Nouvelle-Calédonie : le nickel impacté par la crise? Explications
Longtemps florissant, le secteur accuse des pertes records avec la plongée des prix sur les marchés mondiaux.
Un facteur de mécontentement pour les Calédoniens, dont 25 % travaillent dans cette branche, rapporte Libération.
Pilier de l’économie néo-calédonienne, le secteur de l’extraction du nickel est au cœur de la crise qui secoue le territoire, sur fond de fortes tensions identitaires liées à la question de l’indépendance.
Le «Pacte nickel», un plan de sauvetage de la filière calédonienne de 200 millions d’euros présenté par le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, fin mars, a provoqué l’inquiétude des élus calédoniens, notamment sur l’effort financier demandé aux collectivités et la demande d’assouplissement de restrictions concernant l’exportation de minerai de nickel brut.
Dans une analyse écrite citée par le Monde fin avril, Ronald Frère, fondateur du parti indépendantiste Souveraineté calédonienne, l’avait même qualifié de «pacte colonial de reprise en main de la maîtrise des matières premières de la Nouvelle-Calédonie». En signe d’opposition, des collectifs d’habitants ont bloqué plusieurs sites miniers.
Aciers inoxydables et batteries
Découvert en 1864 par un ingénieur des mines en mission dans l’archipel, alors colonie française, le nickel a depuis façonné l’histoire, le paysage et la santé politico-économique de la Nouvelle-Calédonie.
L’industrie s’est rapidement développée grâce à la mise au point des aciers au nickel, en pleine course aux armements. Un essor permis par l’envoi dans les mines de condamnés, puis, plus tard, de travailleurs asiatiques.
La Nouvelle-Calédonie détient entre 20% et 30% des ressources mondiales de ce métal blanc argenté, surtout utilisé dans les aciers inoxydables et, de plus en plus, dans les batteries des véhicules électriques. Une richesse considérée comme stratégique pour la souveraineté de l’industrie automobile française.
Le secteur du nickel emploie jusqu’à 25 % dès travailleurs calédoniens et représente la quasi-totalité de ses exportations. Mais avec la plongée des prix du nickel sur les marchés mondiaux – plus de 40 % en 2023 selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE) –, les groupes exploitant les trois usines de l’archipel accusent des pertes records.
Eramet (dont l’Etat français détient 27 % du capital), via sa filiale Société Le Nickel, premier employeur de l’archipel, a enregistré une chute de ses ventes de 50 %.
Le négociant Trafigura s’est retiré de la mine de Sud Prony Resources, qui cherche depuis un nouveau partenaire. L’usine KNS, dans le nord, a elle été mise en sommeil après l’annonce du départ du géant suisse Glencore, qui n’est jamais parvenu à y réaliser de bénéfices malgré 4 milliards de dollars investis depuis 2013. Faute de repreneurs, des milliers de salariés seront licenciés.
L’Indonésie, et derrière, la Chine
Malgré la hausse de la demande mondiale en nickel, les prix ont dévissé à cause de la surabondance de l’offre en provenance d’Indonésie, premier producteur mondial grâce aux investissements massifs de la Chine dans ses infrastructures minières et de raffinage.
Avec son métal à bas prix, l’archipel a vu sa part dans la production mondiale passer de 25 % à 52 % rien qu’entre 2018 et 2023. Selon l’analyste de l’AIE Tae-Yoon Kim, 25 mines sont menacées de fermeture si la faiblesse des prix persiste, surtout au Canada et en Nouvelle-Calédonie.
Ce qui entraînerait «une réduction supplémentaire de la diversité de l’offre sur un marché déjà géographiquement concentré», et «une augmentation de 6 points de pourcentage de la part de marché de l’Indonésie», explique-t-il à Libération.
La domination indonésienne «a rendu une grande partie des acteurs traditionnels structurellement non compétitifs pour l’avenir», affirmait la PDG d’Eramet, Christel Bories, au Financial Times en février, dont l’entreprise est également présente en Indonésie. Avant de trancher : «Cette partie de l’industrie devra soit disparaître, soit être subventionnée par les gouvernements.»