Loi immigration : ce que l'on sait des décrets publiés par le gouvernement avant sa démission
À quelques heures de la démission du Premier ministre Gabriel Attal et de son gouvernement, l’exécutif a publié au Journal officiel une flopée de décrets sur la mise en œuvre de la loi immigration.
Promulgué il y a près de six mois, ce texte, destiné à « contrôler l’immigration, et améliorer l’intégration », reste l’un des plus polémiques du second quinquennat d’Emmanuel Macron.
Il a fait l’objet d’une âpre bataille parlementaire entre la gauche et le camp présidentiel, qui a tenté de négocier le soutien des Républicains, au moins sur le volet restrictif de la loi.
Traditionnellement, un gouvernement démissionnaire ne s’occupe plus que des « affaires courantes » et du pilotage des situations d’urgence. Il ne présente plus de projet de loi.
Cette ultime accélération de l’exécutif semble trahir la volonté de sécuriser les réformes adoptées, ou du moins de compliquer la tâche de la future majorité.
Le Nouveau Front populaire, arrivé en tête des législatives anticipées mais toujours incapable de s’entendre sur le nom d’un éventuel Premier ministre, porte dans son programme l’abrogation de cette loi.
L’entrée en vigueur du contrat pour « respecter les principes de la République »
Parmi les publications enregistrées au Journal officiel ce mardi 16 juillet, un décret relatif à l’application de l’article 46, selon lequel tout étranger qui demande un titre de séjour en France devra s’engager par la signature d’un contrat « à respecter les principes de la République ».
Ce dispositif a été introduit par la droite sénatoriale, et a fait l’objet de vifs débats sur la caractérisation même de ces principes. Le législateur a finalement retenu une liste déjà élaborée par le Conseil d’Etat : la liberté personnelle, la liberté d’expression et de conscience, l’égalité entre les femmes et les hommes, la dignité de la personne humaine, la devise et les symboles de la République, et la laïcité.
« L’étranger peut se voir refuser le renouvellement de son document, ou se le voir retirer en cas de manquement caractérisé (grave et éventuellement, réitéré) à l’un de ces principes », précise le décret.
Un autre décret confirme le passage de 30 à 15 jours du délai d’exécution d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) après son édiction. Cette mesure fait partie des dispositifs de durcissement largement dénoncés par la gauche et les associations de défense des étrangers sans papiers.
Sont également entrés en application l’amende administrative qui sanctionne les employeurs qui ont recours à des ressortissants étrangers non autorisés à travailler, et le renforcement du régime de l’assignation à résidence pour les étrangers en voie d’expulsion, avec l’augmentation du nombre maximum de pointages quotidiens aux services de police ou de gendarmerie.
D’autres décrets viennent détailler les modalités de simplification des règles du contentieux des étrangers, avec la suppression de divers recours, ou bien acter la décentralisation de la Cour nationale du droit d’asile, à travers plusieurs chambres territoriales.
Un parcours législatif chaotique
La loi immigration a été adoptée par le Parlement le 19 décembre 2023, et promulguée par le président de la République le 26 janvier 2024.
Le projet de loi, sorti largement durci de son examen par le Sénat, a été au cœur de nombreuses tractations entre le camp présidentiel et la droite, l’exécutif espérant obtenir le vote des députés LR pour éviter d’avoir à dégainer un 49.3 sur ce texte.
Au point de reculer sur ses ambitions premières, à savoir la création d’un droit automatique à la régularisation des travailleurs sans papiers dans les secteurs en tension.
Moins d’un an après l’adoption au forceps de la réforme des retraites, les oppositions de gauche ont fait de cette réforme un nouveau symbole de la droitisation du quinquennat d’Emmanuel Macron.