Qui est Shireen Abu Akleh, la journaliste tuée par balle lors d’une opération en Cisjordanie ?
Tuée lors d’une opération de l’armée israélienne en Cisjordanie, la journaliste et figure populaire d’Al-Jazira, Shireen Abu Akleh, s’était illustrée par ses reportages de terrain, donnant la voix au peuple palestinien.
C’était une zone de tensions comme elle avait l’habitude d’en couvrir. Mercredi matin, son casque sur la tête, et son gilet « Press » sur le dos, Shireen Abu Akleh est partie à Jénine, grande ville du nord de la Cisjordanie occupée, où l’armée israélienne mène depuis plusieurs semaines des opérations militaires. Il est à peine 6h13 quand la journaliste envoie un message à sa rédaction, la chaîne Al-Jazira. « Les forces israéliennes sont en train d’envahir Jénine et entourent une maison dans le quartier de Jaberiyat. Je suis en route, je vous tiens au courant pour un direct dès que j’ai plus de détails. » Ce mail sera le dernier que la reporter palestino-américaine de 51 ans écrira à la chaîne.
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Elle sera déclarée morte, une heure plus tard à l’hôpital de la ville, après avoir été touchée à la tête par une balle reçue, lors de son reportage. D’où vient le tir ? Après avoir affirmé que la journaliste avait « probablement » succombé à une attaque menée par des combattants palestiniens, Israël a dit finalement ne pas écarter la possibilité que la balle ait été tirée par ses soldats. Depuis, les hommages à cette figure d’Al-Jazira, réputée pour son courage et sa ténacité sur le terrain, n’ont cessé de se multiplier.
« Une icône de la vérité »
Plusieurs représentants officiels et des milliers de Palestiniens ont participé ce jeudi à une cérémonie officielle à Ramallah, saluant une dernière fois la mémoire de la reporter tuée à 51 ans. Elle était la « voix de la Palestine », a salué le ministère palestinien des Affaires étrangères, évoquant une « icône de la vérité » et « une héroïne nationale pour ceux dont les voix avaient été réduites au silence par les crimes d’Israël ».
« J’ai choisi cette voie pour être proche des gens »
Plus jeune, Shireen Abu Akleh ne se destinait pourtant pas à une carrière de reporter. L’architecture était sa première ambition. Née en 1971 au sein d’une famille chrétienne, Shireen grandit dans la ville de Beit Hanina, à Jérusalem-Est. En parallèle, elle obtiendra la nationalité américaine, après avoir vécu un moment aux côtés de la famille de sa mère, installée dans le New Jersey. Plus tard, elle entame des études d’architecture à l’Université jordanienne, avant de se tourner finalement vers le journalisme en intégrant la faculté de Yarmouk en Jordanie, précise le quotidien israélien Haaretz. « J’ai choisi cette voie pour être proche des gens », avait-elle expliqué dans une courte vidéo partagée par Al-Jazira, après son décès mercredi.
Son diplôme en poche, l’apprenti-journaliste retourne en terre palestinienne, voulant raconter le quotidien et les difficultés d’un peuple qu’elle juge injustement menacé. Elle tape à la porte de plusieurs rédactions, multiplie les piges pour la radio « La Voix de la Palestine » et la radio Monte-Carlo, avant de rejoindre en 1997 la chaîne Al-Jazira, rédaction où elle travaillera pendant 25 ans. Sa passion du terrain la pousse à couvrir de multiples événements de Gaza à Ramallah, en passant par Jérusalem et Bethléem. Face caméra, elle raconte les violences de la bataille de Jénine (2002) ou les blessés de la deuxième Intifada (2000-2005). Plus récemment, elle décrivait encore l’ampleur des raids menés par l’armée israélienne, dans la région.
Un visage qui s’impose dans les foyers arabes
Interrogée il y a quatre ans par la chaîne NBC, sur son appréhension du terrain, la reporter confiait avoir « évidemment peur ». « Mais parfois, ce n’est plus le moment d’avoir peur lorsqu’on fait ce métier », avait-elle poursuivi. « J’essaie de faire des reportages depuis des endroits relativement sûrs, il est important pour moi de protéger autant que possible mon équipe », racontait-elle à la télévision.
Sur le terrain, ses reportages s’attachent à décrire aussi bien la politique de l’État d’Israël, les violences de son armée, que les manquements de l’Autorité palestinienne. Peu à peu, son visage s’impose dans des milliers de foyers arabes, devenant une icône palestinienne, inspirant toute une génération d’aspirants journalistes. « Je connais beaucoup de petites filles qui ont grandi, en se tenant debout devant leur miroir, une brosse à cheveux dans la main, faisant semblant d’être Shireen », a raconté au New York Times Dalia Hatuqa, une journaliste américano-palestinienne et ancienne amie d’Abu Akleh. « Voilà à quel point sa présence était durable et importante. » Selon le Parisien