Sénégal : le président Macky Sall reçoit Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko
La victoire dès le premier tour de Bassirou Diomaye Faye, confirmée par la Commission nationale de recensement des votes, a été écrasante.
Bassirou Diomaye Faye pourrait être proclamé définitivement vainqueur de la présidentielle sénégalaise d'ici à la fin de la semaine, parachevant une ascension extraordinaire et express jusqu'au sommet de l'État. L'opposant antisystème, accompagné d'Ousmane Sonko, a été reçu en au jeudi par le président sortant Macky Sall, a annoncé la présidence sénégalaise.
Les deux hommes ont discuté des grands dossiers de l’Etat et de la cérémonie de prestation de serment et de passation de pouvoir, a fait savoir la présidence dans un message partagé sur le réseau social X.
Ousmane Sonko, leader des Patriotes africains du Sénégal pour l’éthique et la fraternité (Pastef, parti dissous), parti dont est membre le président élu, a pris part à l’audience.
Cinq ans après le « coup K.-O. » réalisé par Macky Sall en 2019, c’est donc au tour de Bassirou Diomaye Faye, candidat « antisystème » autoproclamé, de se voir élu dès le premier tour de la présidentielle sénégalaise. Et l’ampleur de sa victoire, au terme d’un processus électoral pour le moins chahuté, est incontestablement le signe que sa stratégie de « rupture » a été plébiscitée par l’écrasante majorité des électeurs sénégalais, rapporte Jeune afrique.
Plan B de Sonko
Celui qui, au départ, n’était « que » le « plan B » du parti d’Ousmane Sonko, dont la candidature avait été invalidée, a recueilli pas moins de 54,28 % des suffrages exprimés, contre 35,79 % pour Amadou Ba, candidat du parti au pouvoir et « dauphin » désigné par Macky Sall pour lui succéder. Un score d’autant plus massif que le taux de participation, sans avoir atteint les plus de 66 % du scrutin de 2019, a tout de même été de 61,3 %, selon les résultats provisoires proclamés par la Commission nationale de recensement des votes.
Les résultats proclamés le 27 mars, qui doivent encore être confirmés par le Conseil constitutionnel, montrent également que l’élection présidentielle de 2024 s’est résumée à un duel. En dehors de Bassirou Diomaye Faye et d’Amadou Ba, les dix-sept autres candidats ont obtenu des scores lilliputiens. Le « troisième homme » de ce scrutin, Aliou Mamadou Dia, ne recueille que 2,8 % des suffrages exprimés. Quant à l’ex-maire de Dakar, Khalifa Sall, il se hisse péniblement à 1,56 %. Idrissa Seck, qui était candidat pour la quatrième fois à la magistrature suprême, n’a recueilli pour sa part que 0,9 % (voir le détail dans l’infographie à la fin de cet article).
Bassirou Diomaye Faye, vainqueur sur le plan national, est-il parvenu à remporter l’ensemble des départements ? Pour aller au-delà des seuls résultats nationaux, ce n’est pas vers les instances officielles qu’il faut se tourner. Ni la Direction générale des élections (DGE), ni la Commission électorale nationale autonome (Cena) n’ont en effet, pour l’heure, publié de résultats exhaustifs.
Quel avenir pour les relations entre la France et le Sénégal à l'ère de Bassirou Diomaye Faye?
L’organisation Sénégal Vote, en revanche, a mené un impressionnant travail de collecte et d’analyse des résultats dans les plus de 16 000 bureaux de vote du pays. La cartographie dressée grâce au travail des membres de cette organisation montre que le raz-de-marée national est sensiblement nuancé. L’effet visuel d’un Sénégal quasiment coupé en deux est cependant à relativiser : les départements qui ont placé Amadou Ba en tête sont en effet ceux qui sont à la fois les plus vastes et les moins peuplés.
Bassirou Diomaye Faye a fait le plein de voix dans les zones fortement urbanisées de l’Ouest, de Dakar à Thiès, en passant par Saint-Louis. Dans le département de Fatick, fief historique de Macky Sall, Amadou est parvenu à tirer son épingle du jeu, de même que dans le Foundiougne, à la frontière gambienne.
Plus au sud, dans le fief d’Ousmane Sonko, maire de Ziguinchor, la majorité des départements constituant la Casamance a voté en faveur de son « poulain », Bassirou Diomaye Faye. Seules exceptions : les départements de Velingara et de Médina Yoro Foula, où Amadou Ba a bénéficié d’une – courte – avance sur le candidat de l’ex-Pastef.
La quasi-totalité de l’Ouest et du Centre, à la notable exception du département de Saraya, ont en revanche placé Amadou Ba en pole position. Parfois très massivement, comme dans les départements du Kanel, de Podor ou du Ranérou-Ferlo. Dans d’autres cas, d’une plus courte tête, comme dans les départements de Tambacounda et de Kougheul.
En attendant la publication des résultats officiels, cette cartographie riche d’enseignements a été permise grâce au travail des volontaires de Sénégal Vote et des innombrables relais locaux qui ont collecté les procès-verbaux, les diffusant à mesure qu’ils en vérifiaient l’authenticité. « Notre plus grand défi, dans des moments comme celui-là, est de contrer la désinformation, explique Jaly Badiane, l’une des cofondatrices de l’ONG. Nous sommes accrédités par la Direction générale des élections et, à ce titre, nous sommes en lien direct avec les autorités locales, les préfets et les sous-préfets. Cela nous permet d’une part de vérifier la validité de nos résultats en cas de doute, mais aussi d’autre part de signaler des erreurs. »
Au-delà du seul résultat, Jaly Badiane insiste sur un des principaux enseignements à tirer de ce scrutin : la confirmation de la santé démocratique du Sénégal. « Beaucoup craignaient des violences postélectorales. Nous avions mis en place un dispositif en ce sens, mais en réalité, il n’y a rien eu de tout cela. » Seule ombre au tableau, note cependant Jaly Badiane : le département de Keur-Massar, où de nombreuses difficultés ont été observées le jour du vote. Dans ce département créé en 2021, « des milliers d’électeurs n’ont pas pu voter en raison de dysfonctionnements dans le remodelage de la carte électorale », insiste la porte-parole de Sénégal Vote.