Au Burkina Faso, Ablassé Ouédraogo de retour chez lui
L’ancien ministre des Affaires étrangères a été libéré jeudi et a regagné Ouagadougou.
Il avait été réquisitionné de force fin décembre dernier, et était depuis retenu dans le camp militaire de Kaya.
Ses 75 jours de détention militaire forcée n’ont pas entamé sa bonne humeur. Avant de se rendre dans une mosquée de Ouaga 2000 pour la prière du vendredi, Ablassé Ouédraogo, taquin et hilare, n’hésitait pas à rassurer les nombreux visiteurs venus chez lui pour prendre de ses nouvelles. Sur place, tous font le même constat : l’ancien ministre des Affaires étrangères de 70 ans est physiquement marqué et a perdu une dizaine de kilos, mais il est heureux d’avoir retrouvé la liberté la veille, jeudi 7 mars. « L’essentiel, c’est que je suis toujours en vie », glisse le président du parti Le Faso autrement, qui affirme avoir toujours « le moral au top ».
Très tôt, ce jeudi, l’homme est réveillé par ses gardes au camp militaire de Kaya, à plus de 100 kilomètres au nord de Ouagadougou. Cette fois-ci, ce n’est pas pour faire une activité quelconque. En quelques minutes, on lui annonce qu’il va être remis en liberté, avec une dernière mission de la part des miliaires : « aider à sensibiliser les autres ». Les autres, c’est à dire tous les civils, responsables politiques, militants ou simples citoyens qui osent émettre des critiques contre la junte au pouvoir dirigée par le capitaine Ibrahim Traoré.
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À 6 heures du matin, un véhicule démarre du camp de Kaya, direction Ouagadougou. À son bord, Ablassé Ouédraogo, qui arrive dans la capitale dans la matinée. Pour l’ancien chef de la diplomatie burkinabè, c’est la fin de deux mois et demi entre les mains des militaires, après avoir été enlevé le 24 décembre 2023 à son domicile ouagalais par des hommes en civil se présentant comme des éléments de la police nationale. Il venait alors de rentrer, le matin même, d’un séjour à l’étranger.
Hagard et AK-47 en mains
Après son enlèvement, il est remis à des militaires cagoulés, qui le gardent pendant quelques jours dans une villa de Ouagadougou dans des conditions « très peu enviables », affirme un de ses proches. De là, Ablassé Ouédraogo est transféré au camp militaire de Kaya, où il croise le chemin d’autres civils réquisitionnés de force, dont celui de l’ancien ministre de la Jeunesse, Wahabou Drabo. Il y restera là jusqu’à sa libération.
Le 18 février, des photos et une vidéo publiées sur les réseaux sociaux le montrant hagard, en treillis, une AK-47 en mains, choquent de nombreux Burkinabè. Ablassé Ouédraogo y apparaissait aux côtés du défenseur des droits humains, Daouda Diallo, lui aussi enlevé par les militaires et qui, selon nos informations, se trouverait actuellement dans la zone de Boulsa (Centre-Nord).
Ces derniers mois, la junte au pouvoir procède à des réquisitions de civils critiques à son égard pour les envoyer au front pour participer à la lutte contre les groupes jihadistes. Derniers opposants à en avoir fait les frais : les militants du Balai citoyen Bassirou Badjo et Rasmané Zinaba.