Leurs enfants après eux : Une adaptation cinématographique qui s'éloigne de l'essence du roman
L’adaptation cinématographique d’un roman est toujours un exercice délicat, particulièrement lorsque celui-ci est couronné par un Prix Goncourt, comme c’est le cas pour Leurs enfants après eux de Nicolas Mathieu.
Ce magnifique portrait de l’adolescence, du déterminisme social et des inégalités en milieu rural, a fait l’objet d’une transposition sur grand écran réalisée par les jumeaux Ludovic et Zoran Boukherma.
Mais si le film respecte la structure du livre en quatre chapitres, il semble, par bien des aspects, s’éloigner de la profondeur et de la gravité de l’œuvre originale.
Une vision édulcorée de l’adolescence
Le film se déroule dans l’été de 1992, dans une région de l’Est de la France marquée par la désindustrialisation. Anthony, un adolescent de 14 ans, traîne sa mélancolie avec son cousin et tombe sous le charme de Stéph’, une jeune bourgeoise à l’allure soignée.
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La rencontre entre ces deux mondes – celui des jeunes de la classe populaire et celui des privilégiés – est un thème central du roman.
Cependant, les réalisateurs choisissent de privilégier l’histoire d’amour naissante entre Anthony et Stéph’, en mettant de côté la dimension sociale plus rude du livre. Cette approche tend à édulcorer la dureté du contexte social qui faisait la force du roman de Nicolas Mathieu.
L'esthétisation d'un monde en déclin
Les Boukherma ne font pas l’impasse sur la réalité d’un monde ouvrier en déclin, mais ils choisissent de la sublimer.
Les scènes montrant les hauts fourneaux rouillés ou les pavillons de banlieue sont souvent trop esthétisées, accentuant l’aspect visuel au détriment de la profondeur sociale et psychologique.
Si cette approche peut plaire à certains, elle manque néanmoins de l’acidité et de la brutalité du roman qui, lui, dépeint sans fard la misère de ses personnages.
Le film n’oublie pas l’ennui de l’adolescence
Malgré ces choix esthétiques et narratifs, l’adaptation réussit à capter l’essence de l’adolescence et de l’ennui qui la caractérise.
Les errances d’Anthony, ses doutes et ses hésitations, sont transcrits avec justesse, offrant ainsi une résonance avec la jeunesse d’aujourd’hui. Le casting est également à la hauteur, avec un Paul Kircher remarquable dans le rôle d’Anthony.
À 22 ans, l’acteur incarne de manière émotive ce jeune homme perdu entre ses rêves et sa réalité sociale. Bien que moins charismatique que dans *Le Règne animal* de Thomas Cailley, sa prestation lui a valu le prix du meilleur espoir à la Mostra de Venise.
Des performances convaincantes
L’une des grandes réussites du film reste sans doute son casting.
Ludivine Sagnier, dans le rôle de la mère d’Anthony, et Sayyid El Alami, en Hacine, l’ami d’origine immigrée, apportent une authenticité indéniable.
Gilles Lellouche, quant à lui, incarne avec subtilité le père alcoolique et incompréhensible d’Anthony, offrant une performance particulièrement émouvante.
Conclusion
En définitive, si *Leurs enfants après eux* parvient à restituer une partie de l’ambiance du roman, il s’en éloigne dans sa manière de traiter les inégalités sociales et la violence du monde dans lequel évoluent ses personnages.
L’adaptation s’avère plus douce, plus lissée, mais elle n’en reste pas moins un portrait sensible de l’adolescence et de ses contradictions. Les fans du roman risquent d’être partiellement déçus, mais les spectateurs à la recherche d’une belle histoire d’amour et de personnages attachants apprécieront le film pour ce qu’il est.