Abdelkader Soufi à "Al-Ain News" : la crise ukrainienne a mis en évidence l'importance de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient

Les relations algéro-émiraties figurent parmi les relations distinguées dans le monde arabe, a estimé le Dr. Abdelkader Soufi, soulignant, par ailleurs, que « la crise ukrainienne a mis en évidence l'importance des pays de la région MENA.

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Dans une interview accordée à "Al-Ain News", le Dr. Abdelkader Soufi, politologue algérien et professeur de sciences politiques et de relations internationales à l'Université de Blida 2 (Algérie), est revenu sur plusieurs questions d’actualité. En voici le texte intégral de l’interview :

Pensez-vous que la guerre russo-ukrainienne a redonné une importance stratégique à l'Afrique du Nord et à la région du Golfe, notamment en ce qui concerne le dossier de l’énergie ?

 La crise ukrainienne en Europe a mis en évidence la fragilité de l’ordre mondial et l'ampleur de son disfonctionnement. Basé sur les équilibres des forces et des intérêts des grandes puissances, l’ordre mondial actuel, tel qu'établi depuis la fin de la 2ème guerre mondiale qui aspirait à instaurer un système équitable juste de paix et de sécurité en vertu de la charte de l'ONU et des Droit international, il n'a engendré que conflits, tensions et guerres par procuration. 

2ème : le chaos du système international qui favorise davantage les plus forts qui ne respectent pas ni loi ni faibles et qui usent d'une logique de deux poids deux mesures avec un double discours.

3ème : le conflit entre les modèles systémiques et organisationnels de la communauté internationale entre le maintien du statu quo et l'exigence d'un nouvel ordre.

 4ème: l'importance de la région du MENA dans la stratégie des titans. En outre une prise de conscience par le monde arabe de cette importance et de cette position géopolitique distinguée qui était également apparue. 

5ème : la possibilité de faire du Monde Arabe un acteur et un Bloc uni égal aux grandes puissances et non pas un terrain de bataille ou un champ de concurrence et de conquérants qui fragmentent et divisent le monde arabe. 

6ème: tous les indicateurs sont en faveur des pays arabes, c'est-à-dire les pays d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient peuvent se présenter comme un acteur influent dans le nouvel ordre mondial, pour se positionner avec les « Grands » dans le nouvel ordre international. Nous vivons la fin d'un système unipolaire vers un système multipolaire, d’où on s’interroge pourquoi ne pas faire de l'un de ces pôles le monde arabe, qui regorge d'un demi-milliard de personnes. Il possède plus de 60% de l'énergie mondiale, et contrôle les passages d'eau stratégiques. Il dispose de liquidités financières et de ressources naturelles en plus des ressources humaines. Il est également possible pour ces pays arabes, à travers ces dossiers, ou du moins les dossiers de l'énergie, des ressources financières et naturelles d’être au cœur des trois continents et de contrôler les couloirs du commerce mondial et de l'économie mondiale. 

 Les pays arabes peuvent également travailler sur le transfert de technologie. Au vu de la crise multi-entrées en Europe, en plus notamment de la possibilité de construire l'intégration économiques et commerciales arabes à travers la création, comme l'a démontré le sommet arabe d’Alger, la possibilité de créer des zones franches, et pourquoi pas d'aller vers une monnaie arabe unique.

 Concernant le dossier libyen, estimez-vous qu'il existe une initiative algérienne proche de la résolution de la crise libyenne... Que pensez-vous du rôle de l'institution militaire en général dans la préservation de la paix et de la souveraineté des pays ?

Concernant le dossier libyen, l'Algérie qui veut que la solution soit pacifique a tracé une feuille de route depuis le début de la crise libyenne. Elle veut que ce soit une solution inter-Libyenne, au sein de la maison arabe et africaine, loin des agendas occidentaux qui sont expansionnistes, et cela a compliqué à alimenter la situation, à   intérêts entre les grands attiser les conflits et à déstabiliser la Libye, et à en faire une région de conflits pour les grandes puissances et une zone de transit pour le crime organisé et les phénomènes extrémistes, y compris les milices et les groupes terroristes. Reste à savoir que l'approche algérienne s'inscrit pleinement dans les perspectives des Nations unies fondées sur sa charte et le droit international, et dans le cadre de la philosophie et de la politique étrangère de l'État algérien. 

- Estimez-vous un horizon pour les relations émirato-algériennes, notamment dans le domaine du développement ou de l'énergie ?

Parmi les relations distinguées entre les pays arabes, on peut parler des relations algéro-émiraties, se caractérisent par la profondeur, l'honnêteté, et le grand rapprochement entre les deux sœurs. Ce rapprochement date de longtemps, car les deux pays ont établi des relations exceptionnelles dans divers domaines du développement énergétique. Ils sont liés par des partenariats très stratégiques et distingués, notamment dans le domaine de l'industrie, de l'énergie, et des investissements rentables pour les deux parties dans d'autres domaines. 

Ces relations peuvent être renforcées et développées de plus en plus à la lumière des capacités disponibles dans les domaines d'investissement et de rapprochement politique dans de nombreux dossiers d'importance commune, ainsi que le multilatéralisme au sein du monde arabe, au sein de l'OPEP +, ou au sein les groupes auxquels appartiennent les deux pays. Le plus important sont les relations-cadres et les relations stratégiques directes dont je pense que l'Algérie et les Émirats arabes unis peuvent être fiers 

- Depuis la prise du pouvoir au Mali par l'actuel conseil militaire, l'influence occidentale décline progressivement alors que l'influence de la Russie ne cesse de s’étendre, notamment à travers le groupe Wagner.

Pensez-vous que l'allié russe contribuera à la stabilité politique du Mali, au développement économique et à l'instauration de la paix et de la sécurité ?

 Pour le Mali, l'arrivée au pouvoir du Conseil de transition est notamment caractérisée par le renversement de la « Cellule de l'Elysée », c'est-à-dire la « Cellule France Afrique », qui contrôlait presque la prise de décision dans la région, et dans presque toutes les colonies françaises d'Afrique ou du Sahel outre le pillage des richesses, etc. Cependant, ce processus en lui-même a accéléré l'action politique en Afrique dans de nombreux pays comme le Burkina Faso, le Niger et la Guinée, entre autres, avec la montée du sentiment anti-Occident dans cette région et de l'émergence de nouveaux acteurs de l'Est et de nouvelles puissances mondiales émergentes. Preuve en est, la crise en Ukraine, qui peut mettre en évidence le déplacement du pouvoir, de la richesse et de l'influence de l'Ouest vers l'Est et le Sud.