Santé : « L’obésité doit être reconnue maladie chronique »
La Pr Martine Laville est l’auteure d’un rapport sur la prévention et la prise en charge de l’obésité, remis vendredi au gouvernement.
Martine Laville est responsable du Centre intégré de l’Obésité HCL (Lyon) et coordinatrice du réseau de recherche clinique FORCE.
Elle est l’auteure du rapport «Mieux prévenir et prendre en charge l’obésité en France», remis vendredi 28 avril au ministère de la Santé.
Pourquoi l’obésité devrait-elle être reconnue comme maladie chronique ?
Il y a un gros débat international pour tenter de définir ce qui relève de l’obésité facteur de risque et de l’obésité maladie.
Il y a une part génétique, physiologique, mais c’est aussi une maladie de société. Mais il y a un consensus côté patients.
La reconnaître comme maladie chronique sera important, pour que les gens aillent consulter. Surtout alors que la moitié de la population est en surpoids ou en obésité, et plus de la moitié en obésité Outre-mer.
Elle ne l’était pas par crainte de faire exploser les comptes de la Sécu ?
L’ALD (Affection longue durée) ne serait de toute façon pas la panacée. Cela permettrait le remboursement des médicaments, mais pas toutes les autres aides thérapeutiques, l’apport des diététiciens, des psychologues n’est pas pris en compte.
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L’approche médicamenteuse est critiquée ?
Il ne faut pas opposer prévention et traitement. Il faut bien sûr encadrer pour éviter les mésusages mais des médicaments efficaces arrivent.
La HAS a donné un avis favorable au remboursement du Wegovy en décembre. C’est le médicament le plus avancé. Mais d’autres arrivent qui jouent directement sur les hormones digestives (Lilly).
L’exemple du Mediator, détourné pour un usage destiné à la perte de poids, est un épouvantail ?
C’est pour cela que nous avons besoin d’avoir de la recherche académique, pas seulement celle des laboratoires.
Et pour bien définir quel traitement donner à quel patient, que ce soit très personnalisé. Les médicaments sont un outil puissant mais à double tranchant.
L’offre de soins actuelle est illisible, dites-vous ?
La seule lisible est la chirurgie de l’obésité, et le suivi n’est pas toujours à la hauteur. Il n’y a pas de parcours de soin gradué.
La communauté s’est mobilisée pour expérimenter de nouvelles approches de soin, avec le remboursement d’un forfait de soins, incluant des soins paramédicaux.
Nous espérons que, si ces expérimentations sont positives, elles rentreront dans le droit commun.
L’obésité est particulièrement adaptée à des approches pluridisciplinaires qui feront a médecine de demain.
Une urgence absolue, selon vous, est de former plus de spécialistes ?
La réforme des études de médecine de 2017 a regroupé deux spécialités et nous avons perdu 30 internes par an… Il y a aujourd’hui 2 000 spécialistes d’endocrinologie-diabétologie et dénutrition. Mais près de 500 d’entre eux ont plus de 60 ans.
Pour les enfants, l’accès à la cantine doit être universel ?
Dans certains quartiers et dans les Outre-Mer, très peu d’enfants mangent à la cantine. Alors que c’est un lieu essentiel d’éducation alimentaire.
Il faut lever le frein financier quand il y en a un, mais aussi, pour lever des freints culturels, proposer systématiquement une possibilité de menu sans viande.
Pensez-vous que vos recommandations seront suivies ?
Il y a déjà eu beaucoup de rapports sur le sujet, sans trop d’effet. Mais le communiqué du ministère à la réception de celui-ci me donne de l’espoir.
Nous avons listé 40 mesures, beaucoup peuvent sembler modestes mais sont très concrètes Je crois plus aux petites touches qui vont changer les choses qu’aux grandes déclarations.