"Politologue nigérian à Al Ain" News": La France retrouvera son influence au Sahel de manière indirecte
La Russie n'est pas responsable des coups d'État survenus en Afrique, a estimé un analyste nigérian, spécialisé dans les fondements sociaux, les transformations politiques et les questions de développement en Afrique subsaharienne.
Le Dr Hakim Najm Eddine, chercheur en sciences politiques nigérian spécialiste dans les fondements sociaux, les transformations politiques et les questions de développement en Afrique subsaharienne, estime que l'avenir de l'alliance des États du Sahel est prometteur en raison des besoins sécuritaires dans la région.
Il met cependant en garde contre un retour indirect de l'influence française au Sahel. Il considère par ailleurs que la Russie n'est pas responsable des coups d'État en Afrique.
Le premier sommet de l'alliance des États du Sahel, regroupant le Mali, le Burkina Faso et le Niger, s'est tenu la semaine dernière à Niamey pour discuter de l'avenir et des objectifs de l'alliance, coïncidant avec le retrait complet des forces américaines de la base 101 au Niger.
S'agissant de la signification de ce timing, Najm Eddine a déclaré dans un entretien exclusif à "Al Ain News" que cette alliance prometteuse des États du Sahel était née du terrorisme, des tensions sécuritaires et de l'insurrection dans le Sahel, ainsi que de la détérioration de la situation politique en Libye qui a eu des répercussions négatives sur la région. Il a expliqué que ces facteurs ont conduit aux coups d'État militaires successifs en Afrique de l'Ouest.
Najm Eddine a souligné que ces conseils militaires cherchent à consolider leur pouvoir et ont donc créé cette alliance pour prévenir toute menace extérieure qui pourrait compromettre leurs régimes et replonger les pays dans le chaos
Le conflit entre la CEDEAO et l'alliance des États du Sahel
Concernant le conflit entre la CEDEAO et la nouvelle alliance, le chercheur politique spécialisé dans les questions de développement en Afrique subsaharienne a affirmé qu'après le coup d'État au Niger, la CEDEAO a menacé d'intervenir pour rétablir la démocratie et ramener au pouvoir le président déchu Mohamed Bazoum. Le conseil militaire au Niger a considéré cela comme une ingérence dans la souveraineté nationale du Niger. Les orientations du Niger ont convergé avec celles de la nouvelle situation au Mali après le coup d'État, ainsi qu'avec celles du Burkina Faso. Cette situation a donc incité les trois pays à s'allier pour repousser les menaces de la CEDEAO.
Il a expliqué qu'il existe un sentiment parmi les populations des trois pays que la CEDEAO exploite les États africains à son propre avantage, ou que la France utilise la CEDEAO pour étendre son influence dans la région, notamment après les menaces directes de la CEDEAO d'intervenir pour rétablir le président déchu. On peut donc dire que la CEDEAO n'a pas bien géré le conflit ou la crise au Sahel.
Certains dirigeants des États du Sahel avant les coups d'État avaient modifié leurs constitutions nationales pour se maintenir au pouvoir et briguer des mandats présidentiels supplémentaires ou à vie, a-t-il dit.
En revanche, les populations de cette région se demandent ce que la CEDEAO a fait lorsque ces dirigeants ont modifié leurs constitutions pour rester au pouvoir, illustrant cela par l'exemple de la Guinée, où Alpha Condé a modifié la constitution et déclenché des manifestations qui ont conduit au coup d'État et à la prise de pouvoir par le conseil militaire. Où était la CEDEAO à ce moment-là ?
Il a ajouté que le conflit entre les États du Sahel et la CEDEAO est finalement le résultat du sentiment des États du Sahel d'être abandonnés par l'organisation économique des États d'Afrique de l'Ouest en matière de sécurité et face aux menaces terroristes. La CEDEAO ne tient pas compte de leurs spécificités.
Le conflit russo-français en Afrique de l'Ouest
Najm Eddine a expliqué que le rôle de la Russie dans l'alliance des États du Sahel peut être considéré comme une exploitation de la situation pour renforcer son influence dans la région, plutôt qu'une incitation aux coups d'État. Il a précisé qu'en agissant ainsi, la Russie ne se distingue pas des autres acteurs internationaux.
Le chercheur nigérian en sciences politiques a déclaré que lorsque la Russie et la Chine coopèrent avec les pays africains, elles n'imposent pas de politiques spécifiques à ces pays et n'interfèrent pas dans leurs affaires intérieures, contrairement à Washington et Paris qui conditionnent leur soutien à une ingérence dans les affaires de ces pays. Par conséquent, la France pourrait ne pas retrouver son influence en Afrique de l'Ouest.
Najm Eddine a souligné que le conseil militaire au Mali, après le premier coup d'État en 2020, renforçait sa coopération avec la France. Cependant, après le deuxième coup d'État et la prise de pouvoir par le président actuel du pays, le général Assimi Goïta, qui préférait travailler avec la Russie, les relations entre la France et le Mali se sont tendues. Cela est dû aux critiques françaises contre le coup d'État militaire et aux demandes de rétablissement de l'ordre civil au Mali. La France a franchi des lignes rouges et les déclarations de responsables français sont passées de simples propositions à des menaces, ce qui a irrité le régime actuel au Mali qui a eu le sentiment que Paris s'ingérait dans sa souveraineté.
Il a poursuivi en disant que lorsque des rapports ont révélé que la Russie avait envoyé des forces de Wagner au Mali, les relations se sont encore détériorées, ce qui a conduit la France à retirer ses forces du Mali et à réduire le nombre de ses forces au Burkina Faso et au Niger. Par conséquent, nous constatons que la Russie n'est pas à l'origine des coups d'État en Afrique, mais plutôt que le mécontentement des citoyens de ces pays face à l'échec des gouvernements civils et démocratiques à réaliser le bien-être social et à répondre à leurs aspirations.
Najm Eddine a insisté sur le fait qu'on ne peut pas exclure la possibilité que la France tente de retrouver son influence dans les États du Sahel, car elle a d'importants intérêts économiques et liés à son indépendance. Cependant, l'influence française en Afrique de l'Ouest ne sera plus la même qu'auparavant. Par conséquent, la France tentera de revenir par d'autres moyens, de manière indirecte, comme en renforçant ses relations avec la République centrafricaine. Grâce à ce pays, la France pourra réorganiser ses positions dans la région. Il y a également la Côte d'Ivoire et le Bénin, ce qui a provoqué une crise entre le Bénin et le Niger, car le Niger craint que l'ouverture de ses frontières avec le Bénin soit exploitée par la France pour frapper le Niger via le Bénin.