Le Mans 66: comment transformer une course historique en grand spectacle hollywoodien
Chez James Mangold, la course d’endurance centenaire défile à toute berzingue. Des libertés narratives et un recours minimal aux effets numériques ont permis de condenser vingt-quatre heures de compétition en trente minutes explosives.
Les 24 Heures du Mans ont eu 100 ans ce week-end, et l’édition de 1966 restera pour toujours l’une des plus marquantes de l’histoire. Non seulement une voiture américaine l’emportait pour la première fois, mais elles étaient trois, carrément, à franchir ensemble la ligne d’arrivée. Avec ce triplé, Ford gagnait son pari, insensé au départ, d’écraser Ferrari. James Mangold (Walk the Line, 3h10 pour Yuma et le prochain Indiana Jones) raconte dans Le Mans 66 comment Carroll Shelby, interprété par Matt Damon, a conçu ce petit bijou de Ford GT40, avec l’aide du pilote Ken Miles, joué par Christian Bale, selon Télérama.
À l’image du dernier Top Gun, cette grosse production a été saluée pour son recours minimal aux procédés numériques. Alors qu’ils ont pris l’habitude de filmer des Marvel sur fond vert, les studios Disney ont accepté de mettre leurs ordinateurs en veille pour ce blockbuster-là, ne les rallumant que pour peaufiner les trois derniers quarts d’heure, au cours desquels la course des 24 Heures du Mans 1966 est condensée en trente minutes explosives.
Car si nous avons affaire à un spectacle hollywoodien « à l’ancienne », on reste bien à Hollywood. Sur le plan scénaristique d’abord : James Mangold s’est efforcé de fractionner la course en de multiples rivalités pour la dramatiser au maximum. À commencer, évidemment, par le match entre Ken Miles et Lorenzo Bandini.
Il faut être attentif pour identifier ce « méchant », filmé de loin par petites touches. Car cet homme bronzé, très brun, qui ne se déride que pour lâcher un petit sourire en coin quand son adversaire a un problème, est une ombre, une menace, un Italien. S’ajoute le duel plus global entre Ford et Ferrari, dans les stands comme en tribune, où le grand Enzo, qui en réalité ne se rendait jamais sur les circuits, est bien présent. Enfin, le clan Ford est fracturé entre Matt Damon et l’un de ses supérieurs, qui ne peut pas pifer Ken Miles.
L’autre point fondamental pour fabriquer un grand spectacle classique, c’est de dégager une figure héroïque, Ken Miles en l’occurrence. Première astuce : invisibiliser les autres pilotes.
Il est le seul à être filmé dans sa voiture, et on serait bien incapable de dire quels acteurs interprètent ses coéquipiers Denny Hulme, Bruce McLaren et Chris Amon. Ajoutons qu’il est super fort. Et, surtout, qu’il est un excellent père de famille. Il y a donc les arrêts au stand mais aussi à la maison, où madame se ronge les ongles et le fiston garde les yeux rivés sur le poste de télé, murmurant des « Come on, dad » entre deux sauts de joie.