Remaniement en France : une semaine après, Macron et Attal laissent toujours ces ministères vacants
Si certains ministères françaises ont été regroupés avec d’autres, comme le Travail et la Santé, plusieurs secteurs n’ont toujours pas de ministre ou secrétaire d’État « en charge. »
Gouvernement à trous. Une semaine pile après l’annonce du remaniement et la nomination des 14 ministres de plein exercice, la phase II de ce chamboule-tout gouvernemental se fait toujours attendre. Emmanuel Macron a choisi de diviser cette séquence pour laisser un peu d’espace à la première équipe de l’ère Attal, quitte à la faire trainer.
Elle sera complétée « d’ici une dizaine de jours », a assuré la porte-parole Prisca Thévenot mercredi 17 janvier lors de son premier compte rendu de Conseil des ministres, soit quelques jours avant la déclaration de politique générale du nouveau Premier ministre à l’Assemblée nationale. De fait, nombreux postes sont aujourd’hui vacants.
Par rapport au dernier gouvernement d’Élisabeth Borne, au moins 13 domaines, périmètre ministériel ou administrations, sont orphelins d’un quelconque ministre, ministre délégué ou secrétaire d’État. Parmi eux, les Transports, le Logement, les Personnes handicapées, la Ville ou encore la Biodiversité.
Gouvernement « resserré », mais…
C’est sans doute l’inconvénient principal de cette équipe restreinte voulue par le chef de l’État. Dans le camp présidentiel, on vante le gouvernement « le plus resserré de la Ve République » depuis l’annonce de la première liste. Mais pour quels bénéfices ?
Avec cette quinzaine de ministres, dont certains plus politiques que les précédents, Emmanuel Macron concrétise le souhait de nombreux locataires de l’Élysée à travers le temps et tente de répondre à un souci d’« d’efficacité ». « Cette époque de crise suppose avant tout audace et efficacité », a-t-il martelé mardi soir lors de sa conférence de presse.
...Incomplet
Force est de constater que les mots du couple exécutif, censés incarner une farouche volonté d’agir malgré les temps difficiles et la majorité relative, tranchent avec le dispositif gouvernemental actuel amputé, pendant au moins une semaine - sans doute quinze jours - de plusieurs membres censés en être éminents. C’est un peu comme si une équipe de foot entrait sur le terrain d’une finale de ligue des champions avec 8 joueurs sur 11, sans milieu défensif, ni défenseur ou attaquant droit (sans parler d’une aile gauche laissée aux vestiaires depuis des mois), selon HuffPost.
Cette situation provoque, ainsi, l’incertitude des secteurs concernés et offre des critiques faciles aux oppositions. Mardi, lors des premières questions au gouvernement Attal à l’Assemblée nationale, le chef des députés socialistes Boris Vallaud a fustigé le Premier ministre qui se « présente avec un gouvernement incomplet », soulignant l’absence « de ministre du Logement, des Transports, de la Fonction publique».
«C’est un coup de communication ! Rien de plus, rien de moins», constate au micro d’Al-Ain le Président de l’UPR Francois Asselineau. «Dans ce remaniement, il s’agit de trouver un nouveau communicant.»
La montée en puissance de Gabriel Attal a été rapide. Il y a dix ans, il était un conseiller au ministère de la Santé et membre du Parti socialiste. Il sera également le premier occupant ouvertement gay de l'Hôtel Matignon. Il a un partenariat civil avec un autre prodige de Macron, le député européen Stéphane Sejourné.
Mais étant donné les difficultés du second mandat du président et le défi croissant de la droite nationaliste, est-ce que le simple fait d'être «remarquable» suffira ?
Pour le Président de l’UPR, connu pour son hostilité à la construction actuelle de l’Union européenne, ce changement est un coup d’épée dans l’eau politiquement. «En France tout est verrouillé par l’UE, l’euro, l’Otan. Changer de Premier ministre et de gouvernement n’a aucune incidence sur la politique du pays. Tout en politique, diplomatie, économie, politique monétaire, industrielle est verrouillé», explique-t-il, minimisant ainsi l’impact de ce remaniement.
Beau, jeune, charmant, populaire, persuasif, M. Attal arrive certainement au pouvoir en laissant derrière lui des traces de gloire, tout comme son mentor et modèle, le président lui-même.
«En donnant Matignon à Attal, il veut quelqu’un de populaire, or il est l’un des plus populaires au sein de la majorité dans les sondages, et il veut quelqu’un qui puisse arriver à des compromis à l’assemblée. Ainsi le Président espère pouvoir faire passer ses projets de loi avec plus de succès», analyse notre interlocuteur.
Son âge qui fait sa force, pourrait toutefois aussi faire sa faiblesse. «Attal n’a que 34 ans, c’est très jeune. Jamais un premier ministre n’a été aussi jeune depuis Mitterrand. A titre personnel, je ne pense pas que ça soit une bonne chose d’être nommé trop jeune. Même si c’était quelqu’un d’incroyablement intelligent, ce dont je doute, il est né avec une cuillère argent dans la bouche et a suivi un parcours tout tracé. Il ne connait pas la réalité des Français» affirme Francois Asselineau. «Il n’a aucune expérience, il n’a pas travaillé, il n’a jamais connu l’échec, ou des rebuffades. Il ne s’est jamais confronté à l’international sur des dossiers sérieux.»
Mais comme de nombreux ambitieux de sa génération, il a été inspiré par l'idée d'Emmanuel Macron de rompre avec la vieille division gauche-droite et de réécrire les codes de la politique française. Une rupture qui va être difficile à assumer pour le candidat malheureux à la campagne présidentielle de 2017. «Il va avoir sous ses ordres des préfets et des ambassadeurs, tout le monde plus vieux que lui», prévient-il. «Comment va-t-il changer Bruno le maire, Gérald Darmanin ou Sébastien Lecornu qui sont des poids lourds qui gèrent les ministères régaliens ? Il n’a pas l’autorité naturelle qui vient avec l’âge.»
Après l'élection de Macron en 2017, M. Attal est devenu député, et c'est là que sa brillance en tant que débatteur - facilement le meilleur parmi les novices macronistes - a attiré l'attention du président.
À 29 ans, il est devenu le plus jeune ministre de la Cinquième République avec un poste junior à l'Éducation ; à partir de 2020, il a été porte-parole du gouvernement et son visage a commencé à être reconnu par les électeurs. Après la réélection du président Macron, il a été brièvement ministre du Budget, puis a pris en charge l'Éducation en juillet dernier.
C'est à ce poste que M. Attal a confirmé au président qu'il avait ce qu'il faut, agissant avec détermination pour mettre fin à la polémique de septembre sur les robes d'abaya musulmanes en les interdisant simplement dans les écoles.
«Son expérience à la l’éducation nationale sous le gouvernement Borne III n’a duré que 5 mois Borne III. Malgré quelques mesures remarquées à l’image de son interdiction de l’Abaya, il est trop tôt pour tirer un bilan de ce qu’il a fait. Par conséquent, sa nomination est surtout un effet d’annonce», constate François Asselineau.
Il a également mené une campagne contre le harcèlement - il a lui-même été une victime, dit-il - à l'École alsacienne à Paris, et a défié l'establishment éducatif avec sa proposition d'expérimenter l'uniforme scolaire.
Les sondages montrent qu'il est de loin le membre le plus admiré du gouvernement Macron - rivalisant au même niveau que la principale ennemie du président, la nationaliste Marine Le Pen, et son jeune collègue Jordan Bardella.
Et c'est là, bien sûr, le cœur du problème.
En choisissant Gabriel Attal parmi ses ministres, Macron utilise un atout pour surpasser la reine et son valet. Mais est-ce que cela va fonctionner ?
Le processus laborieux de sa nomination - tout le monde savait qu'un remaniement était en cours, mais cela a pris une éternité - montre que si le président Macron est bien conscient de la faiblesse de sa position actuelle, il est également profondément incertain sur la manière de la traiter.
Plus d'un commentateur a souligné de manière évidente que ce que le public veut par-dessus tout maintenant n'est pas tant un réarrangement des visages au sommet, mais un nouveau sentiment de dessein pour la présidence Macron.
Mais dans l'état actuel des choses, M. Attal sera confronté exactement aux mêmes problèmes que son prédécesseur Élisabeth Borne.
Ceux-ci comprennent une opposition d'extrême droite en pleine ascension et susceptible de remporter facilement les élections européennes de juin, une Assemblée nationale sans majorité intégrée pour le gouvernement, rendant chaque nouvelle loi difficile, et un président qui semble incapable de définir ce qu'il veut accomplir au cours de son second mandat.
Et quelle est la stratégie, se demandent également certains, si, comme il semble probable, le parti de Macron subit de lourdes pertes aux élections européennes ?
Normalement, cela serait l'occasion d'un remplacement du Premier ministre, pour insuffler un nouvel élan pour la seconde moitié du mandat. Mais, dans l'état actuel des choses, cette carte a déjà été jouée, et en cas de défaite en juin, Gabriel Attal risque de dériver comme un perdant discrédité.
Mais des questions se posent également sur ce qu'il représente réellement. Pour beaucoup, il est soupçonné d'être tout sourires et de verbiage, tout comme l'homme à qui il doit sa carrière.