Comment les militaires guinéens font pression sur Doumbouya après le remaniement
En remerciant son gouvernement, le 19 février, le général Mamadi Doumbouya pensait tourner la page de la crise politique.
Sauf qu’à moins d’un an du terme officiel de la transition, le chef de la junte en Guinée se sait particulièrement scruté par la Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et par la communauté internationale. Ses choix seront donc décisifs.
Selon Jeune Afrique, la tâche est d’autant plus ardue qu’il doit également faire face aux velléités de ses alliés de la première heure, réunis au sein du Comité national de rassemblement pour le développement (CNRD). Car si ces gradés se sont mis en retrait de la formation du premier gouvernement, préférant favoriser l’image d’une équipe civile, ils comptent cette fois avoir leur mot à dire.
Commission informelle
Sitôt après la lecture du décret de dissolution du gouvernement sur les ondes de la Radio télévision guinéenne (RTG) par le général Amara Camara, le porte-parole de la présidence, une commission informelle spécialement créée s’est réunie au palais Mohammed-V.
Guinée: le président de la transition annonce la dissolution du gouvernement
Celle-ci est exclusivement composée des ténors du CNRD, tels que Balla Samoura, le haut-commandant de la gendarmerie nationale, qui pointent une erreur de casting lors de la formation du premier gouvernement de transition. Toujours selon nos informations, cette task force s’active en coulisses afin de mettre sur pied la prochaine équipe gouvernementale avant la fin de la semaine. Leur objectif est d’annoncer le nom du Premier ministre ce 23 février, mais ils peinent à s’accorder.
Un ancien ministre d’Alpha Condé à la primature ?
Certains membres de la commission plaident pour qu’un militaire soit désigné, tandis que d’autres privilégient un choix plus politique en vue des futures élections. Ceux-ci ont d’ailleurs suggéré de choisir une personnalité originaire du Fouta ou de la Basse-Guinée. Il y a plusieurs semaines, des proches de Mamadi Doumbouya avaient entamé des discussions informelles avec certains hommes politiques, à l’instar des anciens ministres d’Alpha Condé, Abdoulaye Yéro Baldé et Ousmane Bah.
Le nom d’un autre ex-dignitaire de l’ère Condé est toujours évoqué avec insistance ces derniers jours : il s’agit de l’avocat et ancien ministre de la Défense, Abdoul Kabèlè Camara. Ce technocrate, qui a cheminé au côté de l’ex-chef de l’État avant de basculer dans l’opposition, est connu pour son franc-parler. Lorsqu’il était ministre de la Défense, il avait eu maille à partir avec l’influent Aboubacar Sidiki Camara, dit « Idi Amin », lorsque ce dernier était son chef de cabinet.
L’ancien gouvernement sous surveillance
Pendant que les tractations se poursuivent dans le plus grand secret, la plupart des ministres qui ont été remerciés restent cloîtrés chez eux. Sur ordre du président de la transition, leurs passeports et leurs voitures de service ont en effet été confisqués, et leurs comptes en banque gelés.
Selon nos informations, un discret dispositif de surveillance a été mis en place par le pouvoir pour scruter les moindres faits et gestes des ex-membres du gouvernement. « Je suis actuellement suivi par au moins trois personnes, partout où je vais », confie l’un d’eux à Jeune Afrique.
Ce traitement est similaire à celui qui a été réservé aux anciens ministres d’Alpha Condé, après le coup d’État qui a renversé l’ex-chef de l’État le 5 septembre 2021. Certains d’entre eux demeurent incarcérés à la maison centrale de Conakry, tandis que d’autres se voient toujours interdits de voyager.