France : bref aperçu sur la réforme des retraites
Vous avez bien vidé le pot de foie gras, la bouteille de champagne et passé de bonnes fêtes. Mais voilà qu’à votre retour à la machine à café au travail, on vous demande votre avis sur la réforme des retraites.
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Le sujet est au centre de l’actualité : il a été ré-annoncé en grande pompe par Emmanuel Macron lors de ses vœux le 31 décembre, et la Première ministre, Elisabeth Borne, reçoit les partenaires sociaux mardi et mercredi sur le sujet.
C’est quoi le projet ?
L’exécutif souhaite décaler l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64, voire 65 ans, option privilégiée par le président, d’ici à 2031. Quatre mois seraient ajoutés chaque année à partir de la génération née après juin 1961. Pour ces personnes, l’âge légal passerait donc à 62 ans et quatre mois. Pour celles nées après juin 1962, l’âge de départ serait à 62 ans et huit mois. Et ainsi de suite jusqu’à atteindre les 65 ans.
Tous les salariés seraient concernés par cet accroissement de la durée de travail, même ceux bénéficiant d’un régime spécifique, comme par exemple les policiers ou les égoutiers – qui travailleraient deux à trois ans de plus –, mais aussi les personnes pouvant avoir un départ anticipé pour carrières longues. Seule exception : les âges de départ pour invalidité ou handicap, entre 55 et 62 ans, resteraient identiques, selon 20minutes.
Autre point majeur de la réforme, le minimum retraite serait porté à 85 % du Smic, soit environ 1.200 euros par mois.
Cette augmentation ne concernerait que les retraités ayant cotisé 42 ans, et ne serait pas rétroactive. Si vous êtes déjà à la retraite, vous ne serez donc pas concernés. L’âge donnant automatiquement le taux plein, quel que soit le nombre de trimestres d’assurance-retraite que vous avez cumulés, resterait lui à 67 ans.
Comment est-il justifié ?
Dans ses vœux, Emmanuel Macron a rappelé l’objectif d’ « assurer l’équilibre de notre système pour les années et les décennies à venir » et de « consolider notre régime de retraites par répartition ». Une argumentation largement contestée, comme le précise Michaël Zemmour, maître de conférences en économie à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et coauteur du Système français de protection sociale (La Découverte, 2021) : « Il est faux de dire que notre système de retraites est menacé. Les prévisions estiment un léger déficit d’ici quinze ans, mais il y a bien des moyens de le résorber, et pas forcément en s’attaquant à l’âge de départ. »
Selon le rapport annuel 2021 du Conseil d’orientation des retraites (COR), « même sans réforme, le poids des retraites dans le PIB va décliner dans les prochaines années ». Le régime devrait retrouver une « trajectoire maîtrisée à horizon 2070 », où le système serait en moyenne en excédent de 0,4 % du PIB, soit un niveau similaire à 2019, avant la crise sanitaire, toujours selon le rapport.
« En 2022, le système de retraite a un excédent de 3 milliards d’euros, et les prévisions portent sur un déficit très faible, d’environ 0,4 % du PIB, d’ici dix à quinze ans. Il n’y a aucune urgence à réformer », confirme Henri Sterdyniak, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Surtout, « les gains économiques de cette réforme, si elle passe, seront largement supérieurs à un possible déficit des retraites, poursuit Michaël Zemmour. En réalité, les bénéfices sont envisagés pour rendre possible les baisses d’impôts, notamment sur les entreprises, tout en maintenant le cap d’une réduction du déficit public. »
La France a-t-elle un système de retraite plus généreux que les autres pays ?
Pour Monika Queisser, cheffe de la division des politiques sociales à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la France se distingue de deux façons. Primo, le niveau des dépenses pour les retraites. Elles pèsent pour environ 14 % du PIB, faisant de la France la nation la plus dépensière de l’OCDE en la matière, avec l’Italie et la Grèce. Deuxio, sur le revenu accordé aux retraités. « Dans la plupart des pays de l’OCDE, on constate un niveau de vie un peu moindre des retraités par rapport à l’ensemble de la population », note l’experte. Trois exceptions : le Luxembourg, l’Italie encore, et donc la France, où les niveaux de vie entre retraités et membres de la population active sont à peu près similaires.
Pour l’âge par contre, même avant cette potentielle réforme, notre pays a moins d’attrait qu’on pourrait croire. « Il est très difficile de comparer l’âge de départ, car chaque pays a des règles spécifiques : taux plein, âge légal, âge de départ minimum… », avertit Monika Queisser. Pour mettre en balance les pays, la spécialiste imagine le cas d’un individu qui serait rentré sur le marché du travail à 22 ans – la moyenne de l’OCDE : « Vu qu’en France, une personne doit déjà travailler entre 43 et 44 ans pour avoir une retraite pleine, cela amène notre travailleur de 22 ans jusqu’à 65, voire 66 ans, soit dans la moyenne des pays de l’OCDE ».
Seule différence avec la plupart des nations : un Français qui commencerait dans le monde du travail à 20 ans et ne s’arrêterait pas « peut actuellement partir avec une retraite pleine à 62 ans. C'est plus tôt que dans la plupart des pays, où l'on ne peut pas partir avant 64 ou 65 ans avec une retraite pleine », conclut Monika Queisser.