Pourquoi la prochaine COP 28 aux Émirats arabes unis est une bonne chose ?
La prochaine Conférence annuelle des parties (COP 28) de l’ONU sur le climat se déroulera finalement du 30 novembre au 12 décembre 2023 à Dubaï.
Ce choix est éminemment politique mais également une très bonne nouvelle pour des actions concrètes en faveur du climat.
Roland Lombardi est docteur en Histoire, géopolitologue et spécialiste du Moyen-Orient. Ses derniers ouvrages : Poutine d’Arabie (VA Éditions, 2020), Sommes-nous arrivés à la fin de l’histoire ? (VA Éditions, 2021) et Abdel Fattah Al-Sissi, Le Bonaparte égyptien ? (VA Éditions, 2023)
La décision d’organiser la prochaine COP 28 à Dubaï à l’automne prochain a été critiqué par certains groupes d’écologistes. Surtout la nomination à sa présidence de Sultan Ahmad al-Jaber, ministre émirati de l’Industrie depuis 2020 et surtout PDG de la Compagnie nationale pétrolière d’Abou Dhabi.
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Or, si les Émirats arabes unis (EAU) sont les septièmes producteurs mondiaux de pétrole, avec une production moyenne de 3,79 millions de barils par jour, d'après les plus récentes données de la US Energy Information Administration et que le pays, d’un peu moins de 9,4 millions d’habitants, a rejeté dans l’atmosphère 193,5 millions de tonnes de CO2 en 2021, d’après des données compilées par la Commission européenne, il n’en reste pas moins que par rapport à la plupart des États de la région mais aussi à d’autres pays de la planète, l’émirat est à la pointe de l’investissement dans les énergies renouvelables depuis quelques années. D’ailleurs, les EAU ont officiellement annoncé qu’ils souhaitaient atteindre la carboneutralité d’ici 2050.
Mais à la différence encore une fois de ses voisins, les dirigeants émiratis, toujours très avisés, ont su rapidement diversifier leurs ressources et leurs activités économiques, basées au départ essentiellement sur leurs richesses en hydrocarbures. Très vite, ils se sont donc tournés vers le commerce, la finance, l'immobilier, le trafic aérien, le tourisme de luxe, les zones franches, les médias, les ports francs, le transit, l'enseignement, la culture, la haute technologie et la recherche scientifique (souvenons-nous de « Amal », le premier satellite arabe mis en orbite en 2021 autour de Mars !) et même le développement durable (notamment l’énergie solaire et le recyclage et la désalinisation de l’eau). Il en a résulté un développement économique conséquent et non exclusivement basé sur les seules rentes pétrolière et gazière donnant au pays l’allure d’une sorte de Hong Kong version moyen-orientale.
Un choix également très politique
L’organisation de la COP 28 aux EAU est également une reconnaissance politique internationale pour ce pays qui s’est imposé depuis une dizaine d’année comme une sorte de « nouvelle République de Venise » du monde arabe.
Ainsi les Émirats se sont dotés d’une force armée de 65 000 professionnels et de forces spéciales compétentes, bien équipées et surtout très bien formées. Le budget de la Défense est de 14,3 milliards de dollars en 2015, soit 5,34 % du PNB, soit en proportion, l’un des plus élevés du monde.
Abou Dhabi a tissé de bonnes relations avec ses alliés occidentaux dans le domaine militaire.
Les EAU, membres par ailleurs du Conseil de coopération du Golfe, ont également signé de nombreux accords de défense et de coopération militaire notamment avec la France et les États-Unis (mais également avec la Russie et la Chine), qui lui fournissent aides et matériel militaires haut de gamme.
Dans le même temps, depuis quelques années, la diplomatie d’Abou Dhabi est très active dans le monde arabe. L’Émirat sّ’est positionnée comme le fer de lance contre le terrorisme et l’islam politique, aux côtés de l’Égypte de Sissi et de la « nouvelle » Arabie saoudite de Mohammed ben Salman, et comme cela n’avait jamais été fait par le passé.
Les EAU ont aussi signé les historiques Accords d’Abraham (avec Bahreïn, le Maroc et le Soudan) en septembre 2020 avec Israël. Très écoutés et influents dans la région, ils en sont depuis l’un des piliers ainsi que de la normalisation politique en cours et des nouvelles perspectives commerciales et stratégiques entre les autres pays arabes et l’État hébreu.
Enfin, n’oublions pas les Émirats font également partis des 88 pays francophones ou francophiles, membre de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF).
Une COP 28 basée sur le réalisme et le pragmatisme
La dernière COP 27 à Charm el-Cheikh, en Égypte, il y a quelques semaines, a permis de trouver un compromis sur l'aide aux pays pauvres touchés par les changements climatiques, mais les
parties ne se sont fixées aucune nouvelle ambition pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Or le choix hautement symbolique du lieu pour le futur sommet de novembre et décembre prochain, ne fait pas l’unanimité. Il sera pourtant une formidable opportunité pour que les acteurs mis en cause hier dans la crise climatique, puissent se présenter enfin comme les promoteurs des solutions de demain.
Ainsi, pour le président de la COP 28, Sultan Ahmad al-Jaber, le principal défi va être de démontrer que l’on peut faire partie du problème mais également de la solution, en apprenant du passé pour construire l’avenir.
Comme dans toutes leurs positions politiques et dans d’autres dossiers, et à l’inverse de nombreux autres États dans la zone, les Émiratis ont toujours démontré leur sincérité par les faits et les actions.
On peut aisément donc croire le nouveau président de la future COP, lui qui a présenté, comme on l’a dit plus haut, un plan réaliste pour une stratégie visant à atteindre la neutralité climatique de son pays d’ici 2050. Comme lorsqu’il a déclaré et affiché sa volonté réelle de travailler avec l'industrie énergétique pour accélérer sa décarbonation, en promouvant notamment des solutions de différentes natures, tel l'hydrogène vert, qui est un des enjeux du monde énergétique de demain.
Ministre émirati de l'Industrie, président d’une compagnie pétrolière, il connait parfaitement les problèmes, les contraintes et les besoins des industriels. Mieux que personne, il aura donc une vision et une approche pragmatique pour faire face aux problèmes soulevés et prendre les bonnes décisions afin d’essayer de relever le défi climatique.
La question de l’après-pétrole a toujours été fondamentale pour les EAU, qui, on l’a vu, en ont pris conscience bien avant tous leurs voisins. Pionnier en la matière, c’est au final, un intérêt existentiel pour l’émirat et on ne peut que raisonnablement faire confiance en ses dirigeants, quant à leur volonté réelle de faire évoluer positivement les choses dans ce domaine…