Justine Triet « tellement heureuse » du beau parcours d'« Anatomie d’une Chute » jusqu’aux Oscars
La réalisatrice française Justine Triet a confié toute son émotion, ce dimanche 10 mars 2024, après le parcours exceptionnel de son film « Anatomie d’une chute », récompensé par l’Oscar du meilleur scénario.
La réalisatrice française Justine Triet a confié toute son émotion dimanche, après le parcours exceptionnel de son film « Anatomie d’une chute », récompensé par l’Oscar du meilleur scénario. « Je suis tellement heureuse, ça veut dire que les films traversent les frontières », a-t-elle déclaré à la presse française dans les coulisses de la cérémonie.
« C’est un énorme soulagement pour tout le monde, car nous avons commencé la course en septembre », a-t-elle confié à l’AFP. « Nous avons fait un film indépendant en France avec un budget modeste, donc cela signifie beaucoup pour l’avenir. » Depuis la Palme d’Or en mai, le film a accumulé les récompenses internationales avec deux Golden Globes, un Bafta (équivalent d’un César britannique) et plusieurs prix critiques américains.
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S’il n’a rien pu faire face au rouleau-compresseur « Oppenheimer » pour l’Oscar du meilleur film, ce drame judiciaire n’en signe pas moins un très beau parcours. Avec cinq nominations, il s’est imposé comme le meilleur représentant du cinéma français outre-Atlantique depuis « Amour », Oscar du meilleur film étranger en 2013, et « The Artist », qui avait raflé cinq statuettes en 2012.
Variation sur le film de procès, « Anatomie d’une chute » chronique, lui, la dégringolade d’un couple, au sein duquel une écrivaine ambiguë se retrouve accusée du meurtre de son mari. L’occasion d’offrir une réflexion sur le coût de la vie à deux et le caractère insaisissable de la vérité, rapporte ouest france.
Campagne ingénieuse
Aux États-Unis, le long-métrage a été promu par Neon, le distributeur qui avait permis à « Parasite », du Sud-Coréen Bong Joon-ho, de triompher aux Oscars en 2020 avec six statuettes, dont celle du meilleur film. Des professionnels reconnus, sur lesquels Justine Triet s’est appuyée pour réaliser une campagne ingénieuse.
« Ce n’est pas du tout mon métier, moi je suis quelqu’un qui travaille dans l’ombre », confiait-elle lors d’un passage en février à Los Angeles, où elle enchaînait les journées à rallonge. Neon a su rebondir lorsqu'« Anatomie d’une chute » a été snobé par la commission chargée de sélectionner le représentant français pour l’Oscar du meilleur film international, au profit de « La Passion de Dodin Bouffant », qui n’a pas été nommé.
Le distributeur a ainsi publié un communiqué pour rappeler que la Palme d’or cannoise était éligible dans toutes les autres catégories. Et organisé l’omniprésence de Justine Triet dans la presse nord-américaine : Telluride, Toronto, New-York… la réalisatrice a fait la tournée des festivals à l’automne.
Ces allers-retours incessants entre la France et les États-Unis ont nourri le succès critique d'« Anatomie d’une chute. À tel point que Barack Obama l’a inclus dans son top 10 des meilleurs films de 2023. Prise dans le tourbillon promotionnel, Justine Triet se disait surprise par « le côté enthousiaste de la campagne », en février. « C’est un truc assez fou que je n’avais pas imaginé. »
Car Neon a multiplié les bonnes idées susceptibles de plaire aux Américains. Comme créer des affiches pour Messi, le chien du film, plébiscité par les internautes pour sa capacité à simuler une overdose.
Chien star
Le border collie avait même fait le voyage aux États-Unis pour le déjeuner des Oscars en février et il est revenu pour assister à la cérémonie dimanche, assis confortablement sur un fauteuil rouge. « Il est incroyable », a salué le maître de cérémonie, Jimmy Kimmel, à l’adresse du toutou.
« On s’est tous fait voler la vedette par Messi. […] Toutes les stars sont venues le voir en voulant poser avec lui », s’étonnait Justine Triet en février. Neon a également vendu « Anatomie d’une chute » avec d’autres arguments qu’en France. Plus qu’une plongée dans l’intimité d’un couple, le distributeur a promu le film comme un thriller, avec une question majeure : l’écrivaine incarnée par Sandra Hüller est-elle coupable ?
Le distributeur a été jusqu’à organiser une lecture publique du scénario à Los Angeles par des figures bien connues d’Hollywood : Bob Odenkirk, star de la série « Better Call Saul », l’actrice Riley Keough, petite-fille d’Elvis Presley, et Jay Ellis (« Top Gun : Maverick »).
Une stratégie fondée sur le buzz qui a permis à ce film d’auteur très français, pur produit de l’exception culturelle défendue par Justine Triet à Cannes, de se faire remarquer par le gratin du cinéma américain.
Pendant la campagne, la réalisatrice a pu croiser Meryl Streep, Martin Scorsese ou encore Steven Spielberg. Ce dernier « a beaucoup aimé le film », racontait-elle en février. « Tout ce qui se passe autour du film depuis Cannes, c’est surréaliste », soufflait-elle. « C’est extrêmement fort et émouvant. »