ne sont pas conformes à la Constitution», rappelant qu’il saisirait le Conseil constitutionnel. «Je suis le garant des institutions.
On peut protéger le pays sans changer la constitution», a-t-il martelé, contre l’avis du RN et d’une partie des Républicains.
Emmanuel Macron dénonce «une manœuvre» du RN
Le président a étrillé «une manœuvre grossière» du Rassemblement national (RN), dont les troupes ont revendiqué une «victoire idéologique». Les députés RN ont voté mardi soir le texte issu de la Commission mixte paritaire (CMP), des voix sans lesquelles la loi n'aurait pas été adoptée.
«Dans le texte, il n'y a pas ses idées : Madame Le Pen, à deux reprises, était pour la suppression de l'aide médicale d'État. Dans ce texte, on la préserve. Est-ce qu'il y a une simplification de licenciement pour les étrangers ? Non. (...) Est-ce qu'on remet en question le droit du sol ?»
Emmanuel Macron juge au contraire que la loi «va permettre de lutter contre ce qui nourrit le Rassemblement national». «J'assume totalement de dire que nos compatriotes attendaient cette loi et qui si on veut que le RN n'arrive pas au pouvoir, il faut traiter des problèmes qui le nourrissent», a-t-il affirmé.
Le chef de l'État dit néanmoins comprendre les doutes qui s'emparent du camp présidentiel : «que ça heurte certains parlementaires, que ça heurte des ministres, c'est légitime !»
Un «nouveau cap» en janvier 2024
Emmanuel Macron entretient le mystère sur le «rendez-vous avec la nation» prévue en janvier 2024. En marge d'une visite au Panthéon, début décembre, le chef de l'État avait évoqué le besoin d'adresser «un message d'unité» aux Français, sans que l'on sache quelle forme prendrait l'initiative.
«Si je vous donne rendez-vous en janvier, je ne vais pas l'honorer en décembre», a-t-il balayé. Avant d'éluder : «Je veux que l'année prochaine, on aborde de nouveaux grands sujets, de nouveaux défis. J'aurais à l'ouvrir avec un nouveau cap».
Un indice a été confié par le président de la République au détour de l’interview. «L'école est la mère des batailles et c’est une partie du rendez-vous que je vous donne en janvier», a-t-il révélé.
À propos de «cap», le président de la République a déclaré qu’il fallait «savoir rester indifférent au jeu des commentaires, sinon on perd le cap». «Il y a toujours des choses à améliorer, j’ai fait beaucoup d’erreurs et j’en ferai sans doute d’autres», a-t-il cependant reconnu.
Emmanuel Macron «ne compte pas s'arrêter là»
Le Président n’a pas manqué d’égratigner ses prédécesseurs, notamment François Hollande, sans le citer nommément. «Moi je pense que toutes les bonnes âmes qui m'expliquent que ce n'est pas bien ce que vous faites, ce sont des gens qui ont fait quoi ? Ils ont réglé le chômage de masse ? La désindustrialisation ?
Les problèmes d'immigration ? Non. Je l'ai fait et je ne compte pas m'arrêter là, il me reste trois ans et demi», étrille Emmanuel Macron.
Gabriel Attal «fait bien à la tête de l’école»
C'est une bonne note adressée à Gabriel Attal, qui «fait bien à la tête de l'école». «Je suis heureux qu'il y ait des ministres, Gabriel Attal en ce moment, qui émergent. Je lui ai fait confiance dès le premier quinquennat», a-t-il loué, à l'évocation de son ministre de l'Éducation nationale, rapporte Le Figaro.
«Quand je lui ai confié l'été dernier cette responsabilité, je l'ai fait en sachant que j'avais là un responsable politique qui partageait mes combats depuis le début, avait l'énergie et le courage de mener les combats nécessaires.» Avant d'évoquer, sans les nommer, ceux qui l'entourent.
«Je suis très heureux et très fier d'avoir fait émerger des talents et j'espère en faire émerger d'autres. J'espère qu'ils auront un avenir gouvernemental, à la tête de grandes villes et peut-être plus je l'espère si le destin leur permet.»
«La laïcité ne signifie pas l’effacement des religions»
Le président de la République s’est longuement confié au sujet de la laïcité, «valeur cardinale de la République». Elle «ne signifie pas l’effacement des religions du débat public», a-t-il affirmé estimant qu’il s’agit d’abord d’une «loi de liberté». «Tout le monde a besoin de transcendance», a-t-il ajouté.
L’occasion pour Emmanuel Macron de se justifier sur la polémique suscitée après la célébration de la fête juive de Hanouka à l’Élysée. «Je ne pense pas que ce soit une infraction aux règles de laïcité», a-t-il défendu, avant de rappeler qu’il s’était contenté d’allumer la bougie du souvenir d’Auschwitz qui ne comporte «aucun caractère religieux».
Les contours du projet de loi sur la fin de vie dévoilés en février
Emmanuel Macron suit à la lettre le «calendrier qu'(il) a donné sur la fin de vie». C'est en tout cas ce que le chef de l'État a assuré sur le plateau de France 5, alors que le projet de loi doit être présenté entre mars et avril en conseil des ministres. «J'assume de prendre le temps (...) il y a un cheminement», a-t-il répliqué. «La première chose que l'on doit faire, c'est parachever le modèle français des soins palliatifs. (...)
C'est un immense chantier». Le chef de l'État présentera en février les contours du texte, avant de l'envoyer au Conseil d'État. «Cette loi traitera nos compatriotes en âge adulte qui ont leur discernement et qui ont des maladies incurables et réfractaires au traitement.»
Lutter contre le terrorisme ce n'est pas «tout raser à Gaza», avertit le Président
Le chef de l’État a défendu la position de la France dans le conflit israélo-palestinien. «Les semaines passant, on ne peut pas laisser s'installer l'idée que lutter efficacement contre le terrorisme serait de tout raser à Gaza ou d'attaquer de manière indistincte les populations civiles et de faire des victimes civiles», a-t-il défendu.