COP28 : «il y a une volonté de dépasser certains clivages»
Dans deux jours s’ouvrent à Dubaï les portes de la COP28. Pour Al-Ain News, le chercheur Pascal Le Pautremat revient sur les enjeux autour de ce sommet stratégique sur le climat.
Dans un monde marqué par des divisions géopolitiques croissantes, la Conférence des Parties des Nations Unies sur le changement climatique (COP28) s'apprête à débuter dans deux jours à Dubaï. Cette édition revêt une importance particulière, car elle met en lumière la possibilité que le climat serve de terrain de convergence au sein de la scène internationale, malgré les différends politiques.
Les dernières années ont été marquées par des tensions géopolitiques croissantes, des conflits commerciaux aux querelles territoriales. Dans ce contexte, la question du changement climatique se présente comme un enjeu mondial qui transcende les frontières et les affiliations politiques. La COP28 offre ainsi une opportunité unique pour que les nations du monde entier convergent vers des solutions communes.
«Quand on prend la pleine mesure de l’urgence actuelle face au drame climatique, on se dit qu’il n’y a pas d’autres solutions pour les Etats que de converger. Preuve de la gravité de la situation : même le Vatican a annoncé que le Pape François se rendrait à Dubaï pour l’événement. Ce n’est pas rien», affirme au micro d’Al-Ain News Pascal Le Pautremat, géopolitologue et auteur de Géopolitique de l’eau (Ed. L’esprit du temps, 2020).
Et d’ajouter «il y a une volonté de dépasser certains clivage. Notamment à travers cette présence du Pape qui créé un rapprochement Occident-Orient. La symbolique est forte.»
Alors que les désaccords politiques persistent sur divers fronts, le changement climatique devient un dénominateur commun. Les effets dévastateurs des phénomènes météorologiques extrêmes, la montée du niveau de la mer et la menace sur la biodiversité sont autant de défis qui transcendent les lignes politiques et nécessitent une action concertée.
«Dans le même temps, on n’échappe pas aux doutes, aux suspicions», tempère notre interlocuteur. «La menace des conflits d’intérêts, la peur d’un énième coup d’épée dans l’eau plane toujours au-dessus de cette conférence.»
Néanmoins, celui-ci reste «convaincu qu’en haut lieu, partout, il y a une connaissance de l’urgence de la situation. Tous les jours, nous en avons des preuves. Ça ne va aller qu’en s’aggravant.»
Le temps presse donc. La communauté internationale a connu des succès mitigés dans ses efforts pour lutter contre le changement climatique. L'Accord de Paris, signé lors de la COP21, a marqué un jalon important, mais la mise en œuvre reste un défi. La COP28 se profile comme une opportunité de renforcer les engagements existants et d'explorer de nouvelles voies pour accélérer les actions climatiques.
Les grandes puissances du monde ont un rôle crucial à jouer dans cette quête de convergence climatique. Alors que les rivalités persistent, des signaux positifs émergent. Les accords sino-américains sur le climat et les engagements renouvelés de l'Union européenne témoignent de la volonté des grandes nations de mettre de côté leurs différends pour faire face à une menace commune.
Cependant, la route vers la convergence climatique est semée d'obstacles. Les divergences d'approches, les questions de financement et les préoccupations économiques peuvent entraver les progrès. «Il y aura probablement des textes et des annonces faites, mais le problème est qu’il n’y a jamais d’obligations, de mesures contraignantes qui vont avec ces textes. C’est la limite de ce système», préviens Pascale Le Pautremat.
Pour lui, «des hommes politiques vont certainement s’engager, sauf qu’ils devront faire face aux multinationales, au lobbying ultralibéral et ça c’est l’écueil de nos sociétés. Ils sont pieds et poings liés face à une économie ultralibérale qui est inadaptable aux enjeux contemporains.»
La COP28 sera le théâtre de négociations intenses, exigeant une diplomatie agile et la volonté des nations de dépasser leurs intérêts individuels pour le bien commun.
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Et les émirats sont un point de passage des plus cohérents pour mener faire le pont entre est-ouest, ou encore entre Occident sud global. «Oui, les Emirats et les pays du Golfe en général sont des pays qui pèsent de plus en plus lourd. Ils ont des hommes de qualité et intelligents. Oui bien sûr ce sont des pétromonarchie, mais on voit qu’ils essayent de réinjecter beaucoup d’argent dans des projets énergétiques nouveaux. Ils ont très bien saisi la nécessité de se tourner vers le 21e siècle», remarque le géopolitologue.
«Regardons les efforts conséquents faits pour le désalinisation de l’eau. Il y a aussi la volonté de développer une agriculture locale, malgré l’hostilité de l’environnement. Cela montre une réelle volonté de transition vers un modèle plus stable», souligne-t-il.
La COP28 offre l'occasion d'envoyer un message clair : dans un monde complexe et fragmenté, la lutte contre le changement climatique peut servir de catalyseur à la convergence internationale. Les solutions innovantes, les technologies durables et les engagements concrets peuvent émerger de cette conférence, jetant les bases d'un avenir plus durable.
Alors que le monde regarde vers Dubaï, l'espoir réside dans la possibilité que la COP28 ne soit pas seulement une réunion diplomatique, mais un moment décisif où les nations du monde choisissent la convergence climatique au-dessus des divisions politiques.