Salon de l’agriculture: Macron qui tente de rassurer les paysans, reçu par des huées
Après des heurts entre forces de l’ordre et des agriculteurs au Salon de l’agriculture, Macron a appelé au calme et choisi de débattre samedi en petit comité avec des représentants de plusieurs syndicats.
Accoudé sur une table mange-debout, veste de costume tombée, le président a recueilli les doléances d’agriculteurs de la FNSEA, des Jeunes agriculteurs et de la Coordination rurale, dont les membres aux bonnets jaunes ont participé aux bagarres un peu plus tôt avec le service d’ordre du salon, parmi d’autres protestataires, rapporte l'AFP.
«Je suis en train de vous dire que le boulot est fait sur le terrain, on a repris les copies, on est en train de faire toute la simplification», s’est défendu Emmanuel Macron.
«Je préfère toujours le dialogue à la confrontation», a asséné le chef de l’Etat français, ajoutant: «il faut que le salon se passe bien parce que pour vos collègues, c’est parfois des mois, voire des années de boulot. Ils sont montés avec leurs bêtes, avec leur travail pour le montrer».
Le calme est revenu dans le pavillon 1 du Salon, celui où vaches, cochons et chèvres sont exposés, et qui a vu l’irruption vers 8h de centaines de manifestants qui ont forcé les grilles.
Ce hall, d’habitude le plus visité, est resté fermé au grand public une heure de plus que les autres halls du Salon, qui ont eux-mêmes ouvert avec près d’une heure et demie de retard. Les familles ont finalement pu aller caresser les bêtes.
Pendant qu’Emmanuel Macron parle à l’étage, des manifestants continuent de l’attendre en bas. «Hors de question qu’il défile dans le salon, ce serait une provocation», dit Sébastien Rousselot, éleveur de Pléchatel (Ille-et-Vilaine), qui a passé la nuit sur la place avec la FNSEA. «On ne fait pas ça de gaieté de cœur, mais on ne comprend pas qu’il n’arrive pas à comprendre ce qu’on lui dit.»
L’instauration d’un prix plancher
Le président a commencé la journée par une rencontre avec les dirigeants de syndicats agricoles, d’où il n’entendait pas les sifflets assourdissants des manifestants.
Il leur a fait plusieurs annonces qui restent à préciser, dont la création d’un «prix plancher» pour mieux rémunérer les agriculteurs, un recensement des exploitations nécessitant des aides de trésorerie d’urgence, et l’inscription dans la loi que l’agriculture et l’alimentation était «un intérêt général majeur de la nation française.»
«Poser le mot sur le concept de prix plancher est déjà une petite révolution», a salué auprès de l’AFP la porte-parole de la Confédération paysanne, syndicat opposé à l’agriculture intensive, Laurence Marandola. «Après, ce prix plancher va être construit par filière, du coup ça va être tiraillé entre producteurs et l’aval. On fera attention».
Un secteur stratégique
Quant à l’intérêt général majeur de l’agriculture, une source au sein de l’exécutif a ensuite simplement expliqué que cela voulait dire «reconnaissance de l’intérêt stratégique» du secteur, ce qui «comporte des conséquences juridiques».
Damien Greffin, un des vice-présidents de la FNSEA, avait dit vendredi à l’AFP vouloir «entendre le président dire que l’agriculture était d’intérêt général majeur, ce qui la place au-dessus des autres intérêts».
Par exemple, le gouvernement avait auparavant indiqué avoir puisé dans la proposition de loi portée par le sénateur LR Laurent Duplomb, qui prévoit de déclarer «d’intérêt général majeur» les réserves d’eau pour l’irrigation. Gabriel Attal avait aussi dit que la prochaine loi agricole consacrerait l’agriculture «au rang des intérêts fondamentaux de la nation».
«La ferme France reste forte, c’est faux de dire qu’elle est en train de se casser la gueule», a-t-il aussi martelé, au bout de trois quarts d’heures du questions-réponses improvisé avec les agriculteurs.
Reste à savoir s’il déambulera dans le salon comme initialement prévu au programme, une visite qui semble de plus en plus impossible à réaliser en sécurité. «Vous entendez les énervements dès ce matin et je le dis pour tous les agriculteurs, vous n’aidez aucun de vos collègues en cassant des stands, vous n’aidez aucun de vos collègues en rendant le salon impossible et en quelque sorte en faisant peur aux familles (d') y venir. C’est contreproductif», a-t-il dit.
Des œufs sur les CRS
«Macron démission», ont crié les manifestants en se confrontant aux forces de l’ordre. Reconnaissables à leurs drapeaux et casquettes distinctives, les manifestants comptent des agriculteurs exaspérés de la Coordination rurale (jaune), de la FNSEA (vert) et des Jeunes agriculteurs (rouge).
Ils sont entrés dans l’événement sans être fouillés avant l’ouverture officielle. Cherchant le président dans les allées, ils en sont venus aux mains avec le service d’ordre qui tentait de les stopper et des coups ont été échangés. «La chasse au Macron est ouverte!» ont scandé des militants de la FNSEA. «Il est où?» crient certains. De nombreux CRS casqués ont été déployés à l’intérieur; ils ont reçu des œufs.
Un haut lieu de la politique nationale
Le 60e Salon de l’agriculture, le plus grand salon de France, attend 600 000 visiteurs sur neuf jours.
Les présidents français y passent généralement des heures, voire la journée entière, et les incidents ne sont pas inhabituels. Nicolas Sarkozy avait lancé «Casse-toi, alors, pauvre con!» en 2008 à un homme qui refusait de lui serrer la main. François Hollande s’était fait huer et insulter par des éleveurs en 2016.
Les adhérents des syndicats majoritaires, surtout dans les grandes cultures céréalières, ont été ulcérés d’apprendre que l’Élysée avait cité le collectif radical des Soulèvements de la Terre parmi les possibles participants à un grand débat samedi avec des ONG et le président, finalement annulé devant la bronca.
Emmanuel Macron a affirmé samedi n’avoir «jamais songé initier» une invitation au collectif écologiste radical, qui s’était illustré en mars 2023 lors d’une journée d’affrontements autour d’un chantier de réservoir artificiel d’eau à Sainte-Soline (Deux-Sèvres) et que le gouvernement a échoué à dissoudre.