« L’Affaire d’Outreau » : Une série documentaire en quatre chapitres sur France 2
La série d’Agnès Pizzini et Olivier Ayache-Vidal décrit la mécanique de la catastrophe judiciaire du XXIᵉ siècle que fut cette histoire d’« inceste de palier ».`
La série d’Agnès Pizzini et Olivier Ayache-Vidal décrit la mécanique de la catastrophe judiciaire du XXIᵉ siècle que fut cette histoire d’« inceste de palier ».`
Le temps qui passe n’atténue pas la sidération : plus de vingt ans après le déclenchement de l’affaire d’Outreau on ressort effaré et nauséeux de la série documentaire en quatre chapitres que lui consacre France 2, accablé par les horreurs qu’ont subies les enfants du quartier de la tour du Renard.
Comme par l’épreuve qu’ont traversée les adultes innocents mis en cause certains ont passé plus de trois ans en prison pour rien.
« Un inceste de palier » titre du premier chapitre , dénoncé par les enfants de Myriam Badaoui et Thierry Delay, s’est transformé, au fil de l’instruction menée par Fabrice Burgaud, en un vaste réseau pédophile impliquant des « notables », puis en affaire Dutroux à la française.
Avant que l’édifice bâti par ce jeune juge enfermé dans son bureau et ses certitudes, submergé par le flot de révélations dont il était devenu impossible de démêler le vrai du faux, ne s’effondre lors des procès de Saint-Omer en 2004 et de Paris en 2005 : treize des dix-sept accusés seront acquittés.
Quatre d’entre eux, Thierry Dausque, Daniel Legrand, Alain Marécaux et Dominique Wiel, racontent le rouleau compresseur judiciaire et médiatique sous lequel ils sont passés, tandis que Jonathan Delay, l’un des quatre enfants du couple Badaoui-Delay, évoque son enfance au sein d’un foyer baignant dans la misère, l’alcool et les VHS porno, et son statut ambivalent : victime de viols qui ont brisé sa vie, coupable comme beaucoup de mensonges qui en ont brisé d’autres.
Des scènes cruciales de l’affaire sont jouées par des acteurs, qui reproduisent les dialogues extraits du dossier judiciaire. Elle est à mi-chemin entre un documentaire, avec images d’archives et entretiens face caméra de divers protagonistes, et le cinéma . Une série avec une grande originalité .
Ces reconstitutions, dans un étonnant décor, emmènent le spectateur dans le salon des Badaoui-Delay, dans le commissariat de Boulogne-sur-Mer où les enfants ont raconté comment les adultes leur avaient « fait des manières », ou dans le bureau de Fabrice Burgaud, où les affabulations de Myriam Badaoui et les erreurs du juge ont entretenu l’engrenage infernal.
Il manque à cette série réussie la parole de ceux que l’on aimerait le plus entendre, avec vingt ans de recul : celle du juge Burgaud lui-même, celle du procureur de Boulogne-sur-Mer, Gérard Lesigne on les entend tout de même lors de leur passage devant la commission d’enquête parlementaire mise en place dans la foulée de l’affaire , et celles des quatre condamnés : Myriam Badaoui, Thierry Delay, Aurélie Grenon et David Delplanque. Les uns n’ont pas souhaité participer, les autres sont introuvables.
Par ailleurs, ce que la série gagne en chair et en puissance évocatrice grâce à son procédé narratif, elle le perd en compréhension fine du dossier : la télévision ne peut aborder de manière exhaustive une histoire aussi dense que celle d’Outreau, même en quatre épisodes de cinquante minutes.
Pour compléter la série et appréhender l’affaire dans toute sa complexité, il peut être utile de lire Outreau, l’histoire d’un désastre (Max Milo, 2022), dans lequel l’avocat Gilles Antonowicz en explore chaque recoin pour en livrer une analyse clinique.
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