Commission mixte Algérie-France: Paris cherche à recoller les morceaux
Quinze mois après l'annonce de sa création en août 2022, lors de la visite présidentielle d'Emmanuel Macron en Algérie, la commission mixte d’historiens algéro-français a entamé officiellement ses travaux le 21 novembre.
« Nous avons un passé commun, il est complexe, douloureux et il a pu parfois comme empêcher de regarder l’avenir », estimait Emmanuel Macron, appelant à le « regarder en face avec beaucoup d’humilité ». « Le passé nous ne l’avons pas choisi, nous en héritons, c’est un bloc, il faut le regarder, le reconnaître, mais nous avons une responsabilité, c’est de construire notre avenir pour nous-mêmes et nos jeunesses », a-t-il précisé après son arrivée à Alger jeudi 25 août, dans une déclaration faite aux côtés de son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune.
La genèse de cette commission remonte au rapport Benjamin Stora, remis en janvier 2021 au président français. Ce rapport, axé sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d'Algérie, a été à la fois salué et critiqué pour sa tentative de concilier les mémoires douloureuses des deux parties.
Aujourd’hui, le lancement des travaux de la commission à Constantine, dans l'est de l'Algérie, rassemble dix historiens qui se pencheront sur les questions cruciales de la colonisation et de la guerre d'Algérie. C'est la première fois que ces experts se réunissent en un même lieu pour étudier ces thèmes délicats.
Cette commission intervient dans un contexte politique où les relations franco-algériennes sont souvent marquées par des tensions historiques. C’est d’ailleurs à la lumière de ce contexte qu’il faut analyser cette commission mixte, estime Yahia Zoubir, géopolitologue algérien et professeur d’université en France.
Pour lui, si le gouvernement Macron accepte d’entreprendre de tels travaux, c’est aussi pour recoller les morceaux avec le partenaire algérien.
En septembre 2021 lors d’un déjeuner au palais de l’Élysée auquel participaient 18 jeunes gens invités à débattre «de la question mémorielle liée à la guerre d’Algérie», le Président Macron avait dénoncé le «système politico-militaire» algérien et déclaré que la «nation algérienne post-1962 s’est construite sur une rente mémorielle (…) un discours qui, il faut bien le dire, repose sur une haine de la France.»
Le chef d’Etat français s’était également interrogé sur le fait qu’il y ait une nation algérienne avant la colonisation française. «C’est ça la question», affirmait-t-il.
C’est donc la France qui œuvre pour apaiser ces tensions. Et selon Yahia Zoubir, si le gouvernement français engage ce processus d’apaisement via l’ouverture des archives, c’est parce qu’il s’est «rendu compte de son erreur.» Non pas vis-à-vis du gouvernement, mais du peuple algérien.
«Selon moi, ces pas français vers ne sont pas une réponse au courroux du gouvernement algérien après les commentaires sur le régime «politico-militaire». C’est une réponse aux commentaires sur le fait qu’il n’y avait pas de nation algérienne avant la colonisation», explique le chercheur.
Les autorités françaises et algériennes ont émis des déclarations officielles soulignant l'importance de cette commission en tant que forum de dialogue et d'analyse critique des événements passés.
Algérie-France : première réunion de la commission mixte d’historiens le 21 novembre
Les déclarations des responsables des deux côtés de la Méditerranée mettent en lumière l'importance de cette commission mixte. Néanmoins, l'efficacité de cette démarche demeure sujette à des attentes élevées et à des enjeux complexes qui ont marqué l'histoire commune des deux nations.
L'ouverture des archives françaises sur l'Algérie constitue une démarche visant à accéder à des documents historiques longtemps restés confidentiels, offrant ainsi une opportunité d'approfondir la compréhension des événements liés à la colonisation et à la guerre d'Algérie. Cette initiative s'inscrit dans une volonté de transparence et de réconciliation entre la France et l'Algérie.
Les archives pourraient contenir des documents officiels émanant des autorités françaises de l'époque, tels que des correspondances, des rapports gouvernementaux, des décrets et des notes diplomatiques. Ces documents pourraient révéler les positions officielles, les politiques adoptées et les décisions prises pendant la période coloniale et la guerre d'indépendance. Elles pourraient également inclure des correspondances personnelles entre des fonctionnaires, des militaires, et d'autres acteurs impliqués dans les événements en Algérie. Ces échanges pourraient fournir des perspectives individuelles sur les attitudes, les motivations et les controverses de l'époque.
Des rapports militaires et de renseignement détaillés pourraient être consultés, offrant une vision plus approfondie des opérations militaires, des stratégies déployées et des situations sur le terrain. Cela pourrait contribuer à éclairer les aspects tactiques de la guerre d'Algérie. Les archives pourraient également receler des témoignages de civils, de soldats, et d'autres personnes directement impliquées dans les événements. Ces témoignages pourraient apporter une perspective humaine et sociale sur les conséquences de la colonisation et de la guerre.
Outre les documents écrits, les archives pourraient inclure des photographies, des cartes et d'autres éléments visuels qui complètent et contextualisent l'histoire de cette époque.
L'accès à ces archives offre la possibilité d'une réévaluation historique plus nuancée et complète, tout en favorisant la reconnaissance des souffrances et des injustices liées à cette période. Cependant, l'ouverture des archives peut également susciter des débats sur la manière dont l'histoire est interprétée et commémorée, et elle peut être un défi à surmonter dans le processus de réconciliation et de construction d'une mémoire partagée.