COP28 : prise de conscience d'un renversement géopolitique (VIDÉO)
L'emplacement des pavillons lors des COP (Conférences des Parties) revêt une importance géopolitique subtile.
Les pays les plus pauvres ont souvent des emplacements moins favorables, relégués au fond des bâtiments ou à plusieurs kilomètres du centre de presse.
Cependant, à Dubai lors de la COP28, les pavillons des petits États insulaires et des pays africains bénéficient d'une position privilégiée, offrant ainsi une visibilité accrue. Néanmoins, cette "géopolitique des pavillons" révèle également une nouvelle fracture.
Suite à la guerre en Ukraine et à la crise énergétique qui a touché les économies occidentales, l'atmosphère a clairement changé. Les pays occidentaux, malgré les années de promotion de l'énergie solaire comme solution salvatrice, sont revenus aux énergies fossiles dès les premiers problèmes.
L'Allemagne, par exemple, a préféré rouvrir ses centrales à charbon pour ne pas mettre en difficulté ses entreprises. Cette situation suscite des interrogations et des frustrations chez les acteurs des pays en développement, comme le Tchad.
Le Tchad, un vaste pays d'Afrique centrale sans accès à la mer, connaît une sobriété énergétique extrême, avec seulement 6,4% de la population raccordée au réseau électrique. Même pour ceux qui sont raccordés, l'électricité n'est pas disponible tous les jours.
Les zones rurales souffrent particulièrement, avec un taux de raccordement d'à peine 1%. La principale source d'énergie est le bois et le charbon de bois, utilisés par plus de 80% de la population, principalement pour les besoins domestiques.
Malgré les ressources fossiles importantes du pays, les programmes d'électrification se concentrent principalement sur l'installation de systèmes solaires autonomes dans les foyers, ce qui permettrait d'offrir un accès limité à l'électricité à 30% de la population d'ici 2030, mais seulement pendant quelques heures par jour.
L'électrification telle que définie par les organismes internationaux est loin de répondre aux besoins énergétiques des populations rurales africaines. Selon cette définition, un foyer est considéré comme "électrifié" s'il peut recevoir 250 kWh d'électricité par an en milieu rural et 500 kWh en ville.
Cependant, avec seulement 1 kWh, qui suffit à faire fonctionner un réfrigérateur pendant une journée ou à effectuer quelques tâches ménagères, il est clair que l'électrification actuelle ne permet pas aux populations rurales africaines de disposer d'une électricité suffisante pour répondre à leurs besoins fondamentaux.
Face à cette situation, certains acteurs de l'électrification au Tchad expriment leur frustration. Ils soulignent que le solaire et l'éolien sont des sources d'énergie intermittentes et insuffisantes pour soutenir le développement industriel.
Ils estiment qu'à court terme, l'injection d'une certaine quantité d'électricité thermique serait plus réaliste. Cependant, le Tchad ne dispose pas des ressources financières nécessaires pour financer de telles infrastructures, et les organismes d'aide sont réticents à soutenir la construction de centrales au fioul. Cette situation laisse le pays dans une impasse.
La COP28 est le théâtre d'un affrontement diplomatique crucial, où se joue non seulement la question des engagements relatifs aux énergies fossiles, mais aussi un rééquilibrage des rapports de force ayant un impact sur la survie économique de plusieurs pays.
Les États se divisent en quatre groupes : les partisans d'une sortie rapide des énergies fossiles, comprenant l'Union européenne, certains pays d'Amérique latine et les petits États insulaires ; les pays développés producteurs d'hydrocarbures qui soutiennent également la sortie, mais avec plus de flexibilité quant au calendrier ; les pays fortement dépendants des fossiles, tels que la Chine, l'Inde, l'Arabie saoudite et la Russie, qui s'opposent à leur mention dans le texte et mettent l'accent sur les technologies de capture de carbone ; et enfin, la plupart des pays africains, qui acceptent le principe de la sortie mais demandent des délais et des financements adéquats pour soutenir leur développement.
Cette nouvelle configuration géopolitique, où la transition écologique joue un rôle clé, redéfinit les dynamiques de pouvoir, où l'Occident, pauvre en ressources, voit son influence diminuer.
Le projet du barrage d'Inga en République démocratique du Congo (RDC) est emblématique de l'impuissance des pays riches en ressources face à un accès limité aux financements. Malgré les énormes réserves de la RDC en cuivre, cobalt, lithium et manganèse, le manque d'électricité entrave le développement des infrastructures locales.
Le projet Grand Inga, qui ajouterait 42 GW de capacité hydraulique, offrirait un potentiel énorme pour répondre aux besoins énergétiques du pays, où seulement 20 % de la population a accès à l'électricité.
Cependant, en raison de l'instabilité politique et du coût élevé des travaux, estimé à 80 milliards de dollars au total, les investisseurs hésitent à s'engager. La RDC souhaite valoriser ses ressources et apporter la prospérité à son peuple, mais la vente de l'électricité à des clients solvables reste un défi majeur à relever.
Des montages financiers complexes ont été envisagés pour le projet du barrage d'Inga en République démocratique du Congo (RDC). Parmi les options, il y avait la possibilité de construire une ligne à haute tension sur 3 000 kilomètres jusqu'en Afrique du Sud.
Finalement, un partenariat public-privé a été choisi, avec l'intérêt potentiel de grandes entreprises étrangères pour produire de l'hydrogène vert ou décarboner leur production d'acier et d'autres minerais sur place.
Le projet bénéficie du soutien de la Banque mondiale et de la Banque africaine, et il est considéré comme essentiel pour l'agenda 2063 de l'Union africaine.
L'électricité produite par le barrage pourrait alimenter plusieurs pays et favoriser un développement massif des énergies renouvelables en Afrique. Cependant, des problèmes de financement se posent de plus en plus fréquemment, ce qui entrave l'adhésion de nombreux pays à l'agenda climatique.
Les pays développés commencent à reconnaître la nécessité d'une réforme des règles de financement international pour résoudre ces obstacles.
Des initiatives telles que les partenariats JETP sont mises en place pour soutenir la transition énergétique des pays fortement émetteurs de carbone. Par exemple, l'Indonésie recevra 20 milliards de dollars pour l'aider à sortir de sa dépendance au charbon.
Cependant, trouver des fonds reste un défi majeur. Bien que des ressources financières considérables existent, notamment dans les caisses des dépôts détenues par 530 banques publiques de financement dans le monde, il est difficile de mobiliser l'argent privé pour de tels projets.
Malgré les efforts déployés par des institutions comme l'Agence française de développement, il reste encore beaucoup à faire pour atteindre les objectifs financiers nécessaires à la transition énergétique.
La France pousse pour une réforme de l'architecture financière internationale afin d'intégrer les demandes des acteurs du sud. Une coalition de pays s'est réunie à Paris lors du sommet "Finance en commun" pour mobiliser 500 milliards de dollars annuels sur de grands projets. Une réunion est prévue en Chine pour élaborer cette réforme.
Un autre projet soutenu par la France vise à réformer le mécanisme des crédits carbone, qui actuellement ne parvient pas à remplir son rôle efficacement. Le principe de compenser les émissions de CO2 en achetant des crédits d'absorption de carbone est vertueux, mais le marché est fragmenté et les prix varient considérablement.
Les acteurs africains, par exemple, vendent leurs crédits à un prix bien inférieur à celui du Japon. Pour remédier à cela, il est nécessaire que les acteurs publics investissent dans ces marchés et unissent leurs forces.