INFOGRAPHIE/Les plus grands barrages des pays du Maghreb
Pour assurer l'approvisionnement en eau de leurs populations et de leurs économies en développement, les pays du Maghreb ont lancé depuis les années 60 un vaste programme de construction de barrages.
La capacité cumulée de stockage d'eau des barrages du Maghreb est ainsi de 28 milliards de mètres cubes aujourd'hui. Cependant, le principe général de gestion de ces ouvrages étant la conservation de l’eau pour les usages essentiellement agricoles et domestiques, le corollaire en est une importante rétention de sédiments.
Comment évaluer la quantité de sédiments qui n'atteignent plus la mer depuis la construction des barrages ? Les flux de sédiments ne sont malheureusement peu ou pas du tout mesurés dans la plupart des pays.
Pour documenter les exportations historiques de sédiments par les rivières vers les zones côtières, des actions communes ont été lancées dans le cadre de SICMED et PALEOMEX, deux programmes de MISTRALS, pour étudier les carottes de sédiments échantillonnées dans les terrasses alluviales récentes des principaux cours d'eau des plaines deltaïques des plus grands fleuves du Maghreb.
Des études de granulométrie, de géochimie et de datation au Césium 137 ont été effectuées sur les carottes et comparées aux séries chronologiques des débits aux stations hydrologiques les plus proches.
Ces stations servent de référence pour marquer les évènements hydrologiques les plus importants qui apportent de grandes quantités de sédiments jusqu’au littoral, et ainsi participent à ce que l’on appelle leur « engraissement ».
Tous les résultats confirment que la construction des barrages a considérablement modifié la quantité et la qualité des sédiments libérés en aval des barrages jusqu'à la mer.
Dans le cas de la rivière Medjerda en Tunisie, plus de 50% des sédiments sont retenus dans les lacs de barrages et n'atteignent plus la mer. En proportion, ce sont surtout les sables qui restent piégés dans les réservoirs, car ils sont plus lourds.
Ainsi, on ne les retrouve plus dans les carottes de sédiments prélevées en aval des barrages depuis plusieurs décennies. Le littoral du golfe de Tunis par exemple ne reçoit plus de sable du continent depuis près de 40 ans !
L’érosion côtière, déjà en marche du fait de l’augmentation du niveau marin, se voit donc accélérée par les barrages : elle peut atteindre des taux de recul de -20 m ± 0.15 m/an et réduit la largeur des plages, et se voit nettement sur les images satellitaires en comparant les dates 1936-1974-1988-1999 et 2016.
Ce phénomène modifie également le bilan écohydrologique des zones côtières et a nécessairement des impacts sur les activités socio-économiques. Confirmant l’ampleur régionale du phénomène, des résultats similaires ont été récemment obtenus pour les grands fleuves d'Algérie et du Maroc.
Ainsi, le choix de gestion à long terme de la ressource en eau par le stockage des eaux de ruissellement de surface dans des réservoirs s’avère avoir des conséquences environnementales graves.
Si la disponibilité en eau est indispensable pour le développement socio-économique, une solution doit être trouvée de toute urgence pour libérer des sédiments vers la mer, afin de ralentir l’érosion côtière et maintenir la biodiversité littorale.