Qui était Paul-Henri Nargeolet, « monsieur Titanic » mort dans l’expédition du sous-marin perdu ?
Les autorités américaines ont confirmé jeudi la mort des cinq passagers qui se trouvaient à bord du Titan, ce sous-marin parti explorer l’épave du Titanic la semaine dernière.
Il a disparu à l’endroit qui le passionnait depuis des décennies. Paul-Henri Nargeolet, qui se trouvait à bord du sous-marin Titan de l’entreprise OceanGate, est mort après l’implosion du submersible parti explorer l’épave du Titanic. À ses côtés, à bord, se trouvaient quatre autres personnes : le PDG d’OceanGate et piloteStockton Rush, Shahzada Dawood, son fils Suleman et Hamish Harding. Alors que les recherches duraient depuis presque une semaine et que les proches des victimes continuaient à garder espoir – les réserves d’oxygène ne s’étant épuisées que jeudi -, les secours ont confirmé la disparition de l’appareil après avoir retrouvé des débris laissant penser à « une perte catastrophique de la chambre pressurisée ».
Suite à l’annonce du drame, James Cameron, passionné des fonds marins et réalisateur du film « Titanic », sorti en 1997, a rendu hommage sur ABC au Français qu’il connaissait depuis 25 ans, celui qu’il appelait « P.H. Nargeolet ». « C’était une légende de l’exploration », a-t-il commenté.
Au coeur de la découverte du Titanic
Paul-Henri Nargeolet était en effet particulièrement réputé dans son domaine. Ancien plongeur de la Marine, il était devenu en 1986 responsable des sous-marins d’intervention profonde de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer). Cette année-là, l’Américain Robert Ballard, en collaboration avec l’Ifremer, avait retrouvé l’épave du Titanic, tant recherchée depuis son naufrage en 1912.
Un an plus tard, Paul-Henri Nargeolet avait été le premier à remonter des objets du navire, à la surface. Il était ensuite devenu, en 2007, responsable des opérations sous-marines de la RMS Titanic Inc., qui possède les droits sur le paquebot.
De nombreuses découvertes
Au fil des ans, le Français a exploré de nombreuses fois les reliques du paquebot qui se trouvent à 4000 mètres de profondeur. Dans une interview accordée au site du Musée de la Cité de la Mer, à Cherbourg, il donnait quelques détails, sur le fameux Titan d’OceanGate, avec qui il était parti en mission en 2021.
« Ce sous-marin comporte plusieurs innovations technologiques : dont une coque en fibre de carbone qui permet un gain de poids important par rapport à une coque en acier ou en Titane ; un régleur souple réversible pour la pesée fonctionnant à l’air jusqu’à 3800 mètres. Ce régleur permet un réglage très fin de la pesée. Autre innovation, toutes les commandes du sous-marin passent par un réseau Wi-Fi y compris celles du pilotage », disait-il. « Au cours de notre dernière plongée sur la partie avant du Titanic, sans aucun courant ce qui est très rare, nous avons pu observer pour la première fois des parties de l’épave sous un angle différent, ce qui en a fait une plongée particulièrement intéressante », ajoutait-il encore.
En novembre 2022, Paul-Henri Nargeolet avait par ailleurs annoncé avoir enfin résolu un mystère vieux de plusieurs années. En 1996 près de l’épave du Titanic, un troublant « bip » avait détecté sur un sonar. Avec OceanGate qui avait financé l’expédition, le spécialiste français été retourné plonger à l’endroit où le son avait été entendu. C’est là que les explorateurs ont découvert un récif rocheux, composé de diverses formations volcaniques, et prospérant avec des homards, des poissons d’eau profonde, des éponges et plusieurs espèces de coraux qui pourraient être vieux de milliers d’années. C’est ce récif qui renvoyait le son.
« Nous ne savions pas ce que nous allions découvrir. Sur le sonar, le bruit pouvait correspondre à plein de pistes différentes, dont celle d’une possible autre épave située non loin de là. Cela fait si longtemps que j’attendais d’avoir la chance d’étudier à une large échelle ce son apparu sur le sonar. C’est incroyable d’explorer cette zone et c’est fascinant de trouver cette formation volcanique entourée de tellement de vie », expliquait alors le chercheur français sur la page Youtube d’OceanGate.
Une mission trop risquée ?
Jean Jarry, ancien directeur de l’Ifremer Méditerranée, a confié à France 3 Régions s’être entretenu pour la dernière fois avec lui samedi 17 juin, la veille du départ du sous-marin : « Il m’expliquait qu’il était très content de replonger pour découvrir des choses qu’ils n’avaient pas encore vues. Puisque son but, c’est d’avoir le maximum de détails sur l’épave du Titanic, un champ de débris qui s’étend sur des kilomètres ».
De son côté, interrogé par FranceInfo, l’archéologue sous-marin Michel L’Hour, ami du disparu, a rendu hommage à la passion de son camarade, pour qui le Titanic représentait plus que des travaux de recherche. « Ce n’était pas seulement un pilote de sous-marin qui était descendu sur le Titanic dans le cadre de son métier, c’était beaucoup plus que ça. Il a été voir les descendants, les survivants. Il avait été voir la dernière petite fille qui avait assisté à la disparition de son père. Il me racontait ça avec beaucoup de tendresse, beaucoup d’émotion. C’était sa passion qui le guidait et cette épave était devenue un peu la sienne. »
Alors que plusieurs voix critiquent la descente touristique du submersible - jugée dangereuse - contre 250 000 dollars, Michel L’Hour insiste sur le fait que ces aventures pour milliardaires « payaient la mission » de Paul-Henri Nargeolet, mais « lui, son intérêt, c’était de constater l’état de dégradation » de l’épave.
Les doutes du chercheur
D’après « Le Figaro », il aurait cependant confié à des proches avant son départ être inquiet face à l’état du Titan qu’il connaissait pourtant bien, leur disant « ne pas avoir une totale confiance dans ce sous-marin fait de matériaux composites et avec un hublot de 60 cm de large ». « Je pense qu’il sait dire aux autres comment réagir, de garder le plus leur calme possible et ainsi économiser de l’oxygène. Donc, j’y crois. Bien sûr, ces 24 heures à venir sont très décisives, mais il y a encore une possibilité de les trouver vivants », confiait sa fille à TF1, alors que les recherches étaient encore en cours.
Le champ d’action de Paul-Henri Nargeolet ne se limitait pas au Titanic. Parce qu’il était l’un des plus fiables dans son domaine, il avait été appelé en renfort à plusieurs reprises dans le cadre de recherches de navires disparus. Il avait également participé aux recherches de la carcasse l’Airbus A330-203 disparu lors du vol Rio Paris en 2010.