Libye : vers un tournant décisif ou une impasse prolongée ? Explications!
Une escalade militaire et une division politique marquent l'actualité libyenne. Ces nouveaux développements pourraient dessiner les contours d'un avenir tant attendu pour la Libye, après plus d'une décennie de crise.
Des "concentrations militaires" aux "querelles politiques", en passant par des signes de division, les récents événements en Libye suscitent des interrogations : annoncent-ils une nouvelle ère de résolution ou prédisent-ils une aggravation des difficultés dans un pays qui n'a pas connu de répit depuis plus de dix ans ?
Que s'est-il donc passé en Libye ces dernières semaines ?
Il y a quelques heures, lors de sa session officielle mardi, le parlement libyen a voté à l'unanimité pour mettre fin au mandat de l'exécutif (gouvernement d'unité nationale et conseil présidentiel), considérant le gouvernement d'Oussama Hamad comme le gouvernement légitime jusqu'à la formation d'un gouvernement unifié.
Le parlement avait accordé sa confiance au gouvernement d'Oussama Hamad en mai dernier, mais celui-ci n'a pas pu exercer ses fonctions sur l'ensemble du territoire libyen, en raison du refus du gouvernement d'unité dirigé par Abdulhamid Dbeibah de céder le pouvoir, sauf à un gouvernement issu d'un parlement élu.
Le parlement a également déclaré que le commandant en chef des forces armées est le président de la Chambre des représentants, conformément à la déclaration constitutionnelle et à la décision de la Chambre, ce qui signifie retirer cette fonction au conseil présidentiel libyen instauré par l'accord de Genève.
Le parlement s'est appuyé sur la déclaration constitutionnelle de 2011, plutôt que sur l'accord de Genève, qui stipulait que le Conseil national de transition était la plus haute autorité du pays. Ce dernier a été remplacé par le Congrès national général, qui a transféré ses pouvoirs au parlement libyen élu en 2014.
Cette décision a provoqué la colère du gouvernement Dbeibah et du conseil présidentiel. Dbeibah a qualifié la décision du parlement de "positions émises par une partie politique cherchant à prolonger indéfiniment ses avantages et ses salaires, et non par une autorité législative établissant le principe de la transition pacifique du pouvoir".
Alors que le Parlement s'est appuyé sur la Déclaration constitutionnelle, le gouvernement de Dbeibah a invoqué les conclusions de l'Accord politique libyen, qui prévoyait l'organisation d'élections présidentielles et législatives pour mettre fin à la phase de transition, tout en ignorant la durée stipulée par cet accord, qui était de 18 mois, atteinte en mai 2023.
Le porte-parole de la Chambre des représentants, Abdullah Blehaq, a souligné que l'accord de Genève avait conduit à la formation d'organes politiques (un Conseil présidentiel et un Gouvernement d'unité nationale) pour une durée de 18 mois.
Il a rappelé que la décision du Parlement d'accorder sa confiance au gouvernement de Dbeibah stipulait que la durée maximale de son mandat serait le 24 décembre de l'année suivante, après quoi des élections devaient se tenir immédiatement, ce qui n'a pas été fait.
Concernant la légalité de cette mesure, le membre de la Chambre des représentants libyenne, Mohamed Amer al-Abani, a déclaré sur Facebook que le Parlement n'avait rien décidé de nouveau lors de sa réunion d'hier, mais avait simplement réaffirmé ses compétences constitutionnelles conformément à la Déclaration constitutionnelle et à ses amendements, soulignant les points suivants :
- Le Parlement est compétent pour nommer le Premier ministre.
- Le mandat du Gouvernement d'unité nationale a expiré suite au retrait de la confiance.
- Le gouvernement de Fathi Bashagha (présidé par Oussama Hamad) est légitime depuis sa nomination et l'obtention de la confiance du Parlement.
- La Chambre des représentants est le commandant en chef des forces armées libyennes.
Cependant, le chercheur et analyste politique Mohamed Mahfouz a estimé que l'exclusion de l'accord de Genève de la Déclaration constitutionnelle constitue un recul du Parlement par rapport à son engagement.
Il se demande sur quelle base le Parlement a fixé les élections au 24 décembre si l'accord de Genève n'avait pas été inclus dans la Déclaration constitutionnelle, étant donné que ces dates étaient fondées sur cet accord.
Bien qu'il ait reconnu que le mandat du gouvernement de Dbeibah avait effectivement pris fin, il a aussi souligné que le mandat du gouvernement d'Oussama Hamad avait également expiré conformément à la douzième Déclaration constitutionnelle, ce qui signifie que la décision du Parlement relève plus de querelles politiques.
Division institutionnelle
Cette étape parlementaire, qui a suscité à la fois approbation et rejet, a été considérée par des observateurs comme un retour à la case départ, surtout qu'elle coïncide avec une division au sein du Conseil d'État suprême, suite aux élections récemment organisées par ce dernier.
Alors que al-Mishri, depuis le siège du Conseil d'État suprême, a déclaré qu'il assumait directement ses fonctions de président du Conseil, appelant Takala à recourir à la justice pour contester le résultat des élections à la présidence du Conseil, les récentes mesures ont suscité des inquiétudes quant à la poursuite de la fragmentation de cette institution.
Ces craintes semblent justifiées, car les deux hommes qui se considèrent présidents du Conseil ont publié des déclarations séparées, chacune signée par son auteur en tant que « président du Conseil d'État suprême », rejetant les mesures du Parlement concernant le retrait de la confiance au gouvernement de Dbeibah.
Mobilisations militaires
Cette division est survenue quelques jours après des mobilisations militaires dans la région du sud-ouest de la Libye, par l'armée libyenne et des forces affiliées au gouvernement de Dbeibah, suscitant des craintes de voir se répéter le scénario de 2019.
Cependant, l'armée libyenne a clarifié l'objectif de ses mouvements, déclarant qu'elle n'avait pas l'intention de cibler des objectifs internes en Libye, mais que les forces déplacées vers le sud-ouest faisaient partie d'un plan visant à renforcer leur présence dans les bases et lieux stratégiques pour contrer toute opération illégale à travers les frontières, compte tenu des tensions dans certains pays voisins.
Ces mouvements ont été suivis par d'autres de la part des forces affiliées au gouvernement d'unité nationale (dont le mandat a expiré), qui ont élevé leur niveau d'alerte dans le sud-ouest du pays, en préparation à une « attaque potentielle » de l'armée libyenne.
La force des opérations conjointes affiliée au gouvernement d'unité nationale (dont le mandat a expiré) a demandé à ses membres de se rendre immédiatement au siège de la force avec tout leur équipement, estimant que la situation était d'une grande importance.
Ces mobilisations de part et d'autre n'ont pas conduit à des affrontements, mais la capitale libyenne a été le théâtre de combats vendredi dernier, avec des incidents qui se sont brièvement poursuivis samedi dans la banlieue de Tajoura, à environ vingt kilomètres à l'est de Tripoli. Ces affrontements ont causé la mort de neuf personnes et blessé des dizaines d'autres, selon un communiqué des services ambulanciers de la ville.
Conflits rapidement résolus grâce à une médiation
Des conflits récemment apparus ont été rapidement résolus grâce à une médiation ayant conduit à un accord pour y mettre fin. Selon une source gouvernementale, une force militaire affiliée à l'état-major et au ministère de la Défense est intervenue pour mettre fin aux affrontements, et les deux parties au conflit ont accepté cette médiation.
L'économie n'est pas en reste
La situation tendue s'est étendue au domaine économique, avec des batailles internes à la Banque centrale libyenne. L'objectif était de "remplacer le gouverneur Sadiq Al-Kabir par la force", selon un communiqué publié par la Banque centrale.
Les États-Unis sont intervenus, avertissant par leur ambassadeur en Libye, Richard Norland, contre toute tentative de remplacement du gouverneur par "la force", réaffirmant leur soutien total à la Banque centrale libyenne face à ces menaces et à la préservation de sa stabilité.
Bien que l'ambassade des États-Unis en Libye n'ait pas révélé la nature des menaces, des activistes libyens ont rapporté que le président du Conseil présidentiel libyen, Mohamed Al-Menfi, envisageait de destituer le gouverneur en s'appuyant sur des forces militaires, sous la pression du Premier ministre du Gouvernement d'unité nationale, Abdelhamid Dbeibah.
Ces informations se fondent sur la relation tendue entre Dbeibah et Sadiq Al-Kabir depuis février dernier, mettant fin à des années d'entente en raison de la crise économique en Libye.
Ces crises simultanées risquent de ramener la situation en Libye à la case départ, mettant fin à l'harmonie entre certains corps politiques, mais elles pourraient aussi ouvrir la voie à des solutions pour le pays.
Qui frappera les tambours du lendemain en Libye ?
L'analyste politique libyen Ayoub Al-Awajali a prédit que la Libye connaîtra une période de conflit politique jusqu'à ce que les