Pourquoi le Conseil de sécurité de l'ONU ne sanctionne-t-il pas le Rwanda ?
Une guerre oubliée, des intérêts silencieux Goma, capitale du Nord-Kivu, respire au rythme des soubresauts de la guerre. Une ville à la merci du destin, ballottée entre la fureur des armes et l'indifférence du monde.
Le 27 décembre 2024, la milice M23, soutenue par le Rwanda, proclame sa victoire :
Goma est tombée, disent-ils. Pourtant, dans les ruelles tortueuses, entre les immeubles criblés de balles, les forces congolaises résistent encore. Les cris des enfants résonnent sous un ciel sans électricité, alors que les corps abandonnés deviennent les jalons silencieux de cette tragédie.
Un silence assourdissant émane de New York. Le Conseil de sécurité de l'ONU se réunit. Trois heures et demie d'échanges. Des mots solennels, des condamnations feutrées. Tous s'accordent à dénoncer l'agression, mais lorsque vient le temps d'agir, les voix s'estompent.
Quelques pays osent briser le mur du non-dit : l'Afrique du Sud, l'Uruguay, et bien sûr la RDC. Ils réclament des sanctions contre le Rwanda. Mais la lourdeur du silence est plus puissante que leurs mots, souligne volontiers Ann Garrison, journaliste spécialisée dans la région dite des Grands Lacs.
Les minerais, une guerre qui ne dit pas son nom
Le Nord-Kivu, cette terre aux richesses infinies, exhale un parfum de sang et de convoitise. Coltan, or, diamants : les entrailles de la région recèlent des trésors qui attisent les appétits des puissances étrangères. Officiellement, le Rwanda prospère, exportateur de minerais stratégiques. Mais ces ressources ne viennent pas de ses montagnes.
Elles suintent de la boue des mines congolaises, exploitées au prix de massacres, sous le regard complice des marchés internationaux. Qui oserait sanctionner un allié si précieux dans la guerre économique du XXIe siècle ?
La ministre congolaise des Affaires étrangères, Thérèse Kayikwamba Wagner, lance un appel déchirant :
« Ce que traverse la RDC n’est pas un simple conflit. C’est une agression délibérée, une violation flagrante des principes fondateurs de l’ONU. Ce Conseil ne peut plus se contenter de déclarations d’inquiétude. »
Elle demande des mesures claires : interdiction d’exporter les minerais pillés, sanctions ciblées contre les généraux rwandais, et surtout, la fin du rôle du Rwanda dans les missions onusiennes de maintien de la paix. Mais la réponse du Conseil reste évasive. L’argent n’a pas d’odeur, mais il a un prix.
Un tribunal pour les vainqueurs ?
L’histoire récente a vu la Cour pénale internationale (CPI) brandir son glaive contre des figures controversées : Kadhafi, Béchir, Gbagbo, Poutine. Mais Paul Kagame, architecte d’un Rwanda ressuscité sur les cendres du génocide de 1994, n’a jamais été inquiété.
Pourtant, les rapports s’accumulent. Depuis le tristement célèbre Rapport Mapping de 2010, les preuves de crimes contre l’humanité et de violations massives du droit international sont détaillées, consignées. Mais l’accusation reste lettre morte.
Pourquoi cette impunité ? Parce qu’un Kagame devant la CPI pourrait parler. Et parler, ce serait lever le voile sur les complicités occidentales, les réseaux financiers, les intérêts cachés qui gravitent autour du drame congolais. Ce serait peut-être aussi exhumer des vérités enfouies sur le rôle des grandes puissances dans la tragédie rwandaise elle-même. En 2009, Kagame ne laissait aucun doute :
« Le génocide au Rwanda – ses causes ne sont pas rwandaises, ne sont pas africaines. »
Un avertissement discret, une menace voilée. Certains secrets ne doivent pas être révélés.
La loi des empires
Au petit matin, Goma s’éveille dans un chaos silencieux. Les rues sont encore parsemées d’ombres fugitives, de familles en exil, d’enfants qui ne comprennent pas pourquoi leur monde s’effondre.
Le Conseil de sécurité se réunira encore. Il exprimera sa « profonde préoccupation ». Mais il ne sanctionnera pas le Rwanda. Il ne poursuivra pas Kagame. Il ne coupera pas les financements qui alimentent cette guerre éternelle. Parce que dans cette partie d’échecs, les règles sont dictées ailleurs. Parce que l’Histoire n’appartient jamais aux victimes, mais à ceux qui l’écrivent.
Et le sang congolais, lui, continue de couler…