#Metoo: L’actrice Sarah Grappin accuse le cinéaste Alain Corneau de violences sexuelles
Leurs voix s’entremêlent et se portent, percutent le silence pesant dans lequel elles ont été enfermées.
Inspirée par le témoignage de la comédienne Judith Godrèche contre les cinéastes Benoît Jacquot mais aussi Jacques Doillon, contre qui une plainte a été déposée pour viol, Sarah Grappin a décidé de récupérer cette parole qu’on lui avait, des décennies durant, subtilisée.
C’est dans les pages de l’Obs que l’actrice a dévoilé, ce mardi, sa relation sous emprise avec le réalisateur Alain Corneau alors qu’elle n’était, tout comme Judith Godrèche, encore qu’une adolescente. Si le témoignage de sa consœur a produit le dernier déclic, la lecture du Consentement de Vanessa Springora aura aussi préparé Sarah Grappin à cette possibilité d’accuser publiquement le réalisateur, décédé en 2010, de viols et agression sexuelle.
Elle rencontre le cinéaste en 1994, sur le plateau du tournage du film Le Nouveau Monde. Elle a 15 ans, lui 52. En fin de tournage, Alain Corneau, qui a remporté le césar du meilleur film avec Tous les matins du monde deux ans plus tôt, l’aurait attirée dans un coin et demandé : «Est-ce que tu veux m’embrasser ?» Une question «rhétorique tant il domine l’instant par son âge et son statut», remarque l’hebdomadaire dans son enquête.
S’amorce une relation sous emprise, auprès du magazine elle se souvient d’une «ambivalence», celle d’une adolescente émerveillée d’«être l’élue de l’homme le plus cultivé du monde» tout autant que dégoûtée par ses contacts physiques qu’elle ne souhaite pas. «Moi, je veux juste son regard sur moi», confie celle qui était aussi victime d’inceste en notant avoir dans ces moments-là «l’impression d’être une adulte».
«Tu n’es pas la seule à vivre ça»
Le cinéaste lance même à Sarah Grappin : «Tu n’es pas la seule à vivre ça, c’est arrivé à Judith Godrèche.» Il lui donne rendez-vous dans des cafés, l’embrasse dans la rue, l’emmène au restaurant, la fait monter dans sa voiture et l’invite même à venir chez lui, parfois en présence de sa compagne Nadine Trintignant. Alain Corneau lui aurait imposé par trois fois des pénétrations digitales non consenties, soit des faits pénalement qualifiés de viols.
Cette relation d’emprise dure un an et demi. «Très longtemps, j’ai été au-delà d’enjoliver, je me suis raconté une grande histoire d’amour pour survivre. Le travail des dernières années a été de sortir du déni», retrace l’actrice. Des années nécessaires pour arriver également à qualifier les violences subies : «A propos de Corneau, je ne parle de viol digital que depuis que j’ai lu Vanessa Springora.»