Souveraineté et diplomatie : l’accord tacite entre Ouattara et Macron
La décision récemment annoncée par le président ivoirien, Alassane Ouattara, suscite diverses interprétations.
Selon Seidik Abba, analyste et président du Centre international de réflexion et d’études sur le Sahel, cette décision résulterait de deux facteurs principaux : internes et externes.
"Il existe des considérations de politique intérieure, car la Côte d'Ivoire se rapproche de l’élection présidentielle de 2025, dans un contexte marqué par de nombreuses incertitudes. Par ailleurs, un courant souverainiste se renforce actuellement dans la sous-région.
Les autorités ivoiriennes semblent avoir voulu anticiper ce mouvement en affirmant leur soutien à cette revendication souverainiste à travers cette annonce."
Une décision prise en concertation
D’autres analystes estiment que la solennité de l’annonce faite par Alassane Ouattara suggère que la décision a été prise d’un commun accord avec la France. Seidik Abba souligne que, après les récentes expériences de la France au Sénégal et au Tchad, Paris a cherché à éviter toute surprise :
"Le fait que cette question ait été abordée en amont profite à la fois à la France et à la Côte d'Ivoire. Cela permet à chaque partie de préserver ses apparences tout en montrant que la Côte d'Ivoire s’inscrit dans cette dynamique souverainiste observée dans la région."
Le mois dernier, le Sénégal et le Tchad avaient demandé, à quelques heures d’intervalle, le départ des militaires français de leur territoire et officialisé une réorganisation de leur présence. Cette rapidité a surpris la France, selon Alex Vines, directeur du programme Afrique à Chatham House :
"La France a été prise de court par la rapidité de son retrait du Tchad. Elle prévoyait un retrait progressif et espérait maintenir une présence réduite. Mais désormais, Paris doit accélérer ses plans."
La France ne part pas totalement
Certainement, afin d'éviter une surprise similaire dans le futur, Paris aurait conclu cet arrangement avec Abidjan, estime l’analyste politique Seidik Aba. Toutefois, il souligne que, dans le cas ivoirien, il ne s’agit pas d’une dénonciation des accords de défense, comme cela a été le cas dans les pays du Sahel et au Tchad, mais plutôt d’une rétrocession :
"La coopération militaire entre la France et la Côte d’Ivoire va se poursuivre. Il y aura toujours des coopérants militaires français dans le pays, notamment pour des échanges et des formations. La rétrocession ne met pas fin à cette collaboration, car il ne s’agit pas d’une rupture de l’accord."
La Côte d’Ivoire reste un allié stratégique de la France en Afrique de l’Ouest. Jusqu’à présent, environ 1 000 soldats étaient déployés au 43e BIMA, jouant un rôle crucial dans la lutte contre les jihadistes qui sévissent au Sahel et dans le nord des pays du golfe de Guinée.