Pablo Neruda : son décès enfin élucidé ?
L’épais mystère qui enveloppe la mort de Pablo Neruda, survenue une dizaine de jours seulement après le coup d’État militaire qui renversa Salvator Allende, sera-t-il levé ?
Le poète chilien, lauréat du prix Nobel de littérature, a-t-il été assassiné, comme le suspecte la famille de l’artiste depuis de longues années ?
Cette question pourrait enfin trouver une réponse grâce aux conclusions d'un rapport très attendu, remis mercredi 15 février à un juge. Et ainsi mettre fin à une enquête ouverte en 2011
Réunis depuis le mois de janvier à Santiago, la capitale chilienne, des spécialistes judiciaires et médicaux du Canada, du Danemark, des États-Unis, d'Espagne et du Chili ont étudié une série de prélèvements des restes du poète.
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Selon les premiers éléments révélés par Rodolfo Reyes, avocat et neveu du poète, les conclusions d’autopsie accréditeraient la thèse de l'empoisonnement : le poète communiste aurait succombé à la suite d'une injection, après avoir été emmené en ambulance dans une clinique où il était déjà traité pour un cancer et d’autres maladies.
Les faits auraient eu lieu la veille de son départ pour le Mexique, où il envisageait de s'exiler pour diriger l'opposition au régime Pinochet.
Cette expertise montrerait ainsi la présence, dans les restes du poète, de Clostridium botulinum, une toxine pouvant causer la paralysie du système nerveux et la mort.
Le corps de Nureda avait été exhumé en avril 2013 de la crypte où il reposait depuis 1992 – à Isla Negra, à 120 kilomètres à l'ouest de la capitale, sur la côte centrale du Chili.
L'hypothèse d'un assassinat du Nobel 1971 est apparue en 2011, après les révélations de Manuel Araya, à l'époque jeune militant désigné par le Parti communiste chilien comme assistant et chauffeur de l'écrivain, lui-même membre du Parti.
Bien qu'il ait soutenu cette thèse pendant près de quarante ans, ce n'est qu'à cette date que le PC a exigé une enquête judiciaire qui a rendu possible l'exhumation et les analyses toxicologiques.
Ces dernières conclusions iraient donc à l’encontre de la thèse officielle selon laquelle Pablo Neruda est décédé des suites d'un cancer de la prostate.
"Vient maintenant une phase de révision, d'étude, d'appréciation et d'évaluation" afin que le tribunal puisse se prononcer, a indiqué la magistrate en charge de l'affaire, Paola Plaza, sans préciser la durée de cette étape.
Des années d’expertises
La propre famille de Pablo Neruda n'est cependant pas unanime.
Contrairement à Rodolfo Reyes, avocat et neveu du poète, qui dit avoir eu accès aux résultats des laboratoires, Bernardo Reyes, le petit-neveu du poète a rejeté ces affirmations au nom de la partie de la famille qui ne croit pas à la thèse du meurtre.
"Le rapport scientifique ne pourra pas déterminer un lien avec un acte homicide", a-t-il assuré à l'AFP depuis le sud du Chili.
Avant ce rapport, les restes du poète avaient déjà fait, ces dernières années, l'objet de nombreuses expertises.
Exhumée en 2013, sa dépouille n'a été remise en terre qu'en avril 2016 sans que le mystère ne soit totalement levé.
En mai 2014, une équipe de chercheurs espagnols avait mis en avant la présence massive de bactéries, des staphylocoques dorés, soulevant ainsi l’hypothèse d’une inoculation par des agents de la dictature, sans apporter plus de certitude.