Les frappes de drones à Tinzaouatène : un nouvel épisode de la guerre par procuration au Mali
Les récentes frappes de drones à Tinzaouatène, près de la frontière entre le Mali et l’Algérie, ont ravivé les débats sur l’utilisation croissante de ces engins dans les conflits africains.
Le dimanche 25 août 2024, 21 civils, dont 11 enfants, ont été tués dans ces attaques, révélant la brutalité du conflit malien et la complexité géopolitique de la région. Les drones, désormais au cœur des stratégies militaires en Afrique, suscitent des questions cruciales sur leur impact et leur légitimité.
Ces frappes ont visé, selon les rebelles maliens, une pharmacie puis des civils sans défense, tandis que l’armée malienne affirme qu’il s’agissait d’opérations ciblant des terroristes. Cette divergence de récits souligne la confusion et la détresse des populations locales, prises au piège d’un conflit incessant dont elles sont les premières victimes.
Un Contexte géopolitique complexe
Les attaques de drones au Mali s’inscrivent dans un contexte géopolitique de plus en plus complexe, où les intérêts des grandes puissances s’entremêlent avec les aspirations locales. La France, ancienne puissance coloniale, maintient des liens historiques et militaires avec le Mali, notamment à travers l’opération Barkhane, lancée en 2013 pour lutter contre les groupes terroristes, avec un recours fréquent aux drones pour des missions de surveillance et de frappe.
Parallèlement, les États-Unis, avec des intérêts stratégiques en Afrique, ont soutenu les forces armées maliennes par des formations et des livraisons de matériel militaire, incluant des drones. Toutefois, avec le retrait des forces occidentales, la Russie et la Chine ont accru leur présence en Afrique, particulièrement au Sahel. Moscou, en particulier, fournit des armes et des instructeurs aux forces maliennes, tout en soutenant des groupes armés comme Wagner, renforçant ainsi son influence dans la région. L'arrivée récente de militaires en provenance d’Ukraine rappelle aussi que le conflit russo-ukrainien s’étend bien au-delà de ses frontières.
Des enjeux multiples pour les puissances étrangères
La lutte contre le terrorisme, bien que toujours une préoccupation, n’est probablement plus la priorité absolue pour les puissances étrangères impliquées au Mali. L’Afrique, riche en ressources naturelles, attire ces grandes puissances, désireuses de sécuriser leur approvisionnement en matières premières et d'étendre leur influence économique. En outre, les interventions militaires servent de levier pour asseoir leur influence dans une région stratégique en pleine mutation.
L’attaque meurtrière de Tinzaouatène fait suite à un épisode de violence survenu en juin dans la même localité, où l'armée malienne et les mercenaires du groupe Wagner ont subi un revers face aux rebelles maliens. Dans ce climat de violence persistante, où interventions étrangères et rivalités internes se mêlent, les tensions s’aggravent, rendant la recherche de solutions pacifiques de plus en plus difficile.
Une guerre par procuration
La fourniture de drones par des pays tiers permet aux puissances étrangères de s’impliquer à distance, sans mettre en péril leurs citoyens ou soldats. Cependant, cette militarisation exacerbée par les interventions étrangères conduit à une perte de souveraineté pour le Mali. La dépendance accrue aux puissances étrangères fragilise les institutions maliennes et limite, en définitive, la capacité du pays à prendre des décisions souveraines.
Ainsi, les frappes de Tinzaouatène ne sont que le dernier exemple en date de cette guerre par procuration, où les drones, devenus des instruments de puissance, accentuent la souffrance des populations locales et complexifient davantage un conflit déjà tragique et profondément enraciné.