Les Français mettent fin à la présidence verticale de Macron
Après avoir reconduit en avril Emmanuel Macron à la présidence pour cinq ans, les Français ont choisi dimanche de le priver de majorité à l'Assemblée nationale, mettant fin à la présidence ultra centralisée de son premier quinquennat, selon des analystes.
Avec des projections de sièges qui situent la coalition présidentielle loin des 289 sièges indispensables pour disposer d'une majorité absolue, "les Français ont obtenu ce qu'ils souhaitaient collectivement", explique à l'AFP Emmanuel Rivière, directeur des études politiques de l'institut Kantar.
"Les dernières enquêtes d'opinion convergeaient, en effet, vers le désir de ne pas octroyer à Emmanuel Macron de majorité absolue, pas plus qu'à Jean-Luc Mélenchon", le dirigeant de l'alliance de gauche Nupes qui avait appelé les Français à "l'élire Premier ministre".
Pour Jean-Daniel Lévy, directeur général de Harris Interractive, les électeurs ont envoyé un message clair au chef de l'Etat.
"D'une manière globale, on est face à des citoyens qui ont le sentiment de ne pas avoir été écoutés comme ils le souhaitaient, de ne pas avoir été suffisamment entendus de la part d'Emmanuel Macron et qui aimeraient une autre expression de la part de l'exécutif", affirme-t-il à l'AFP.
Premier président réélu depuis l'instauration du quinquennat en 2002, Emmanuel Macron est aussi le premier à se retrouver en minorité depuis l'inversion du calendrier électoral qui a situé les législatives dans la foulée de la présidentielle et qui, jusqu'à présent, octroyait une majorité claire au chef de l'Etat fraîchement élu.
"Il n'y a pas eu de conséquences de la victoire de M. Macron à la présidentielle sur les législatives", constate M. Rivière. "Tout s'est passé comme si nous étions dans la continuité d'un mandat de dix ans et que les législatives aient finalement fonctionné comme des élections intermédiaires qui sont d'habitude difficiles pour le gouvernement et non comme des législatives qui suivent la présidentielle".
La question du pouvoir d'achat, notamment du prix de l'essence, a eu apparemment une forte influence sur le résultat du vote: "les problèmes du quotidien ont été beaucoup plus présents dans la tête des Français que dans le débat", reconnaît M. Rivière.
Des préoccupations dont le parti RN de Marine Le Pen a fait son principal thème de campagne et qui pourraient expliquer sa percée historique lui permettant de devenir sans doute la troisième force de l'Assemblée nationale avec de 67 à 102 sièges.
Après un entre-deux-tour où l'appel à faire barrage à l'extrême droite a donné lieu à des messages contradictoires notamment au sein de la majorité, le RN a fait beaucoup mieux que son objectif d'atteindre les 15 sièges nécessaires pour créer un groupe.
"On a la confirmation que dans ce mode de scrutin très particulier qui handicapait jusqu'alors le RN, le front républicain s'est complètement disloqué, voire perdu dans les limbes de la Ve République", observe le directeur du Cevipof Martial Foucault sur la chaîne LCP.
"C'est l'un des points sur lesquels la stratégie d'Emmanuel Macron aura eu des conséquences qu'il n'aura pas tout à fait maîtrisées: cette rhétorique de dire +à part moi, il n'y a que des extrêmes+ a été un peu dévastatrice", souligne M. Rivière.