Délégation de sénateurs à Taïwan : Olivier Cadic fasciné par la démocratie au Taiwan
Voici une interview mené par publicsenat d’une délégation de cinq sénateurs, dont Olivier Cadic (UC) qui est actuellement en visite à Taïwan.
Un déplacement programmé de longue date pour l’ouverture d’un lycée français, qui se situe dans la lignée de la diplomatie parlementaire menée par le Sénat, mais qui prend une autre dimension avec le regain des tensions avec la Chine cet été, qui considère ces visites comme une provocation.
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La visite de votre délégation s’inscrit dans la lignée de votre déplacement d’octobre 2021, autour de l’ouverture d’un lycée français à Taïpei, où en est ce projet ?
C’est un projet que nous avons depuis que nous sommes venus l’an dernier avec le président Alain Richard, et que nous avons découvert le projet d’Alexandre Levy d’ouvrir ce lycée français franco taïwanais. Il y avait en plus une dimension pédagogique, avec un système éducatif français en chinois, et en bilingue avec l’anglais. Le but est que cette école soit ouverte aux Français et aux Européens qui sont sur l’île, mais aussi aux Taïwanais. L’ouverture de cette école était notre objectif prioritaire, et nous avons donc été reçus par le directeur de l’AEFE pour obtenir le soutien du ministère de l’Education nationale avec pour objectif qu’il ouvre en septembre. Cela a été fait. Et ce qu’il y a eu de fabuleux c’est que la visite qui était prévue à mon arrivée a eu un invité de marque, le président du Yuan législatif [assemblée législative unique de Taïwan, ndlr], qui était venu au Sénat fin juillet, et que l’on avait rencontré avec le président Richard. Je lui ai dit que ce serait formidable d’avoir le soutien du Yuan au projet du Lift [Lycée International Français de Taïpei, ndlr], et il est finalement venu hier. Cela a généré un enthousiasme au niveau des médias : Alexandre Lévy a pu avoir une visibilité importante, c’était très réussi. On a aussi vu le maire de Tai Pei, qui a été déterminant dans cette réussite, parce qu’il fallait trouver le lieu, nouer des accords, et il a dit à ses équipes qu’elles avaient une obligation de résultat. Je voulais les remercier et profiter de cette visite pour voir qui étaient les artisans de ce projet, comme le ministère de l’Education taïwanais, qui a aussi été en soutien. On avait aussi envie de montrer que diplomatie parlementaire cela fait aboutir des vrais projets concrets qui améliorent les relations bilatérales.
Comment expliquer ce soutien et cet enthousiasme des autorités locales ?
Cela prouve que la France est reconnue là-bas. L’an dernier on était déjà les premiers à revenir à Taïwan à un moment qui était difficile suite au covid. Nous avons été la première délégation reçue avec une bulle sanitaire, cela a été très médiatisé là-bas, les gens nous avaient suivis, et après ils avaient décidé de baisser les taxes sur le champagne, le Yuan avait pris cette décision quelques mois plus tard. Il y a un véritable intérêt, ils travaillent beaucoup avec nous sur la question des droits de l’Homme et ils nous considèrent comme une référence. La réussite de ce projet nous a vraiment fait plaisir, c’est un vrai engagement du Sénat : qui est contre la création d’une école ?
Les relations avec Taïwan soulèvent aussi d’importants enjeux économiques, notamment sur les semi-conducteurs. Est-ce que cela fait aussi partie des travaux actuellement menés par votre délégation ?
C’est la deuxième partie de notre visite. On a passé 2h30 avec la Chambre de commerce à Taïwan. La France est le 5ème partenaire commercial de Taïwan, on a des entreprises qui font un super boulot, avec une grosse part d’industrie, dont une grande part est liée aux semi-conducteurs et TSMC [Taïwan Semiconductor Manufacturing Company, ndlr]. Des entreprises françaises travaillent pour eux ou sont des fournisseurs. Mon idée c’est de développer les échanges économiques et on a travaillé avec eux sur un plan avec des objectifs à court terme que je voudrais essayer d’atteindre. Je veux que les gens voient que la relation France – Taïwan, ce sont des projets concrets, qui se font dans l’intérêt des deux pays.
Si votre délégation travaille sur les relations culturelles et économiques entre la France et Taïwan, le contexte politique et diplomatique de tensions avec la Chine ne peut pas être ignoré. Comment situez-vous la démocratie parlementaire par rapport à cela ?
La France le rappelle fréquemment, nous souhaitons le statu quo dans le détroit de Taïwan. Taïwan se développe, a un régime démocratique qui fonctionne, et qui convient à sa population. Je ne vois pas pourquoi il serait remis en cause et pour quel prétexte. La Chine fait des revendications sur la liberté de circulation dans le détroit de Taïwan maintenant. Si la Chine attaque Taïwan, cela serait une attaque délibérée sur toutes les démocraties. La diplomatie parlementaire est tout à fait complémentaire de la diplomatie de l’exécutif, il y a une séparation des pouvoirs. Que le Parlement aille, par l’intermédiaire de parlementaires dans un pays comme Taïwan, avec lequel on a des relations culturelles, économiques et éducatives est tout à fait normal. On a une vraie relation avec ce pays, mais notre gouvernement n’a pas de relations diplomatiques, on peut le regretter, maintenant Taïwan est une démocratie, donc pour l’instant le gouvernement ne fait pas de visite, mais cela viendra bien un jour. Il faudra constater une réalité, c’est la 21ème économie du monde, qui a sa propre autonomie. Si la Chine semble vouloir contester cette autonomie, elle prendrait le risque de déclencher un conflit mondial.
Vu de Taïwan, comment vous analysez ce regain des tensions avec la Chine ?
La visite de Nancy Pelosi démontre que les USA seront aux côtés de Taïwan, donc si la Chine attaque, ce sera le Pearl Harbor d’un nouveau conflit international, cela déclenchera tout. Le conflit de la deuxième guerre mondiale, ça a commencé par la Pologne et la France et l’Angleterre n’y sont pas allées, comme en Ukraine. On sait très bien que la Russie est capable d’aller plus loin, c’est ce que craignent les pays plus proches d’eux. L’internationalisation se fait après et le conflit devient mondial. En tout cas, c’est la lecture que moi j’en ai. On le sait, on le voit ici, Taïwan est une démocratie, il y a dans ce pays une fraîcheur démocratique fascinante. Personne ne peut prédire l’avenir, mais on voit les risques, tout le monde en est conscient. La Chine créée des menaces là où il n’y en a pas : le simple de fait de venir à Taïwan est une provocation pour eux. Mais en quoi venir ouvrir une école est une provocation ? C’est le système démocratique qui les irrite. C’est un enjeu, on en est conscient, chacun utilise ses mots, le gouvernement les siens, et nous les nôtres.
Cette interview a été menée par publicsenat .