Marcel Tisserand : « Ronaldo est un joueur emblématique qui va aider la Saudi Pro League »
Le nouveau challenge de Cristiano Ronaldo en Arabie Saoudite ne cesse de faire parler de lui.
L’international portugais d’Al Nassr a croisé la route d’Al Ettifaq et de Marcel Tisserand, défenseur central de l’écurie saoudienne.
Lors de son entretien accordé à Foot Mercato, le défenseur central d’Al Ettifaq Marcel Tisserand raconte comment il a vécu sa rencontre particulière avec Cristiano mais également le transfert de la superstar portugaise. Entretien.
Marcel Tisserand : j’ai fait mes débuts en professionnels avec Monaco et ça reste un très bon souvenir. Je suis passé par Lens et Toulouse par la suite. Ça a été deux prêts et deux très bonnes expériences. Je voulais du temps de jeu. Quand j’ai commencé à Monaco à 18 ans, c’était un club qui commençait à revenir sur le devant de la scène en recrutant des joueurs comme Falcao, James Rodriguez ou Eric Abidal. Ce n’était pas forcément évident pour moi de me créer un chemin. Donc ces deux prêts-là m’ont fait beaucoup de bien.
FM : par la suite, votre carrière vous a mené à Ingolstadt et Wolfsbourg en Allemagne. Quel bilan tirez-vous de votre passage là-bas ?
MT : ça a été une très bonne expérience l’Allemagne. Avant même d’y aller, j’aimais déjà beaucoup le championnat par rapport à la vitesse, à son côté rigoureux aussi dans les idées de jeu. Il y a beaucoup de Français qui étaient passés par là-bas aussi par le passé. Je souhaitais évoluer dans un championnat attractif comme la Bundesliga. Je suis arrivé Ingolstadt, qui a été mon premier club là-bas. C’était un petit club qui venait de monter en première division et qui m’a donné l’opportunité d’enchaîner après plusieurs prêts en France. J’ai pu m’installer au poste de défenseur central. C’était un peu nouveau pour moi à l’époque car j’avais été formé au poste de latéral droit. Ça m’a fait beaucoup de bien d’arriver en Allemagne. J’ai découvert une nouvelle culture et j’ai appris pas mal de choses. C’était top, je n’en garde que de bons souvenirs.
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FM : l’ambiance est-elle meilleure qu’en Turquie, où vous avez porté les couleurs de Fenerbahçe ?
MT : ça va dépendre des stades. Quand vous allez jouer à Dortmund, à Cologne ou Fribourg, qui ont des stades à taille humaine mais qui sont toujours pleins, l’ambiance n’est pas mal non plus. Mais c’est vrai que c’est incomparable avec la Turquie où les supporters sont déchaînés. Les derbies que j’ai pu vivre ici, que ce soit face à Besiktas ou Galatasaray, étaient incroyables. Je n’ai jamais vécu ça, sauf peut-être avec la sélection du Congo. Quand on joue à domicile, c’est aussi bien animé. Je n’ai pas joué en Angleterre ou ailleurs, mais pour le moment dans ce que j’ai vécu dans le football, c’est la Turquie qui m’a le plus marqué.
FM : vous venez de dire que vous n’avez pas joué en Premier League ou dans d’autres championnats en Europe. Est-ce un regret de votre part ?
MT : le football est un long voyage. On ne sait jamais trop où on est amené à aller. J’espère pouvoir jouer encore quelques années. Il pourrait y avoir d’autres opportunités, peut-être, afin d’évoluer dans ces championnats-là par la suite. On verra. En tout cas, aujourd’hui je suis content car j’ai pu découvrir plusieurs championnats et différentes cultures. Je me sens chanceux et reconnaissant.
FM : on sent que cela vous a permis d’évoluer en tant que footballeur et homme.
MT : oui, absolument. On vit différemment en Allemagne et en Turquie par exemple. Ce n’est pas du tout le même style de vie et la même culture. Forcément, j’apprends. J’ai eu la chance d’apprendre des langues comme l’allemand. C’est enrichissant. Aujourd’hui, je suis heureux d’avoir pu voyager comme ça.
FM : cet été, vous avez justement voyagé pour passer de la Turquie à l’Arabie Saoudite, où vous avez signé à Al Ettifaq. On pense souvent, peut-être à tort, que ce sont les joueurs en fin de carrière qui vont là-bas. Mais vous avez 30 ans et vous êtes encore jeune. Pourquoi ce choix ?
MT : c’était le club qui me voulait le plus à ce moment-là. Dans tous les clubs où je suis passé, j’ai toujours été là où on me voulait le plus. Le coach me voulait ici. Il y avait des sollicitations d’autres clubs mais je ne sentais pas un intérêt aussi fort que celui d’Al Ettifaq et du coach Patrice Carteron. Sa présence a beaucoup pesé dans la balance. J’ai vraiment senti leur envie de me faire venir et de m’inclure dans leur projet car ce qu’il faut savoir c’est que l’Arabie Saoudite est vraiment en train de se développer. Récemment, on a pu les voir à la Coupe du Monde lors de leur belle performance face à l’Argentine. On voit aussi l’arrivée intéressante de Cristiano Ronaldo. On voit que le pays a envie de s’émanciper et de s’ouvrir un peu plus au monde comme l’ont fait le Qatar et Dubai. Donc ils ont envie de prendre exemple sur eux. Je pense arriver au bon moment. Le moment où le pays commence à avoir les yeux tournés vers le monde. Je suis content d’être arrivé là. Après comme je vous ai dit, le football est un long voyage et on ne sait jamais où on va être amené à être d’une saison à l’autre. Je suis bien où je suis aujourd’hui. Je découvre une nouvelle expérience et je passe de bons moments avec cette équipe-là. Je continue à grandir et à apprendre des choses.
FM : au moment de faire votre choix, avez-vous eu des touches en France ou ailleurs en Europe ?
MT : oui, il y avait des possibilités en France et en Allemagne notamment. J’en avais un petit peu aussi en Turquie. Mais je fonctionne au feeling et à l’humain. Quand le coach m’appelle personnellement et me dit très clairement ce qu’il compte faire de moi, ça compte beaucoup. Après je ne vais pas vous mentir il y a aussi eu une proposition qui était alléchante et intéressante pour la suite de ma carrière. Je pense au présent et je pense aussi au futur. Tous ces détails sont entrés en compte au moment du transfert de l’été dernier.
FM : la Saudi Pro League est un championnat qu’on connait peu en Europe. Que pouvez-vous nous en dire ?
MT : pour être franc, c’est un championnat qui, je trouve, manque un peu d’intensité. Mais j’ai pu voir qu’il y a quelques joueurs de talents quand même, que ce soit les Saoudiens ou les étrangers qui viennent jouer là-bas. Il faut savoir que les clubs peuvent compter sur sept joueurs étrangers par équipe. À partir de la saison prochaine, il y en aura huit. Chaque année, je pense qu’il y aura des joueurs étrangers qui vont venir là-bas. Ça permettra aussi de donner une meilleure visibilité au championnat tout en augmentant le niveau de la ligue. Comme on peut le voir, l’arrivée de Cristiano Ronaldo a donné un peu de peps au championnat et au pays. Il y a pas mal de chaines de télévision qui ont racheté les droits du championnat. Tout cela montre un autre visage de l’Arabie Saoudite.
FM : on parle beaucoup plus du pays depuis l’arrivée de Cristiano Ronaldo il y a pratiquement un mois. Comment avez-vous vécu son transfert ? Y avez-vous cru ?
MT : maintenant, on voit dans le football que tout est possible. Ce n’était pas le budget qui allait empêcher Al Nassr de le faire venir. Mais plus ses ambitions à lui. Ce qu’il était prêt à faire, ce qu’il voulait pour la suite de sa carrière. Franchement, j’y croyais. Je me suis dit : "pourquoi pas ? Il pourrait finir sa carrière ici ou continuer son chemin ici". L’arrivée de Cristiano Ronaldo a mis un coup de boost au championnat. Tout le monde en a parlé. On a eu l’opportunité de l’affronter pour son premier match officiel. C’était une belle opportunité et une belle affiche pour nous. C’est top. J’espère qu’il y en aura encore beaucoup d’autres qui viendront ici.
Cristiano Ronaldo, un joueur qui va aider la Saudi Pro League
FM : vous qui l’avez affronté, comment avez-vous trouvé CR7 lors de son premier match ? A-t-il de bons restes ou est-il terminé comme certains le disent ?
MT : de ce que j’ai pu voir, il est encore en forme. Il est encore affûté. On voit qu’il prend bien soin de lui. Après c’est sûr qu’il n’a plus ses jambes de 20 ans. On ne va pas lui demander de dribbler cinq joueurs comme il aurait pu le faire il y a quelques années, finir tout seul. On voit que maintenant il a un peu plus besoin de ses coéquipiers. Il joue beaucoup plus avec sa tête, fait plus attention à ses déplacements, à son sens du timing. Il évolue avec son temps. Je pense qu’il va s’adapter assez rapidement à ce championnat.
FM : d’autres très grands noms, à l’image de Lionel Messi ou Sergio Ramos, pourraient arriver dans les prochaines années. Est-ce que ça fait rêver ?
MT : ça me conforte dans mon choix d’être venu là. Je ne suis pas allé n’importe où. Je vois plein de bons joueurs qui sont sollicités pour venir ici. Ça reste encore des rumeurs, on va voir si cela est faisable. Quand on voit que Cristiano Ronaldo est venu ici, ça ouvre des possibilités. C’est très bien pour le championnat et pour nous en tant que joueur. On a envie de jouer contre ces joueurs-là. Ce n’est que du positif donc j’espère que d’autres grands noms vont nous rejoindre ici.
FM : on parle beaucoup de CR7, qui est le plus connu, mais d’autres noms connus de la planète football sont aussi passés par ici ou y sont encore.
MT : ce n’est pas le premier à venir. Mon ami Bafé Gomis était là aussi il y a quelques années. Pas mal de joueurs connus sont venus ici. Mais c’est sûr que Cristiano Ronaldo est un joueur emblématique donc ça fait plus de bruit. La vision du pays a beaucoup évolué. Ils ont envie d’organiser des tournois et des événements. Ils souhaitent aussi moderniser leurs stades, d’ailleurs notre club est en train de construire un nouveau stade qui sera livré très bientôt. On voit qu’ils sont en train de s’impliquer dans le sport. Leurs performances lors du dernier Mondial ont montré qu’on pouvait compter sur eux dans le sérieux et l’organisation. C’est intéressant. Comme Hervé Renard a pu le dire, il y a du potentiel et quelque chose à faire ici.
FM : je reviens à vous, comment se passe votre saison individuellement et collectivement ?
MT : ce n’est pas trop mal individuellement. Collectivement, je pense qu’on peut encore mieux faire. On est dixième. Je pense qu’en étant plus rigoureux et impliqué sur les matches à notre portée, on pourra remonter au classement. Mais personnellement, je me sens plutôt bien physiquement. Le coach est français donc au niveau de l’intégration ça m’a beaucoup aidé en arrivant ici. Ma famille m’a rejoint ici. Du coup, tout se passe bien pour le moment durant ces premiers mois. J’espère que ça va continuer ainsi.
FM : quels sont vos objectifs dans ce championnat où les deux grosses cylindrées, Al Nassr et Al Hilal, dominent souvent les débats ?
MT : j’ai toujours les mêmes objectifs. Quand j’arrive quelque part, j’ai envie d’être parmi les meilleurs. Si demain, j’ai l’opportunité d’être dans les meilleurs clubs du pays, je ne vais pas me gêner. C’était un peu la même mentalité que j’avais quand j’ai commencé en pros, puis en Allemagne à Ingolstadt. Je me suis dit qu’il fallait viser un club au-dessus qui joue la Coupe d’Europe. C’est ce qui est arrivé. Je reste toujours attentif et on verra les opportunités qui seront réalisables en fin de saison ou celle d’après. Mais c’est sûr qu’il y a de bons clubs dans ce championnat, Al Nassr, Al Hilal, Al Shabab. Donc on verra ce qui s’offrira à moi.
FM : quelles sont vos ambitions en sélection cette année 2023 ?
MT : on est dans une période de reconstruction. Il y a des élections qui ne vont pas tarder à arriver au niveau de la fédération. Le nouveau coach est arrivé très récemment, il est en train de prendre ses marques. Malheureusement, le CHAN ne s’est pas très bien passé pour nos joueurs locaux. On est en pleine reconstruction. Je reste attentif et je suis de loin ce qui peut se passer car ça fait longtemps qu’on ne s’est pas retrouvé avec les coéquipiers. J’espère que le football congolais va évoluer de manière un peu plus positive dans les prochains mois et les prochaines années.
Source : Foot Mercato